Avec Super Mario Bros. Wonder, le plombier moustachu revient à ses premières amours : le jeu de plate-forme en défilement latéral, qui l’a rendu célèbre dans les années 1980 et 1990 sur les consoles Nintendo Entertainement System (NES), Game Boy et Super NES.
Ce nouvel épisode, sorti vendredi 20 octobre sur Switch, fait également remonter le temps à son producteur, Takashi Tezuka : en 1985, celui qui était alors un designer de 25 ans a planché sur la création du premier Super Mario Bros. aux côtés de Shigeru Miyamoto, responsable du studio de développement de jeux vidéo de Nintendo, et du développeur Toshihiko Nakago. Trente-huit ans plus tard, il analyse la longévité d’une série qui a survécu à l’avènement de la 3D. « Le principal élément est la créativité demandée au joueur pour venir à bout des niveaux », résume le pétillant sexagénaire aux lunettes jaunes, lors d’un entretien accordé au Monde à l’occasion du salon Gamescom de Cologne, le 23 août dernier.
Le charme discret du saut
Manette en main, Mario permet d’abord de s’exprimer grâce à son aptitude principale, le saut, complète Shiro Mouri, réalisateur de Super Mario Bros. Wonder. « Le saut est la base des mouvements. Mais l’arc du saut a changé à chaque fois, dans chaque jeu. Je pense que c’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles les gens ne se sont pas lassés de Mario au bout d’autant d’années », détaille celui qui a été auparavant responsable de la programmation sur New Super Mario Bros. U (2012).
Chaque épisode propose sa propre variation sur le thème du bond, que ce soit avec la queue de raton laveur de Super Mario Bros. 3 (1988), qui permet de s’envoler, ou bien le champignon minuscule de New Super Mario Bros. (2006), qui rétrécit le héros et lui permet de flotter en l’air et sur l’eau. Super Mario Bros. Wonder, le dernier opus, a lui aussi plus d’un tour dans son sac, comme la possibilité d’envoyer des bulles et de s’en servir pour rebondir et atteindre de nouvelles hauteurs.
Si elle a évolué au fil du temps, la trajectoire des bonds des Mario continue toutefois d’obéir aux mêmes principes, avance Mark Brown, vidéaste de la chaîne YouTube Game Maker’s Toolkit et créateur du jeu vidéo pédagogique Platformer Toolkit, conçu pour explorer le fonctionnement des titres du genre : « Mario effectue un saut assez lent vers le haut dans les airs. Ensuite, il reste pratiquement en suspension pendant une fraction de seconde, suffisamment pour permettre au joueur de se repositionner. Puis, il y a une sorte de gravité accrue lors de la descente », détaille le Britannique. Cela « donne au personnage une sensation de poids et de réactivité accrue », observe-t-il.
Mario les bons tuyaux
Mais Mario n’est pas un simple exercice de dextérité, rappelle Takashi Tezuka. « Super Mario Bros. consiste à trouver le meilleur moyen de venir à bout des niveaux. Il y a aussi la possibilité de découvrir des secrets de temps en temps. Nous voulions que le joueur ait l’impression d’être le premier à mettre la main dessus. » Ces moments imprévisibles d’émerveillement sont là pour stimuler la curiosité.
Cette promesse est nouée avec le joueur dès le niveau « 1 – 1 » du tout premier Super Mario Bros., explique M. Tezuka : « Quand vous vous rendez compte que vous pouvez entrer dans un des tuyaux [à la fin de ce niveau], cela induit que vous pourrez entrer dans d’autres tuyaux ailleurs. Vous allez donc penser qu’il est possible d’entrer dans les tuyaux qui mènent vers le bas ou vers le haut du niveau. » Shiro Mouri abonde en rappelant aussi la curiosité suscitée par les blocs jaunes ornés d’un point d’interrogation, qui dissimulent des pièces.
De véritables secrets peuvent être dénichés par les chanceux. Un bloc invisible est, par exemple, placé juste avant le premier précipice et se révèle quand on le percute, offrant alors une vie supplémentaire. Le niveau « 1 – 2 », lui, dissimule une warp zone, une salle secrète à laquelle on accède après avoir sauté sur les blocs qui forment le plafond. Au bout du chemin se trouvent trois tuyaux qui propulsent vers les trois mondes suivants. De tels secrets, relayés par le bouche-à-oreille à l’époque et sur Internet aujourd’hui, continuent de passionner les fans.
Le risque de l’essoufflement
Ces mystères sont devenus une marque de fabrique de la série Super Mario Bros., au point qu’ils ne surprennent plus personne aujourd’hui et se sont « normalisés avec les suites », remarque Shiro Mouri. En trente ans, la recette a également été reprise par d’autres créateurs, constate Mark Brown : « A peu près tous les jeux de plate-forme sortis depuis, de Sonic the Hedgehog à Crash Bandicoot en passant par Super Meat Boy… Tous ont été influencés par Mario, en l’interprétant à leur façon. »
Comme le prouve le très réussi Super Mario Bros. Wonder, le pionnier du jeu de plate-forme n’est pourtant pas près de remiser son costume de pixels au placard, les équipes de Shiro Mouri s’étant lancé le défi de « proposer un jeu bourré de surprises désormais en phase avec notre époque ». Pour pousser la série à évoluer, il se souvient que le pionnier Takashi Tezuka l’a dissuadé d’imiter le principe du réseau secret de tuyaux du jeu originel. « Il a suggéré : “Plutôt que de transporter le personnage ailleurs, comme on a toujours fait, pourquoi ne pas trouver un moyen de transformer le niveau où l’on se trouve ?”, se souvient M. Mouri. J’y ai réfléchi et je me suis dit qu’à un moment précis, nous pouvions déclencher une modification drastique qui affecte tout le niveau. »
Ainsi est né le concept des « fleurs merveilles » qui pimentent chaque niveau de Super Mario Bros. Wonder en créant un effet psychédélique. Il résout ainsi l’équation du succès d’un Super Mario Bros. réussi : rester fidèle à presque quarante ans d’histoire, tout en étant imprévisible.