Août 2006. Alors que YouTube est encore un « petit » site peu connu (il ne sera racheté par Google que trois mois plus tard), un site pornographique d’un genre nouveau est discrètement mis en ligne : nom similaire, page d’accueil avec des vignettes imagées, possibilité de mettre en ligne ses propres contenus… YouPorn reprend les codes de ce qui deviendra le géant mondial de la vidéo. Et le succès est immédiat. A la fin du mois de novembre, les administrateurs anonymes du site remplacent la page d’accueil par un message d’erreur : « Nous sommes à court de bande passante ! Nous avons utilisé 31 téraoctets en deux jours, sur 2 300 000 téléchargements [visionnages]. Nous cherchons des fournisseurs de serveurs illimités en Europe. »
Ces audiences, stratosphériques pour l’époque, ne passent pas inaperçues. L’année suivante, des dizaines de clones apparaissent en ligne, dont certains sont toujours présents aujourd’hui dans le top mondial des sites les plus visités. Pornhub, RedTube, Xvideos et Xhamster se lancent ainsi à quelques mois d’intervalle, marquant le début d’une guerre des « tubes » – le nom qui désignera les sites de ce type – qui durera des années.
Monter un site de ce type n’est pas particulièrement compliqué. Les outils techniques, et notamment les algorithmes de compression vidéo indispensables pour limiter les frais de bande passante, se démocratisent très vite. Trouver du contenu est également très simple : outre une poignée de vidéos amateur tournées et mises en ligne par les utilisateurs, l’écrasante majorité est pillée sur les sites payants ou d’autres « tubes ». Aucune modération, aucun contrôle de l’âge des internautes, aucun scrupule, mais des audiences gigantesques : le modèle des « tubes » bouscule en quelques années le monde de la pornographie en ligne.
Une oligarchie du porno
Dans le chaos de ces premières années, un homme va jouer un rôle déterminant : Fabian Thylmann. Ce jeune Allemand s’est spécialisé dans la publicité des sites pour adultes et investit dans plusieurs « tubes », dont il finit par prendre le contrôle, notamment Pornhub et YouPorn. Ses différentes plates-formes font à l’époque l’objet de dizaines de plaintes pour infraction au droit d’auteur, déposées par les sociétés de production et les studios du X. Grâce à l’argent accumulé par ses sites, Fabian Thylmann résout en partie le problème… en s’offrant les entreprises qui l’attaquent. Brazzers, qui avait des accords avec certains « tubes », est rachetée en 2009 ; trois ans plus tard, le mastodonte Digital Playground et Reality Kings passeront également sous son contrôle.
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