La Ioniq 6 est l’une des meilleures alternatives à la Tesla Model 3, mais est-elle aussi performante que la berline californienne sur les longues distances ? Lors de notre test réalisé quelques jours avant la commercialisation de la dernière des Hyundai, nous n’avions pas pu avoir un aperçu complet de ses performances sur les longs trajets. La faute à une anomalie du système de préchauffage de la batterie et à une boucle autoroutière trop courte. Nous nous devions donc de reprendre la berline coréenne et de la tester plus en profondeur sur ce point.
Car dès son annonce, en arguant notamment de son aérodynamique avantageuse, la Ioniq 6 s’est autoproclamée comme une routière à part entière. Après une dizaine de jours d’utilisation et très exactement 2 785 km parcourus, le verdict est net et sans appel : la Ioniq 6 est l’une des voitures électriques les plus à l’aise sur les longs trajets. Pour parvenir à cette conclusion, il convient de remonter aux origines de notre périple et d’analyser le comportement de la voiture tout au long de ces presque 3 000 km.
Lire : notre test de la Ioniq 6, une alternative crédible à la Tesla Model 3
Ioniq 6 : l’une des rares routières 100% électrique ?
Pourquoi avons nous choisi la Ioniq 6 pour un trajet aussi long et exigeant ? La première raison, nous l’avons déjà évoquée, il s’agit de notre volonté de finaliser un essai inachevé. Deuxièmement, nous étions particulièrement curieux de comparer les performances de la Ioniq 6 avec sa version SUV, la Ioniq 5. En effet, mis à part de design très différent, les deux véhicules partagent quasiment la même fiche technique. Même motorisation à transmission intégrale, même taille de batterie (77 kWh), même capacité de la recharger (239 kW). Or, le Ioniq 5 ne s’était pas nécessairement distingué en termes de consommation. A quel point l’aérodynamique de la berline et son poids légèrement réduit pouvaient elles l’avantager sur la route ?
Enfin, il convenait de vérifier les chiffres annoncés par Hyundai en matière de consommation qui, conjugués à la capacité de charge rapide record de la Ioniq 6, font d’elle une voiture idéale pour prendre la route sans avoir à se soucier des la batterie… ou presque.
La France, en long en large, en travers et en électrique
Le test (très) longue distance de cette Ioniq 6 s’est déroule sur près de 3000 km à travers la France. Cet itinéraire principalement autoroutier démarre au Nord de Paris, dans le Val d’Oise pour aller dans le Var, l’Herault, faire un détour par Toulouse et une pause dans les Landes avant de revenir à son point de départ. Il a été réalisé dans des conditions de voyage « typiques », c’est à dire avec un coffre rempli à ras-bord, une co-pilote et deux enfants sur les places arrière. Autant dire que nous n’avons pas cherché à réduire le poids de notre carrosse.
Le trajet a été décomposé de la manière suivante : deux longs trajets pour rallier la région parisienne et le Var dans un premier temps et pour revenir des Landes à l’Ile-de-France ensuite. Entre les deux ? Des trajets de 2 à 3 heures environ avec quelques villes étapes qui, nous le verrons, ont eu une importance cruciale en plus de diversifier le type de charge auxquelles nous nous sommes adonnés.
Du Nord au Sud : un modèle d’efficience
Les deux plus grands trajets -et les plus intéressants à analyser- ont été effectués au début et à la fin de notre périple. Pour rejoindre la côte d’Azur, nous n’avons eu à nous arrêter qu’à deux reprises. Partis avec 97% de batterie, nous avons effectué un premier arrêt au bout de 290 km. Sur cette première partie de la route, notre consommation s’est élevée à un étonnant 17,6 kWh/100 km. Ce chiffre, très en dessous de la moyenne (les véhicules que nous testons affichent plutôt entre 22 et 26 kWh/100 km), nous l’avons d’abord imputé à la circulation parisienne et à la faible allure qu’elle nous a imposé au cours des 100 premiers kilomètres.
Sachant qu’il nous restait alors 34% de batterie, il aurait été envisageable de s’arrêter plus tard, mais parfois l’appel du ventre est plus fort que le souci d’optimiser les watts. Cet arrêt, un peu plus long que ce qui est logiquement recommandé, nous a permis de repartir avec 99% de batterie. Au cours de cette session et ce jusqu’à 83%, le puissance de charge n’est pas descendue en dessous des 170 kW. Fort logiquement, elle s’est réduite le temps d’accumuler les derniers 16% mais le tout était bouclé en un peu plus d’une demi-heure. Les puristes de la recharge ne manqueraient pas d’indiquer qu’il aurait été plus optimal de couper la charge une fois le pic de puissance retombé, pour réduire le temps de charge total sur l’ensemble du voyage. Nous leur répondrons que nous avons préféré, cette fois comme d’autres, profiter d’un café.
