Lorsqu’on est à la fois passionné de technologie et de belles carrosseries, on ne peut qu’être frustré de certains projets qui n’ont jamais abouti. Parmi ceux-là, l’Apple Car ou iCar, autrement dit la voiture autonome et connectée qu’Apple a rêvé de construire, figure en très bonne place. Le fameux projet Titan est une arlésienne dans le monde de la « tech » et cette rumeur persistante s’est heurtée au mur de la réalité en 2024. C’est à cette date que Cupertino a décidé d’arrêter les frais (qui s’élevaient tout de même à plus de 10 milliards de dollars), et a abandonné l’idée de produire une voiture frappée d’une pomme croquée.
Tout n’est pas parti en fumée avec cette décision radicale de Tim Cook. Un second projet est né, moins ambitieux certes, mais pas moins intéressant : Apple CarPlay Ultra. Basé sur les cendres du projet Titan, cette version survitaminée de l’OS d’Apple pour les voitures est la réponse de Cupertino à Android Automotive. Son objectif : aller beaucoup plus loin que le simple « mirroring » offert par la synchronisation de l’iPhone dans sa voiture. Autrement dit, à défaut de fabriquer sa propre voiture, Apple a décidé de s’installer dans toutes les autres.
Apple CarPlay Utra : enfin disponible
C’est cette version supérieure de CarPlay qui a d’abord été annoncée lors de la WWDC 2022 avant de… quasiment disparaître. Il aura fallu attendre trois ans supplémentaires pour qu’Apple ne remette le sujet sur la table pour de bon. Car, pour une fois, nous avons vu davantage qu’une interface. Lors de la WWDC 2025, en juin dernier, nous avons aperçu une véritable voiture équipée de CarPlay Ultra. Ce modèle, le seul sur le marché pour le moment, n’est autre que l’Aston Martin DBX 707, un monstre de SUV, luxueux à souhait et qui, par conséquent, ne court pas les rues.

Et pourtant ! C’est bien à bord d’une DBX que nous avons pu embarquer il y a quelques jours. L’occasion rêvée de prendre le volant d’une voiture à part certes, mais aussi et surtout de passer du temps avec le tout nouveau CarPlay Ultra.
CarPlay vs CarPlay Ultra : quelles différences ?
Avant d’aller plus loin, il convient d’expliquer en quoi la version Ultra du système embarqué d’Apple pour la voiture est différente du CarPlay que tout propriétaire d’iPhone connait. La différence majeure tient au fait que la version CarPlay se contente d’agir sur l’écran d’infodivertissement de la voiture. C’est l’iPhone qui est à l’œuvre et l’écran n’est qu’un miroir du smartphone avec une simple liste d’applications compatibles. Accessoirement, lorsque CarPlay est activé, c’est l’iPhone qui est la source, que ce soit pour l’audio ou la navigation.

CarPlay Ultra va plus loin. Beaucoup plus loin. D’abord parce qu’il est déployé sur tous les écrans de la voiture : l’instrumentation, l’infodivertissement et même l’écran secondaire du passager lorsqu’il est proposé en option. Ensuite, parce qu’il agit comme l’interface principale du véhicule et qu’il permet donc de changer les principaux réglages dans l’habitacle, mais aussi sur la conduite (climatisation, mode de conduite, éclairage, etc.).

Enfin, contrairement à la version classique de CarPlay, l’Ultra a accès aux données du véhicule… toutes les données, de la consommation aux capteurs nécessaires pour l’activation des aides à la conduite, en passant par la pression de pneus ou les données liées à la transmission. Concrètement, Apple CarPlay Ultra remplace l’OS propriétaire de la voiture dans l’ensemble de ses tâches. Mais concrètement, ça ressemble à quoi ?

