Pour le gouvernement, la venue d’Elon Musk en France était un petit événement. Lundi 15 mai, le patron de Tesla, SpaceX et Twitter était de passage à Paris et Versailles pour Choose France, le désormais rituel grand raout des patrons conviés par le président de la République. Plusieurs responsables français n’ont pas manqué l’occasion de s’afficher en sa présence : le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications, Jean-Noël Barrot, a fièrement posé à ses côtés sur son compte Instagram ; Emmanuel Macron a, lui, gratifié ses followers d’une photo prise à l’Elysée, où on le voit, souriant et en bras de chemise, devisant avec l’homme d’affaires ; quant au ministre de l’économie, Bruno Le Maire, c’est sur LinkedIn qu’il a posté un selfie avec l’ancien homme le plus riche du monde.
Le texte qui accompagne cette photo vante un « échange constructif » au sujet du « climat », des « véhicules électriques », de « l’intelligence artificielle », de « l’attractivité de la France » et de « l’espace ». Au-delà de ces discussions pourtant, le gouvernement espérait surtout décrocher de la part du patron de Tesla un investissement dans l’Hexagone. C’est raté. Mollement, Elon Musk s’est contenté de se dire « confiant [sur le fait] que Tesla fera des investissements significatifs en France ».
Mais cet engagement très vague n’est pas le réel problème posé par la venue, la réception et la mise en scène de la présence d’Elon Musk à Choose France. Le chef de l’Etat et les ministres pensaient sans doute s’afficher avec le visionnaire patron de Tesla, qui a contribué à la popularisation des voitures électriques, et de SpaceX, qui a révolutionné l’industrie spatiale. Mais nous sommes en 2023. Nul ne peut plus ignorer qu’Elon Musk est aussi un patron de plus en plus extrême, qui a plongé un réseau social au rôle déjà ambigu sur le débat démocratique dans des abîmes de complotisme et de désinformation.
C’est aux côtés du héraut de l’extrême droite américaine, qui multiplie les appels du pied au mouvement suprémaciste blanc américain, que Bruno Le Maire s’est ainsi tenu, épaule contre épaule et le téléphone à bout de bras. C’est le patron d’un réseau social ayant, deux jours plus tôt, fait une faveur à l’autocrate Erdogan en censurant son opposition la veille d’une élection, qu’Emmanuel Macron a reçu. C’est avec un patron à la dérive vers un complotisme primaire que Jean-Noël Barrot a mis en scène son échange.
Nul besoin d’être un exégète de sa prose pour comprendre qu’Elon Musk n’est pas simplement le patron d’entreprises à succès. Une rapide lecture de ses tweets devrait convaincre n’importe quel responsable politique qu’Elon Musk pourrait davantage relever d’une commission d’enquête parlementaire ou d’un régulateur que d’une invitation à l’Elysée.
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