Clément Delangue est, avec Julien Chaumond et Thomas Wolfe, l’un des trois Français cofondateurs de Hugging Face, une start-up d’intelligence artificielle (IA) de premier plan. Valorisée à 4,2 milliards d’euros après avoir levé près de 450 millions d’euros depuis sa création en 2016, cette société de droit américain est connue comme la plate-forme de référence où développeurs et entreprises publient des outils et des modèles pour faire de l’IA en open source, c’est-à-dire accessible gratuitement et modifiable.
Vivant entre Miami, New York et Paris, où sont installés la moitié des 220 employés de Hugging Face, son directeur général défend la conception d’une IA « ouverte et décentralisée », contre la domination des géants du numérique comme OpenAI et son partenaire Microsoft ou Google.
Hugging Face veut « démocratiser la bonne IA », qu’est-ce que cela veut dire ?
Une IA est éthique quand elle est alignée avec les valeurs des individus qui participent au projet. A Hugging Face, nos valeurs sont l’ouverture, la transparence, l’inclusivité. Nous réfléchissons donc aux moyens de faire la technologie la plus ouverte possible, pour permettre aux entreprises de partager leurs modèles d’IA et les jeux de données et de contenus sur lesquels ils ont été entraînés. Nous cherchons aussi à éviter qu’une entreprise contrôle le secteur. Nous aimerions que tout le monde puisse créer sa propre IA : les entreprises, mais aussi les associations et ONG, les structures publiques, les régulateurs, les journalistes…
Des acteurs puissants comme Google ou OpenAI proposent de grands modèles d’IA fermés, en quoi est-ce un problème ?
Il y a plusieurs approches complémentaires. Quand vous voulez faire un moteur de recherche, comme ChatGPT, c’est bien d’utiliser un très gros modèle d’IA. Mais quand vous voulez créer un chatbot – un robot conversationnel – de service client pour votre application bancaire, vous n’avez pas forcément besoin d’une IA qui disserte sur le sens de la vie, plutôt d’une IA qui vous réponde vite. Un modèle plus petit et plus spécialisé est plus rapide et permet de dépenser moins d’argent et d’électricité, donc aussi d’émettre moins de CO2.
De plus, c’est important que tous les gens qui veulent construire des systèmes d’IA aient accès aux ressources nécessaires, comme tout le monde peut écrire du code informatique pour créer un logiciel. C’est un monde plus désirable qu’un univers où quelques très grosses entreprises gardent leurs secrets et leurs modèles d’IA, et contrôlent l’accès à cette technologie.
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