Le deuxième « run » a été pour nous l’occasion de pousser le test d’autonomie un peu plus loin. Parti avec le plein, en restant uniquement sur l’autoroute, nous avons roulé pendant 415 km avant de consentir à une nouvelle recharge, sur une borne Ionity cette fois. Il nous restait alors 12% de batterie et un rayon d’action supplémentaire d’une soixantaine de kilomètres à en juger par notre tableau de bord. Sur cette portion, la consommation de notre Ioniq 6 a été encore plus impressionnante, à peine plus de 16 kWh/100 km. Cette efficience que la plupart des modèles électriques peine à atteindre en usage urbain a été permise par le nombre important de tronçons limités à 110 km/h mais aussi quelques ralentissements autour de Lyon notamment. Mais là encore, malgré les conditions favorables (pour la batterie) de notre trajet, comment ne pas être impressionné par une consommation aussi basse ?
Ce second arrêt, plus court, nous a permis là encore de repartir quasiment à plein, mais surtout d’arriver à destination avec une marge considérable (54% de batterie restante). Cette autonomie à l’arrivée d’un long trajet, c’est un luxe assez rare en voiture électrique. Il permet d’arriver à bon port sans se soucier de trouver un endroit pour se brancher.
Le second grand trajet, pour remonter des Landes vers la région parisienne nous a permis… de vérifier les bonnes surprises de l’aller. Sur cette route retour, nous n’avons pas eu à subir de ralentissements et la grande majorité du trajet s’est effectuée à 130 km/h, régulateur de vitesse activé. Pour autant, la consommation de notre Ioniq 6 a été à peine plus importante et surtout, toujours inférieure à 20 kWh/100 km. Ainsi, nous avons pu parcourir 423 km avec une charge avant d’effectuer un premier arrêt. Il nous restait alors 12% de batterie. Nous aurions pu boucler notre périple avec cette seule charge, mais nous avons profité d’un second arrêt d’une dizaine de minutes pour rajouter quelques kWh et nous offrir un peu de sérénité à l’arrivé. Au plus fort de cette embardée, la consommation de notre Ioniq 6 aura été de 19,6 kWh au 100/km.
Quelques charges heureuses pour adoucir la route
Notre périple de 3 000 km n’a pas seulement consisté à zigzaguer entre les quatre voies des autoroutes hexagonales. Lors de nos arrêts, plus ou moins longs, il a souvent été question de charges d’appoint, voire opportunistes, permettant de reprendre la route sans avoir à se soucier de la présence imminente d’une aire bien dotée.
Sur ce point, il faut bien avouer que nous avons été particulièrement vernis. Certes, le réseau français dispose aujourd’hui de plus de 100 000 bornes, mais il n’est pas toujours aisé d’en trouver une près de son point de chute. Dans notre cas, que ce soit dans le Var, dans la belle cité de Mèze ou même perdus dans les Landes nous avons pu bénéficier de quelques bornes où la recharge AC de 11 kW de la Ioniq 6 s’est avérée suffisante. Et que dire lorsque les dieux de l’électrique sont avec vous… Lorsque à quelques encablures de votre lieu de visite, en ville, des bornes EVbox se proposent de recharger votre carrosse watté à 90 kW ! Un plaisir qui ne doit jamais être décliné.
Nous l’admettons volontiers, sur cet aspect des charges d’appoint, nous avons bénéficié de vents hautement favorables. Il n’est pas toujours aussi aisé de trouver une borne à proximité et la plupart du temps, lorsque cela arrive, le propriétaire soulagé peut même se contenter de 7 kW en pic. Pour avoir parcouru de nombreux kilomètres en électrique, il convient de rappeler que toutes les régions ne sont pas logées à la même enseigne en termes d’infrastructures. Si notre périple s’en est trouvé facilité, cela reste un exemple et non la règle.
Grande autonomie + charge rapide : le combo parfait ?
En théorie, la Ioniq 6 ne dispose pas uniquement d’un atout en termes de consommation. Elle est également doté d’un « superpouvoir » lorsqu’il s’agit de passer à la borne. Grâce à son architecture 800V, sa capacité de recharge est l’une des plus élevées du marché. C’est cette même puissance de 239 kW qu’elle partage d’ailleurs avec son cousin le Ioniq 5, qui nous avait séduit lors de notre essai du SUV 100% électrique de Hyundai. Dans le cas de ce dernier, la capacité à passer de 10% à 80% de batterie en 18 mn compensait largement une consommation relativement banale pour une véhicule électrique de ce gabarit.
