Orange élargit son offre IA destinée aux entreprises, et espère ne pas rater la vague de cette technologie

Orange Bruno Zerbib


Avec l’IA, l’opérateur historique Orange, jusque-là cantonné à un rôle de « fournisseur de bande passante », espère se repositionner en « intégrateur de service numérique ». Le groupe a annoncé mardi 26 novembre qu’il déployait une interface d’IA à destination des entreprises et des collectivités, « Live Intelligence ».

En quoi consiste la plateforme « Live Intelligence » destinée aux entreprises ? L’interface, annoncée lors des Orange Open Tech Days, le rendez-vous innovation de l’opérateur sur son campus de Châtillon qui s’achève ce jeudi 28 novembre, se présente sous la forme d’un agent conversationnel. Les entreprises ou des acteurs du secteur public pourront choisir entre plusieurs LLM dont ceux d’OpenAI, de Google, de Mistral… La liste aura vocation à évoluer.

La nouvelle plateforme IA d’Orange répondra à un besoin du secteur public ou privé, y compris pour les PME et les ETI, avance l’opérateur télécoms. Les employés utilisent parfois des technologies d’intelligence artificielle grand public comme ChatGPT « à des fins professionnelles, sans que l’entreprise en soit informée. Et cela pose pas mal de problèmes en termes de droit d’utilisation, de confidentialité, et de sécurité », reconnait Michael Deheneffe, VP Data & IA d’Orange Business, que nous avons interrogé.

Plusieurs LLM disponibles

Cette offre complète une autre plateforme IA lancée en mars dernier, le « Live Intelligence Trust » : une offre « souveraine et sécurisée » avec un LLM franco-français développé par la start-up LightOn, avec des données hébergées dans des data centers basés en France.

Déployé il y a neuf mois, ce Live Intelligence Trust a aujourd’hui été adopté par des membres du secteur « public et d’autres secteurs un peu sensibles et friands de souveraineté dont on ne pourra pas parler », nous a précisé Michael Deheneffe, VP Data & IA d’Orange Business, sans donner davantage de détails.

Réseau, plateforme, accompagnement, formation… Orange met en avant « une solution de bout en bout »

Orange se lance donc sur le marché des interfaces d’intelligence artificielle générative – à l’image de certains fournisseurs de cloud qui ont conclu des partenariats avec des entreprises d’IA, comme Cloud Temple et IBM le mois dernier.

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Et pour se différencier de ses concurrents, Orange met en avant sa « solution de bout en bout ». « On peut offrir le réseau, évidemment, (…) mais aussi l’hébergement de la solution, la plateforme, le maintien de la plateforme, mais aussi le service, l’accompagnement jusqu’au training et ça dans la même entreprise, ce qui est assez unique sur le marché », précise Michael Deheneffe, VP Data & IA de la branche business de l’opérateur.

Orange compte aussi aider les clients à choisir le bon outil. « On ne va pas utiliser le LLM le plus puissant pour tous les cas d’usage, cela n’aurait pas de sens », concède Julien Sicart, directeur Marketing Digital Services d’Orange Business. « On forme aussi les clients justement au choix de la technologie. Il faut aussi élever un peu le niveau de culture de la data ou de l’IA dans l’entreprise. Et donc former non seulement les utilisateurs, mais aussi le top management », ajoute-t-il. 

Un premier prix à 400 euros par mois pour une dizaine d’utilisateurs pour Live Intelligence Trust

Concrètement, la plateforme pourra, via des prompts dont certains ont été prédéfinis dans une bibliothèque de cas d’usage, coder, résumer un document, rédiger un compte rendu de réunion, analyser des clauses de contrats, traduire des documents, comparer des CV… dans un écosystème sécurisé où les données ne seront pas réutilisées, précise Julien Sicart, à la tête du Marketing Digital Services d’Orange Business.  L’offre a été testée pendant plus d’un an sur les 50 000 employés du groupe.

