Sans tambour, ni keynote, Apple a introduit trois nouveaux iPad mardi dernier. Il y a d’abord un iPad d’entrée de gamme, qui se positionne donc en entrée de gamme, mais pas vraiment, puisque ce rôle est dévolu à l’iPad… de l’an dernier. Puis, évidemment, les iPad Pro, qui vont toujours par deux… Un format 11 pouces, qui n’a toujours pas droit à la technologie de rétroéclairage miniLED, et donc à l’appellation Retina Display XDR, et le 12,9 pouces, qui domine la gamme par sa taille, ses technologies… et son prix.
Car, il n’est pas ici tant question de la proposition technologique. On peut se réjouir de voir Apple transformer, à quelques détails près, un iPad Air de 2020 en iPad de 2022. On peut aussi se frotter les mains à l’idée de voir le M2, deuxième génération de processeur Apple Silicon pour Mac, arriver sur les iPad Pro après la petite révolution qu’a été l’introduction des M1.
Et d’une certaine manière, c’est sans doute ce dont nous parlerions si nous étions aux Etats-Unis. A domicile, Apple conserve en effet une politique tarifaire volontaire, avec des prix inchangés.
Un œil sur les Etats-Unis…
Ainsi, l’iPad de 9e génération, maintenu au catalogue – comme le MacBook Air M1, de 2020, a été conservé dans la gamme pour afficher un prix d’appel plus séduisant après le positionnement tarifaire plus élevé du MacBook Air M2 – est vendu à partir de 329 dollars aux Etats-Unis. Un prix identique à celui pratiqué avant l’introduction de l’iPad de 10e génération. Ce nouveau-venu est vendu à partir de 449 dollars.
Intéressons-nous maintenant aux tarifs américains des iPad Pro. Le 11 pouces est disponible à partir de 799 dollars, une fois encore, le même prix que pour les modèles 2021. Tandis que l’iPad grand format, à 12,9 pouces, est toujours positionné à 1 099 dollars pour 128 Go de stockage.
Sur tous ces fronts, rien ne bouge. A l’Ouest rien de nouveau, en quelque sorte.
Mais, rappelons maintenant que les tarifs affichés par Apple aux Etats-Unis s’entendent sans les taxes. Ces dernières varient d’état en état, avec une moyenne à 6% au niveau national, et (à une exception près) un pic à 8,75% en Californie. Nous avons donc décidé d’appliquer les taxes à la vente californienne à ces prix, et de réaliser le même calcul avec notre propre TVA nationale, afin de voir si la différence entre les prix affichés entre Etats-Unis et France sont si différents.
Sans grande surprise, oui, ils le sont. Pour l’iPad, la différence de prix en dollars entre le tarif avec taxe américaine et taxe française est de 37 dollars. Et quand on juxtapose le prix final américain et français, on ne peut que grogner : 358 dollars, d’un côté, et 439 euros, de l’autre, soit environ 430 dollars, au cours actuel. On vous laisse faire de calcul de tête.
L’iPad de dixième génération affiche un premier prix à 489 dollars avec les taxes californiennes et 589 euros avec les taxes françaises, soit environ 577 dollars. On suit donc une même tendance.
Les choses se compliquent évidemment quand on passe aux iPad Pro.
Le premier modèle 11 pouces s’achète à 869 dollars TTC pour 1069 euros, environ 1046 dollars, soit une différence de 177 dollars… Et le modèle 12,9 pouces n’est évidemment pas en reste, avec 243 dollars de différence entre le prix américain final et celui français converti en dollars…
Alors, si on se penche sur l’évolution du rapport entre dollar et euro, on constate effectivement que depuis fin 2020, la monnaie unique européenne s’est dépréciée. En avril 2021, au lancement des iPad Pro, et en septembre 2021, lors de l’annonce de l’iPad de 9e génération, un dollar s’échangeait contre environ 85 cents d’euro. Aujourd’hui, il faut 1,02 euro pour un dollar. Autrement dit, pour une entreprise américaine, ce réajustement monétaire à forcément un impact…
Cependant, difficile quand on regarde l’évolution des prix français d’être très compréhensif.
Des prix qui flambent…
Commençons par les prix des iPad grand public, nous mettons volontairement de côté les iPad mini, dont le positionnement est toujours à la croisée de deux chemins, du monde pro et particulier.
Intéressons-nous d’abord à l’iPad 2021, qui reste donc en entrée de gamme. Jusqu’aux lancements du 18 octobre, son premier modèle à 64 Go coûtait 389 euros. Une non-mise à jour plus tard, il coûte 439 euros. En vous reportant aux graphiques ci-dessous, vous constaterez que plus vous optez pour un modèle qui offre une grande capacité de stockage et une connectique cellulaire plus la différence de prix croît. On enregistre même une hausse de 16% au plus. Tout ça, pour la tablette lancée il y a un an, et totalement inchangée. Cela n’enlève rien à ses qualités, certes. Mais les quelques défauts, comme le design vieillissant, la dalle de bonne qualité mais datée, voire le stockage limité, bref tout ce qui était pardonnable à 389 euros, voire 529 euros, l’est-il encore autant à 439 ou 609 euros ? Beaucoup moins…
Tournons-nous maintenant du côté du vrai nouvel iPad, celui de dixième génération, qui bénéficie d’un nouveau design coloré et d’un SoC plus performant. Ce modèle n’existait pas au catalogue d’Apple avant le 18 octobre dernier. Cependant, nous avons voulu opposer ses prix à ceux de l’iPad de l’an dernier. Pourquoi ? Parce que le maintien du modèle de 9e génération est une manière de faire passer la hausse de prix. Parce que le modèle de 10e génération est la vraie mise à jour de cette année, comme l’était le modèle de 9e génération l’an dernier. Parce que, enfin, cela met de manière très claire en perspective la façon dont Apple morcelle sa gamme pour accroître son offre et augmenter ses prix. On l’a déjà dit, mais on a vu cette manœuvre appliquée à la gamme des MacBook Air un peu plus tôt cette année.