Un iPhone sur tous les écrans de la voiture
À l’inverse d’Android Automotive, CarPlay Ultra nécessite l’utilisation d’un iPhone pour être activé. En cas de problème, imaginons par exemple que vous jetiez votre iPhone par la fenêtre en plein trajet, l’Aston Martin ne s’arrêtera pas sur le bas-côté. En revanche, l’écran d’info-divertissement s’éteindra. Seule l’instrumentation continuera de fonctionner, avec les fonctions vitales provenant du véhicule. Bref, vous l’aurez compris, lorsqu’on dispose de CarPlay Ultra, on garde son iPhone avec soi.

L’écosystème Apple au cœur de la voiture
Passons dès à présent à la découverte de CarPlay Ultra. La première impression est celle d’une intégration très naturelle. Pour quiconque utilise un iPhone au quotidien, une certaine familiarité se dégage très rapidement. Malgré la nouveauté du système, il n’y a pas de round d’observation. Les icônes sont soit connues, soit évidentes, la navigation on ne peut plus naturelle.

On apprécie aussi les petits clins d’œil et autres détails qui soulignent la bonne collaboration entre Aston Martin et Apple. Il en va ainsi du fameux « hello » qui accueille l’utilisateur pour la première fois. Le même que lors de l’installation d’un MacBook ou de l’ouverture de votre nouvel iPhone. Une petite nuance toutefois : dans notre cas, notre petit jouet coûte au bas mot 260 000 euros de plus que le plus cher des MacBook… un détail.
Une fois le contact enclenché, Apple CarPlay Ultra apparait sur tous les écrans de notre voiture. Il faut alors distinguer ce qui se passe sur l’écran d’infodivertissement et ce qui apparait devant les yeux du conducteur sur l’écran d’instrumentation.

De la personnalisation à tous les étages
Le premier, l’écran central pourrait tout à fait se confondre avec la version classique de CarPlay. À première vue, il s’agit de la même interface. C’est en regardant de plus près qu’on distingue quelques icônes inconnues au bataillon. Et pour cause, elles permettent d’avoir accès à quelques réglages comme celui de la climatisation ou de l’ambiance lumineuse. Quant à l’icône « réglages », le même petit rouage que sur iOS, elle donne directement accès aux options de la voiture. C’est là que CarPlay Ultra trouve toute son essence. Tous les menus d’Aston Martin ont été transposés à la sauce Apple et donnent l’impression que l’iPhone a pris le contrôle de la DBX. Enfin, un balayage vers la gauche ouvre un nouveau menu, celui des widgets. L’utilisateur peut alors choisir quelles informations il souhaite avoir en priorité, que ce soit la météo, sa consommation ou encore son agenda. Voilà un premier aperçu de la personnalisation façon CarPlay Ultra.

Mais c’est sur l’autre écran, celui de l’instrumentation que la personnalisation prend tout son sens. Celui-ci est composé de 2 zones. La zone centrale peut être changée à la volée en utilisant une touche tactile sur le volant. On peut alors choisir ce qu’on souhaite voir affiché au centre de l’écran (navigation, données de consommation, ou radio par exemple). Le reste de l’écran, lui, est défini par un thème. Par défaut, Aston Martin propose le sien, dans le teint vert cher à la marque britannique. Mais là encore, le conducteur peut changer avec un simple balayage latéral sur la même touche tactile à droite du volant. CarPlay Ultra offre alors huit thèmes au choix qui changent radicalement l’affichage à l’écran. Vous n’en avez pas assez ? Aucun souci, il suffit de retourner dans les réglages d’ambiance et de changer la couleur des thèmes. Au total, Aston Martin communique sur plus d’une centaine de possibilités de personnalisation.

