Deux mois après le remake de Dead Space et en attendant celui de Silent Hill 2 récemment annoncé, un autre ténor de l’horreur en jeu vidéo revient sous une nouvelle mouture le 24 mars (sur PlayStation, Xbox et PC). Si le survival horror ressurgit avec autant de force aujourd’hui, ce n’est pas qu’une affaire de nostalgie : ce genre qui mélange action sanguinolente et contrainte angoissante, popularisé avec l’avènement de la 3D polygonale dans les années 1990, est affaire de mise en scène, d’éclairage, de détails environnementaux – autant de facettes que les prouesses techniques du jeu vidéo contemporain savent sublimer. Après une superbe réinterprétation de Resident Evil 2 en 2019, suivie d’un remake en demi-teinte de Resident Evil 3 en 2020, le Japonais Capcom s’attelle donc logiquement à la refonte attendue du mythique Resident Evil 4.
Paru en 2005, le titre original est considéré comme l’un des modèles du jeu d’action moderne. Il correspond au basculement d’une série culte passant, sous l’impulsion de son créateur, Shinji Mikami, d’un jeu de survie claustrophobe, plutôt lent, à un jeu de tir dynamique mais bénéficiant de la même sophistication dramatique.
En suivant les pérégrinations de l’agent spécial Leon Kennedy, parti secourir la fille du président des Etats-Unis au fin fond de l’Europe, Resident Evil traverse alors l’Atlantique pour délaisser les zombies contemporains façon George Romero au profit d’un imaginaire plus bigarré, au centre duquel se trouve une étrange secte lovecraftienne. Le joueur est propulsé dans une surenchère d’affrontements contre des hordes d’humanoïdes difformes, selon un rythme syncopé de fusillades et de fuites saisies caméra à l’épaule.
Mutations en chaîne
Visuellement réussi, le remake de Resident Evil 4 offre une reconstitution méticuleuse de lieux dévastés, dont les habitants corrompus ont été graduellement dépouillés de leur humanité par des parasites ancestraux. Le jeu se rappelle à la mutation de la série culte de Capcom, d’abord bâtie sur le modèle de la maison hantée et labyrinthique (fortement inspirée par le jeu français sorti en 1992 Alone in the Dark) mais progressant au fil des itérations vers une forme hybride.
Ainsi, les premières heures de Resident Evil 4, situées dans un village maudit, nous renvoient au tir aux pigeons de la fête foraine, avant de se déployer vers d’autres attractions : spectacle aquatique avec un monstre lacustre, parcours en forme de montagnes russes dans un château fort (visite intégrale, des oubliettes aux remparts), train fantôme sur un chariot de mine, et final explosif au cœur d’un site d’expérimentations clandestines transformé en grand défouloir. Le dernier épisode en date de la saga, Resident Evil Village (2021), était construit presque littéralement sur le canevas du parc à thème. Pensé à l’aune de cette descendance, ce remake réactualise le moment précis où la série s’est métamorphosée en spectacle carnavalesque.
Train fantôme
Réalisée avec un grand souci de fidélité, cette nouvelle version conserve le charme quelque peu claudiquant du titre original. En 2005, Resident Evil 4 était un drôle de jeu où l’on passait autant de temps à tirer sur des ennemis qu’à fracasser des caisses pour récupérer des pesetas, des joyaux et des breloques, avant de les revendre à un ténébreux marchand ambulant sorti des Contes de la crypte. Le remake est tout aussi incongru, voire plus encore, puisque ses systèmes de jeu, ici modernisés avec parcimonie, peuvent sembler un brin archaïques et rigides. Depuis, plusieurs fils spirituels comme God of War ou The Last of Us ont proposé des révisions virtuoses de la formule.
Pourtant, dans cette série B mêlant fiction conspirationniste et occultisme grotesque, l’exubérance du projet finit par l’emporter. En plus de quinze heures, les villageois contaminés, brandissant fourches et tronçonneuses, se transmuent en soldats médiévaux armés d’arbalètes et de catapultes, avant de réapparaître en militaires équipés de casques, de gilets pare-balles et de lance-roquettes, sorte d’évolution terminale d’une même menace enragée dont le joueur est à la fois la proie et le déchiqueteur.
Ainsi progresse Resident Evil 4, d’arènes de guerre en vagues monstrueuses, de parenthèses gothiques en sommets de Grand Guignol, filant, insouciant, sur des rails déjà maintes fois empruntés mais qui, rénovés de si belle manière, n’ont aucun mal à nous entraîner dans leurs virées diaboliques.
L’avis de Pixels en bref
On a aimé :
- un Resident Evil plus beau et baroque que jamais ;
- une montée en puissance aussi généreuse que jouissive.
On n’a pas aimé :
- la déclinaison ad nauseam d’affrontements au long d’une campagne qui s’étire parfois ;
- quelques séquences ratées et une poignée de boss pénibles.
C’est plutôt pour vous si…
- vous avez aimé Resident Evil 4 en 2005 ;
- vous aimez les jeux d’action à grand spectacle et savez mettre l’histoire au second plan.
Ce n’est plutôt pas pour vous si…
- vous n’aimez pas les jeux de tir ou avez une aversion pour le gore ;
- vous détestez la gestion d’inventaire, le mélange d’herbes et la revente de bijoux.
La note de Pixels :
7 cartouches de magnum sur 10.