Quoi qu’il en soit, on constate que le premier modèle de l’iPad 2022 coûte 200 euros de plus que son aîné. Voir ainsi l’entrée de gamme, qui brillait à 389 euros passer à 589 euros laisse vraiment perplexe – même si la refonte peut excuser aux yeux de certains ce delta tarifaire.
Enfin, intéressons-nous au cas de l’iPad Air. Il n’a pas été mis à jour pour l’instant et conserve sa puce M1, son écran de 10,9 pouces et un design très proche de celui de l’iPad 2022. Il s’en distingue par quelques détails en sa faveur, dont la compatibilité avec l’Apple Pencil de 2e génération – à ce sujet, on vous épargnera l’augmentation des prix des périphériques, qui est notable, elle aussi. L’Apple Pencil 2 passe de 135 à 149 euros, par exemple.
La plus aérienne des tablettes Apple voit son prix s’alourdir de 90 à 210 euros, soit une hausse qui oscille entre 13 et 21% !
iPad Pro : entre 16 et 21% de hausse de prix
Passons maintenant aux iPad Pro. Si on cherche désespérément à ne pas voir cette situation de flambée des prix comme un verre vraiment très vide, on peut se réjouir d’une chose. Avec de tels tarifs, le positionnement résolument professionnels des iPad Pro s’impose comme une évidence. Depuis le retour en grâce de l’iPad Air en 2019, on voyait clairement qu’Apple établissait deux volets à sa gamme de tablette, avec le Air en charnière. D’un côté, les iPad grand public plus ou moins abordables, et de l’autre des iPad Pro, coûteux et bardés du meilleure de la technologie Apple, qui ont pour mission de venir taquiner de plus en plus les MacBook sur le terrain de la productivité.
Avec un prix d’entrée de gamme désormais fixé à 1069 euros, soit 170 euros de plus que l’an dernier, les choses sont bien plus claires. Pour la deuxième année consécutive, une puce Apple Silicon pour Mac, le M2, est également là pour clamer haut et fort que les iPad Pro sont des machines aussi sérieuses que les Mac. Même si Apple présente désormais davantage ses tablettes, Pro notamment, comme un complément d’un Mac, et non comme un remplacement.
Néanmoins, voir un iPad Pro franchir le cap des 3 000 euros laisse légèrement circonspect. Outre que c’est 445 euros de plus que l’an dernier pour un modèle équivalent, on se demande vraiment si l’iPad Pro a les épaules pour assumer un tel tarif.
Des questions qui se posent
Il nous faudra évidemment tester ces tablettes pour affirmer et affiner notre point de vue. Même si on a déjà une idée assez précise de ce qu’elles vont donner en matière de performances, puisque les SoC embarqués ont déjà été croisés dans des configurations et facteurs de forme similaires ou proches. Toutefois, il faudra que le couple matériel et logiciel soit vraiment exceptionnel pour qu’on puisse envisager sans rougir de recommander cet appareil. Apple va devoir s’être dépassé cette année.
Et puis, si on veut l’envisager comme un suppléant d’un MacBook Air, il faudra avoir en tête la polyvalence de la tablette, c’est évident, mais également ses limitations ergonomiques – et c’est là que Stage Manager et le support d’une souris externe vont peser lourds, surtout pour des usages Pro. Il faudra aussi considérer l’Apple Pencil, qui tente de se positionner en alternative à la souris pour certaines tâches, comme le montage. Enfin, il sera nécessaire de garder en tête l’équation économique, bien entendu.
Un MacBook Air M2 (8 cœurs CPU/10 cœurs GPU, comme sur l’iPad Pro), avec 8 Go de mémoire vive unifiée et 512 Go de stockage, coûte 1 849 euros (ce qui est déjà une somme !). Pour une configuration équivalente (même SoC, même quantité de RAM et même stockage), l’iPad Pro coûte 1 849 euros également… mais sans clavier. Pour peu que vous souhaitiez vous assurer les services du Magic Keyboard, qui garantit la meilleure expérience « PC » avec un iPad, il faudra désormais ajouter 429 euros (contre 369 euros précédemment), pour un total de 2 278 euros.
Alors oui, l’iPad Pro fait plus de choses, mais les fait-il toute suffisamment bien pour justifier ces nouveaux tarifs ? Voilà une question qui demande un test, d’une part, et une exploration en profondeur des besoins de chaque utilisateur, d’autre part. Sans oublier bien sûr un sérieux coup d’œil préliminaire à son compte en banque.
De manière moins flagrante, pour les iPad grand public, les mêmes questions se posent. A de tels tarifs, difficile de se contenter d’envisager les tablettes d’Apple comme des terminaux de consultation capables d’un peu plus. Il va leur falloir mettre la barre encore plus haute.
En définitive, soyons optimiste, peut-être que cette hausse des prix, imposée en partie au moins par un contexte difficile (coût des matières premières, du transport, de l’énergie, ratio euro/dollar ébranlé, etc.), aura un effet positif. Peut-être aiguillonnera-t-elle Apple pour aligner, en face de ses tarifs, une expérience hors norme qui en vaille la peine. On peut toujours rêver…