Pourquoi et comment TikTok a été bloqué en Nouvelle-Calédonie

Pourquoi et comment TikTok a été bloqué en Nouvelle-Calédonie


Gabriel Attal a annoncé, mercredi 15 mai dans la soirée à Paris, que le haut-commissaire sur le territoire français du Pacifique, Louis Le Franc, avait « interdit TikTok » sur l’ensemble de l’île, en plus d’une série de mesures visant à rétablir l’ordre, dont le déploiement de militaires pour protéger des sites stratégiques.

Pourquoi TikTok est-il bloqué en Nouvelle-Calédonie ?

Ni M. Attal, ni M. Le Franc n’ont précisé pourquoi TikTok était visé en particulier. Cependant, d’après des messages d’élus du gouvernement local diffusés par des internautes calédoniens sur Facebook, l’application a été ciblée parce qu’y « circulent des messages de haine et d’appels à la violence ». La Nouvelle-Calédonie est depuis trois jours le théâtre d’intenses affrontements, qui ont fait quatre morts dont un gendarme, alors que les indépendantistes kanak s’opposent à une réforme contestée du corps électoral local.

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Sur quelle base légale s’appuie le gouvernement ?

Ce blocage est rendu possible par la mise en place de l’état d’urgence, mercredi soir (heure de Paris). Ce dispositif temporaire permet à l’Etat de prendre des mesures exceptionnelles et de limiter certaines libertés publiques pour faire face à une situation d’une gravité particulière. Il permet notamment au premier ministre de demander, sur le territoire, le blocage d’un service de communication au public en ligne « provoquant à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie ».

Les autorités disposent d’autres moyens légaux à leur disposition pour faire bloquer des applications ou sites Internet sur le territoire, mais l’état d’urgence offre le régime le plus rapide en la matière. Le blocage administratif des sites à caractère terroriste ou pédopornographique, par exemple, impose un délai d’au moins 24 heures.

Techniquement, comment peut-on bloquer un réseau social ?

La méthode principalement utilisée par les autorités françaises pour bloquer l’accès à un site ou une application repose sur l’utilisation du système des noms de domaine (« domain name system », en anglais, ou DNS), le système d’aiguillage qui renvoie un internaute vers le bon serveur lorsqu’il cherche à accéder à un nom de domaine. Chaque opérateur dispose de son propre registre qui fait correspondre Tiktok.com à l’adresse des serveurs du réseau social. Dans le cas d’un blocage, les autorités demandent aux opérateurs de faire « mentir » leur DNS et de renvoyer les internautes vers une adresse incorrecte.

Cette méthode, très simple, fonctionne aussi bien pour la navigation sur un ordinateur que pour l’application TikTok, qui a besoin de communiquer avec les serveurs du réseau social pour mettre à jour votre fil d’actualité et charger des vidéos. Elle est néanmoins considérée comme fragile car contournable aussi bien sur ordinateur que sur smartphone, où il est possible de changer ses DNS pour ne pas utiliser ceux de son opérateur ou fournisseur d’accès.

D’après les témoignages publiés en ligne d’habitants de l’île, seule l’application mobile de TikTok est touchée par le blocage, ce que confirme le cabinet du premier ministre auprès de BFM-TV. L’infrastructure de téléphonie mobile de la Nouvelle-Calédonie est en effet intégralement gérée par un seul opérateur, Mobilis, qui appartient à l’Office des postes et des télécommunications de Nouvelle-Calédonie. Ce qui rend un blocage généralisé beaucoup plus simple et rapide à mettre en place que si la mesure avait concerné la métropole et sa multitude d’opérateurs.

Y a-t-il eu des précédents ?

Non. En France, et plus largement dans l’Union européenne, il semble qu’il s’agisse d’une première. A l’été 2023, lors des émeutes qui avaient touché de nombreuses villes en France métropolitaine, Emmanuel Macron avait évoqué l’idée de « couper les réseaux sociaux » lorsque « les choses s’emballent ». Le ministère de l’intérieur avait notamment pointé du doigt la fonctionnalité « map » de Snapchat, estimant que cet outil affichant en temps réel les endroits où de grandes quantités de messages sont publiées avait pu jouer un rôle dans des rassemblements sauvages, ce qui n’a pas été prouvé.

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Que disent les principaux concernés ?

Contacté, TikTok n’a pour l’instant pas réagi à ce blocage. La mesure a été décriée, sur les autres réseaux sociaux, par des soutiens des indépendantistes calédoniens, des militants des droits humains qui y voient une mesure liberticide, mais aussi des personnalités des mouvements décoloniaux et prorusses. Le député de la majorité Eric Bothorel (Renaissance) s’est publiquement interrogé mercredi sur le fait que cette mesure puisse être « [contreproductive] en contribuant à alimenter le narratif de ceux qui cherchent à nous nuire en désignant l’Etat français comme liberticide ».

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