Il suffit de se rendre sur la carte de l’Arcep, le régulateur du secteur des télécoms, pour s’en rendre compte. Une région résiste encore et toujours au déploiement de la fibre optique. Alors que la densité de sa population est supérieure à la moyenne nationale, la Bretagne affiche d’inquiètes zones blanches que l’on retrouve habituellement dans les départements désertés de la Drôme, de l’Ardèche ou du Puy-de-Dôme.
La Chambre régionale des comptes s’est penchée sur cette étonnante singularité. La Bretagne innove tout d’abord en termes de gouvernance. A sa création, en 1999, le syndicat mixte Mégalis Bretagne fait le choix de couvrir l’ensemble des quatre départements bretons, en étant à la fois maître d’œuvre et maître d’ouvrage, laissant à une filiale d’Orange Concessions le soin d’exploiter et de commercialiser le réseau déployé.
Le plus vaste RIP de France
Cette configuration unique fait du projet « Bretagne THD » le plus vaste réseau d’initiative publique (RIP) de fibre optique en France. L’ampleur de la tâche peut expliquer le retard de déploiement. Lancée en 2015, la première phase a souffert d’études longues, d’une multiplication des marchés et d’un pilotage initial insuffisant, tacle la Chambre régionale des comptes.
Changement de gouvernance en 2019, la conception et la réalisation du réseau sont confiées à Axione, un opérateur d’infrastructures télécoms détenu à 51 % par Bouygues Énergies & Services et 49 % par Vauban Infrastructure Partners (Vauban). Ce dernier s’engage à déployer 300 000 prises par an.
L’objectif ne sera pas tenu, du moins les premières années (voir diagramme). La Chambre observe, par ailleurs, des disparités géographiques. Le Finistère, département le plus important en termes de nombre de locaux à rendre raccordables, « connait un retard depuis 2022, qui s’est accentué en 2023 en raison des tempêtes. »
Un chantier à 2 milliards d’euros
Alors que l’objectif national du plan France Très Haut Débit de fibrer l’ensemble du territoire d’ici la fin de l’année ne sera pas tenu, la Bretagne est encore plus loin du but. Selon les données disponibles début 2025, le réseau breton affiche un taux de couverture de 57 %, contre 84 % pour les autres RIP et 90 % pour la moyenne nationale.
La Chambre se veut néanmoins confiante. La production de 300 000 prises par an est désormais atteinte et l’objectif d’un réseau entièrement déployé pourrait être atteinte fin 2026. Entretemps, la facture s’est alourdie. Évalué initialement à 1,8 milliard d’euros, le coût du chantier est désormais estimé à 2 milliards d’euros. L’industrialisation du déploiement fait néanmoins baisser le coût moyen par prise posée de 2 000 à 1 342 euros.
Résister aux aléas climatiques
Le réseau breton n’a pas tous les défauts. Le rapport note que ses performances sont globalement favorables au regard des principaux indicateurs tels que le taux de disponibilité annuelle, le taux de pannes par ligne ou le taux d’échec de raccordement.
En revanche, la Chambre s’inquiète de la continuité de service de ce réseau essentiellement aérien. « Il est crucial d’engager une démarche pour assurer la résilience des infrastructures face aux aléas climatiques, dont la fragilité a déjà été mise en évidence lors des tempêtes de l’automne 2023. » Début novembre 2023, la tempête Ciaran, avec ses pointes à 200 km/h, avait privé plus d’un million et demi d’abonnés de téléphone ou d’accès internet.