Combien coûtera un tel service ? Tout dépendra de l’offre choisie, mais Orange met en avant une vraie volonté de démocratisation de l’IA générative : « Nous avons voulu que l’offre pour des petites structures soit la plus faible possible. Cela peut commencer à une dizaine d’utilisateurs pour 400 euros par mois », détaille Julien Sicart, à propos de Live Intelligence Trust. En fonction des usages, de la taille d’entreprise et de la consommation de données, « Nous avons des paquets pensés un peu différemment, des solutions plus à la façon », ajoute-t-il.

Orange a aussi annoncé un partenariat avec Meta et OpenAI, dont l’objectif est d’améliorer les performances des modèles d’IA avec le wolof et le pulaar, des langues régionales africaines. Vingt quatre-heures plus tard, c’est un partenariat pluriannuel avec OpenAI, la société à l’origine de ChatGPT, qui a été rendu public : une première en Europe selon Steve Jarrett, directeur de l’intelligence artificielle du groupe, qui était interrogé par Reuters.

« Pendant la vague Internet, on ne nous a demandé qu’une seule chose, donnez-nous de la bande passante »

Et pour le groupe, Orange est à un point de bascule : cantonné à son rôle de fournisseur de bande passante, il pivote désormais vers un rôle « d’intégrateur digital européen ». « Pendant la vague Internet, on ne nous a demandé qu’une seule chose, donnez-nous de la bande passante, de plus en plus de bande passante, et encore plus de bande passante, et c’est tout », reconnait Bruno Zerbib, directeur des technologies et de l’innovation (CTO) du groupe, qui s’exprimait lors d’un point presse. Résultat, « ces vingt dernières années, la valeur de l’innovation a été particulièrement capturée par les acteurs de la tech, beaucoup plus que par les opérateurs télécom », poursuit-il.

Mais avec l’intelligence artificielle, les choses pourraient changer, estime Orange. Car l’IA ne pourra pas être délivrée en mode OTT (Over the Top) : l’application va devenir multimodale, avec du speech to speech –  la capacité à avoir une discussion en pur audio – mais aussi de la vidéo, et pas simplement en download, poursuit le CTO. Ce dernier prend l’exemple des personnes malentendantes qui voudraient analyser tout leur environnement pour pouvoir se déplacer dans un environnement inconnu.

« On imagine bien des caméras qui sont sur vos lunettes augmentées, qui envoient un flux de 4K jusqu’au cloud, qui doivent revenir en temps réel pour pouvoir fournir cette information-là. Et aujourd’hui, ça, on ne sait pas faire. Nos réseaux ne sont pas conçus pour être avec un trafic ascendant aussi important avec des engagements en temps réel », précise le CTO qui a rejoint Orange depuis 18 mois.

Certains clients vont en effet avoir besoin d’une transaction d’IA qui durera un temps X, et qui nécessitera une qualité de service incroyable, avec une latence très faible. Il faudra donc réserver, à la demande, certaines autoroutes du réseau à tel client, sans pour autant couper l’accès aux autres. Ce qui impliquera une nouvelle conception des réseaux actuels.

Le groupe espère des cofinancements pour adapter ses réseaux à l’IA

Et pour repenser ces derniers, Orange compte bien ne pas être le seul à mettre la main à la poche. Car si le groupe compte investir, il espère aussi « des cofinancements ». Sous quelle forme ? C’est toute la question. En Europe, les discussions autour du fair share – le fait de faire participer les sociétés consommatrices de bande passante comme Meta, Netflix, etc à la mise en place et l’entretien des réseaux – devraient se déplacer vers l’IA.

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« On va être dans un modèle hybride » où, outre les investissements des opérateurs sur leurs réseaux, l’adaptation des réseaux reposera aussi sur d’autres schémas. On peut imaginer « des abonnements où l’utilisateur va dire, je veux tel jeu vidéo sur mon mobile avec une latence qui est comparable à la fibre, je paye un euro par mois en plus à l’éditeur de jeux vidéo qui reversera une partie à l’opérateur ». Ou « une partie d’un abonnement premium d’un fournisseur d’intelligence artificielle ira en fait à l’opérateur qui monétisera, qui permettra en fait de fournir ces services en plus », liste Bruno Zerbib pendant la conférence de presse. Les discussions entre opérateurs, géants du numérique, entreprises de l’IA et éditeurs sur ce « co-financement » risquent d’être mouvementées.

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