Sur la Ioniq 6, elle vient en complément de son efficience, comme la cerise sur le gâteau. De fait, non seulement la berline coréenne permet de réduire le nombre d’arrêts à la borne, mais ces arrêts sont particulièrement courts, ce qui améliore encore les conditions du voyage. Bien entendu, cette puissance de recharge est théorique et force est de constater qu’au cours de nos nombreux tests, elle n’est que rarement vérifiée lorsqu’on raccorde le véhicule à la bonne grosse borne Ionity, Engie ou Total Energies. Au cours de notre périple, la Ioniq 6 n’a pas atteint les sommets de recharge espérés. Mais elle a su placer la barre très haut (entre 170 kW et 190 kW la plupart du temps, en maintenant ce débit relativement longtemps). Précisons par ailleurs, que nous n’avons pas constaté de différence flagrante dans la puissance de recharge selon que le système de préchauffage ait été activé ou non.
Sur ce point, Hyundai dispose d’un double atout assez unique par rapport à la concurrence. Car si l’on prend comme point de comparaison la Tesla Model 3 ou des modèles plus premium comme la Mercedes EQE, ils ne peuvent rivaliser que sur l’un des deux aspects. Seule la Mercedes EQS, et la Tesla Model S deux modèles nettement plus chers, parviennent à offrir des performances comparables ou meilleures que la Ioniq 6.
La partie logicielle : toujours le point faible de Hyundai
Un long périple permet également de tester davantage les aides à la conduite et le système embarqué d’un véhicule. En l’occurence, ces deux points ne nous avaient pas réellement emballés lors de notre première prise en main de la berline. Sur la longueur, le constat est encore plus accablant. Les alertes sonores de dépassement de la vitesse autorisée ne nous ont jamais parues aussi pénibles. Il n’est pas question ici d’encourager à transgresser le code de la route, mais il arrive au cours d’un dépassement, par exemple, que le compteur de vitesse dépasse la limite autorisée d’1 ou 2 km/h. Si la gendarmerie est capable de fermer les yeux dans cette situation, ce n’est pas le cas de Hyundai qui sanctionne automatiquement le conducteur d’un bip d’avertissement.
Il en va de même pour les aides à la conduite et notamment le système de maintien dans la voie, assez brusque et inutilement intrusif, notamment sur les petites routes de campagne dépourvues de marquage au sol.
Mais notre principal grief à l’encontre de Hyundai est ailleurs. Il concerne l’aide à la planification de trajets et des recharges nécessaires. Sur ce point, le conducteur comprend très vite qu’il ne peut pas faire confiance au système embarqué. L’utilisation d’une application tierce, comme ABRP ou Chargemap, devient alors indispensable. Pourquoi ? D’une part parce que les propositions de Hyundai ne sont pas les plus cohérentes et surtout qu’elles ne peuvent être personnalisées. En effet, il est impossible de modifier ou de personnaliser une proposition d’itinéraire. Il est également impossible de changer un point de passage lorsque la navigation est engagée. Quant à la recherche des bornes de recharge, elle est des plus laborieuses. Hyundai est bien capable de repérer les points de charges aux alentours et d’évaluer la distance pour y accéder, mais il ne peut pas les afficher sur une carte. Or, lorsqu’on envisage de faire un arrêt en cours de route, il est souhaitable de savoir dans quelle direction on se dirige, ne serait-ce que pour optimiser le trajet.
Le constructeur coréen a donc du pain sur la planche concernant cette partie logicielle. C’est d’autant plus dommage que son OS est plutôt agréable par ailleurs, même s’il n’est pas le plus intuitif. C’est surtout le seul bémol d’une expérience réussie sur tous les autres points. Fort heureusement, c’est aussi un aspect sur lequel il est possible d’évoluer assez facilement pour peu qu’on s’en donne la peine.
Verdict de l’essai :
Nous ressortons de ce test particulièrement poussé de 2 785 km, avec une certitude : la Ioniq 6 est l’une des meilleures voitures électriques pour prendre la route, et sans doute la meilleure dans sa catégorie. Avec une batterie assez « modeste » de 77 kWh, la berline de Hyundai fait des miracles sur l’autoroute, là où la plupart de ses concurrentes souffrent. Son efficience énergétique couplée à une vitesse de recharge record sont deux atouts indéniables qui en font une routière à part entière. Et pour ne rien gâcher au plaisir, elle est très confortable à bord que ce soit pour le pilote ou les passagers. Le véritable axe de progrès pour le constructeur coréen se situe davantage sur la partie logicielle, car la Ioniq 6 gagnerait à être mieux guidée par le système qu’elle embarque. Enfin, on ne peut ressortir de cet essai sans s’interroger sur l’impact de l’aérodynamique en matière de consommation énergétique. En effet, si on considère la Ioniq 5 comme la version SUV de notre Ioniq 6 (et la fiche technique est assez proche pour qu’une telle comparaison soit possible), force est de constater que le format berline est particulièrement avantageux sur l’autonomie.