Pour la première fois, le fondateur du géant chinois Huawei évoque les effets des sanctions américaines, destinées à stopper les avancées technologiques de la Chine, notamment dans le domaine des semi-conducteurs et de l’intelligence artificielle.
Dans la guerre des semi-conducteurs sino-américaine, les États-Unis sont toujours en tête. Washington a « exagéré les capacités de Huawei – nous ne sommes pas encore aussi forts », a déclaré Ren Zhengfei, à la tête du géant des télécommunications et des semi-conducteurs Huawei, dans une interview publiée ce mardi 10 juin par le média d’État chinois People’s Daily (le Quotidien du peuple) et traduite par Global Times. Pour le fondateur du champion chinois des nouvelles technologies, sa puce électronique Ascend, qui concurrence les semi-conducteurs de l’entreprise américaine Nvidia, « est toujours en retard d’une génération par rapport aux États-Unis ».
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Mais elle peut tout de même atteindre des performances de pointe en recourant à d’autres tactiques, a-t-il assuré, minimisant les sanctions américaines qui tentent d’asphyxier depuis octobre 2022 le secteur chinois des puces électroniques. Ces déclarations, rapportées par le Financial Times ce mardi, interviennent vingt-quatre heures après le début des négociations entre les deux pays à Londres, au cours desquelles le sujet des restrictions aux exportations américaines a été abordé. Quelques semaines plus tôt, le patron de Nvidia, l’actuel leader mondial des puces électroniques, s’en était pris à ces sanctions qui limitent la vente de ses semi-conducteurs en Chine.
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Les sanctions américaines ont fait de Huawei « un concurrent redoutable », selon le patron de Nvidia
Pour le directeur général de Nvidia, Jensen Huang, ce sont justement les limites imposées par Washington aux ventes du fabricant de puces américain en Chine qui auraient permis à Huawei, de devenir un concurrent « redoutable ». Les entreprises chinoises menaceraient, selon ses dires, de saper la domination américaine en matière de technologie d’intelligence artificielle.
Depuis le début des sanctions américaines et la guerre technologique et commerciale entre les deux pays, la Chine a cherché à développer sa propre industrie de semi-conducteurs. Pékin a massivement investi dans certaines sociétés clés, pendant que les entreprises chinoises ont été incitées à recourir à des puces locales – comme les puces Ascend de Huawei – et à délaisser celles de l’américain Nvidia.
Lors des dernières négociations entre les deux pays, le sujet des contrôles aux exportations n’avait pas été abordé. Mais la réponse chinoise à ces limites – des restrictions sur certaines terres rares et certains minéraux essentiels provenant de Chine, et utilisés dans l’industrie automobile aux États-Unis – a poussé Washington à mettre le sujet sur la table.
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Dans le secteur de l’IA, les entreprises comme DeepSeek, le rival chinois d’OpenAI (ChatGPT), continueraient d’utiliser des puces Nvidia pour former les grands modèles de langage qui alimentent les outils d’IA, explique le Financial Times, ce mardi. Mais elles recourraient aux puces locales pour tout ce qui est inférence (le fait de générer des réponses à partir de commandes, de prompts).
« En utilisant le clustering et l’empilage, nos résultats (…) sont comparables aux meilleurs du monde »
Le fondateur de Huawei a laissé entendre que son entreprise parvient à compenser son retard grâce à l’informatique en grappe, qui consiste à relier plusieurs puces pour augmenter la puissance des serveurs d’IA. « En utilisant le clustering et l’empilage, nos résultats (…) sont comparables aux meilleurs du monde », a-t-il martelé. Pour ce dernier, les efforts déployés par Washington pour interrompre le flux de technologies américaines vers le secteur chinois des puces n’ont tout simplement pas été efficaces.
Selon Ren Zhengfei, la Chine a toutes les cartes en main pour développer ses capacités technologiques dans le secteur de l’IA. D’un côté, Huawei investit près de 25 milliards de dollars par an dans la recherche et développement. Or, le champion chinois ne serait qu’une parmi les nombreuses entreprises chinoises spécialisées dans les puces électroniques. « Il y a de nombreuses entreprises de fabrication de puces en Chine, et beaucoup d’entre elles se portent bien », a-t-il assuré.
De l’autre, le pays peut s’appuyer sur « des centaines de millions de jeunes », son « électricité en quantité suffisante et son réseau de télécommunications développé ». Or, « l’IA dépend d’une électricité abondante et d’une infrastructure de réseau avancée », a-t-il rappelé. Des déclarations balayées par le secrétaire américain au commerce, Howard Lutnick, selon qui la Chine n’est toujours pas capable de produire des volumes importants de semi-conducteurs avancés. Pour le responsable politique américain, les restrictions aux exportations limitent bien les progrès du pays.
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