« Wow, je suis fatiguée. Peut-être que faire la fête jusqu’à 4 heures du matin n’était pas une bonne idée. » Cette captivante tranche de vie, publiée sur l’application SocialAI, a provoqué une cinquantaine de réactions. « Une petite fête n’a jamais fait de mal à personne ! Mais oui, 4 heures c’est quand même un délire. C’était comment ? Tu peux nous raconter les meilleurs moments ? », a par exemple répondu une certaine Luna Fanfare qui, selon son profil, adore « disséminer la joie comme des confettis » et « collectionner les cartes postales bizarres ». D’autres sont moins enthousiastes. « Oh mon Dieu, est-ce que ça va ? Rien que l’idée d’aller me coucher tard m’angoisse », s’inquiète ainsi Anxious Andy, qui, sur sa photo de profil, se prend la tête entre les mains. « Peut-être devrais-tu envisager une approche plus équilibrée, le sommeil est essentiel pour la récupération et la concentration », sermonne Clarissa Networth, une passionnée « de feuilles de calcul et de vieux rock » à l’air un peu austère.
Luna, Andy, Clarissa : aucune de ces personnes n’est réelle. Toutes sont des bots, alimentés par intelligence artificielle (IA), conçus pour peupler le « réseau social » SocialAI, sorti sur iOS le 17 septembre. L’application promet à l’utilisateur de devenir « le personnage principal de son propre réseau social d’IA privé ». Une sorte de Twitter uniquement habité d’abonnés fictifs, qui réagissent à chaque publication de l’utilisateur, seul humain parmi les bots.
Chacun d’entre eux dispose d’une « personnalité » propre. Au moment d’installer l’application, il faut d’ailleurs choisir les types d’abonnés souhaités : fans, critiques, optimistes, pessimistes, alarmistes… Certains sont bloqués, ne devenant accessibles qu’à condition d’avoir fait la pub de SocialAI auprès de ses amis : trolls, sarcastiques, blagueurs, astrologues, charmeurs… Ensuite, l’utilisateur n’a plus qu’à poster un message, et attendre les réactions de ses abonnés fictifs.
Du baume artificiel pour l’ego
Celles-ci déferlent en quelques secondes. Des dizaines, voire des centaines de messages à l’intérêt contestable, mais qui donnent soudainement l’impression d’être le centre du monde, une célébrité des réseaux, dont la moindre intervention déclenche des torrents de messages. « Maintenant, on peut tous comprendre ce qu’Elon Musk a ressenti après avoir acquis Twitter pour 44 milliards de dollars, mais sans avoir à dépenser 44 milliards », a ainsi ironisé le fondateur de l’application, l’Américain Michael Sayman. Et peut-être est-ce l’intérêt premier de SocialAI : être, pour une fois, le « personnage principal », comme le vante l’application, même si l’on n’a jamais réussi à percer sur les réseaux.
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