Quelques imperfections
Nous l’avons vu, l’intégration de CarPlay Ultra chez Aston Martin est très soignée. Mais il nous faut aussi souligner quelques petites imperfections. En effet, certains menus, deux au minimum, n’ont pas eu les honneurs d’un redesign façon iOS. Les réglages de l’ambiance lumineuse de l’habitacle et ceux du système audio Bowers & Wilkins disposent encore de l’affichage natif du constructeur. La raison est on ne peut plus simple : le toolkit d’Apple, l’outil mis entre les mains des développeurs d’Aston Martin ne permet pas, à ce jour, d’intégrer ces fonctions. Du côté du constructeur, on espère tout de même une solution rapide pour ce qui est de l’ambiance lumineuse, mais les défis posés par la partie audio semblent plus difficiles à relever.
Au rang de quelques regrets, on mettra aussi le fait qu’il n’existe pas à ce jour d’Aston Martin 100% électrique, cela nous aurait permis de vérifier si un planificateur d’itinéraire dans Plans aurait pu rivaliser avec celui de Google. En attendant, Apple a un autre avantage sur la solution de Mountain View. Sa liberté d’action permet à l’utilisateur d’afficher une vue en grand de la navigation dans l’instrumentation. Sur ce point, Apple n’est pas seul, d’autres constructeurs tels qu’Audi et Mercedes avec leurs solutions propriétaires en sont capables. En revanche, Apple et Aston Martin donc sont les seuls à pouvoir remplacer le système de navigation par défaut, par un autre, y compris Waze.
Quand pourra-t-on profiter d’Apple CarPlay Ultra ?
Si Aston Martin a réussi à démontrer qu’une intégration de CarPlay comme OS principal de la voiture était tout à fait possible, il n’est pas acté qu’on puisse remettre la main sur CarPlay Ultra de si tôt. La raison ? Une réticence évidente des autres constructeurs auto à donner les clés de leur véhicule (et un bon paquet de données de leurs clients) à un GAFAM qui pourrait les faire fructifier.

Résultat : ça ne se bouscule pas au portillon pour intégrer CarPlay Ultra dans les voitures. Pire : Apple aurait du mal à convaincre des partenaires de longue date tels que Mercedes ou BMW. Outre l’enjeu des données, la difficulté de travailler avec Apple et la complexité de certaines intégrations ne joueraient pas en faveur de CarPlay.
À l’heure actuelle, les candidats pour CarPlay Ultra se comptent sur les doigts d’une main. Porsche fait partie de ceux-là. Hyundai et Kia aussi, mais c’est à peu près tout. Cette première en Aston Martin finira-t-elle par convaincre les autres de franchir le pas. Il faut dire que, pour la marque britannique, le risque était assez réduit. Côté OS, sa solution n’était pas aussi moderne que peut l’être l’OS d’Apple. Côté client, plus de 90 % des propriétaires d’Aston ont un iPhone.
Verdict du test : on craque ou pas pour CarPlay Ultra ?
Apple devait révolutionner l’automobile comme il a transformé l’industrie du smartphone. Dix ans après cette prédiction, que reste-t-il ? La révolution n’a pas eu lieu, tout le monde en conviendra, mais l’idée qu’Apple pouvait apporter sa touche, son esthétique et plus généralement son sens de l’ergonomie dans l’auto, cette idée a survécu. Elle a pris une voie plus classique certes, un chemin déjà emprunté par Google depuis quelques années, mais pour bifurquer vers ce qui fait la simplicité d’iOS ou de macOS : simplicité d’utilisation, fluidité des menus, navigation intuitive et surtout un écosystème familier et confortable.

Si on ne peut qu’être surpris par le degré de liberté laissé par Apple en matière de personnalisation (ce niveau de customisation n’existe que depuis iOS 18 sur l’iPhone), on se doit également de souligner la (trop) grande dépendance de CarPlay Ultra à l’iPhone, le principal frein à son utilisation selon nous. Malgré cela, l’essai semble transformé pour Apple, qui a réussi à poser son empreinte dans l’habitacle et à créer un environnement aussi plaisant à utiliser qu’un iPhone.
Pour Aston Martin, c’est une aubaine et on se prend à imaginer un prochain James Bond, une main sur le volant de la DBX 707, l’autre sur l’écran central à lancer un gadget dans les menus de CarPlay Ultra. Et pour le reste des utilisateurs ? Si l’OS pour voiture d’Apple trouve preneur ailleurs que chez Porsche ou Aston Martin, il pourrait devenir un sérieux concurrent à Android Automotive.
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