Les applications de suivi menstruel inquiètent les associations de défense des femmes. Suite à l’abolition du droit à l’avortement aux États-Unis, les données collectées par les apps pourraient être utilisées pour traquer les Américaines ayant subi une IVG.
De nombreuses associations de défense tirent la sonnette d’alarme au sujet des applications de suivi menstruel. Interrogée par la NPR, Lydia X. Z. Brown, conseillère politique du Privacy and Data Project du Center for Democracy and Technology, met en garde les Américaines ayant installé des applications de suivi des menstruations. D’après elle, les données collectées par les apps pourraient « exposer les personnes des communautés vulnérables et marginalisées à un risque de préjudice réel ».
La mise en garde fait suite à une décision de la Cour suprême des États-Unis. En révoquant l’arrêt Roe v. Wade, la haute cour a aboli le droit à l’avortement. Désormais, les États sont libres d’interdire ou non les IVG. Sans surprise, plusieurs États se sont empressés de légiférer à l’encontre de l’interruption de grossesse. C’est le cas du Missouri, de l’Arkansas et de l’Oklahoma. Treize États, surtout dans le sud du pays, devraient pénaliser l’avortement suite à l’arrêt de la Cour suprême.
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Dans ce contexte, les associations craignent que les données recueillies par des applications comme Stardust, Flo ou encore Clue ne soient exploitées par les forces de l’ordre pour déterminer si une femme était enceinte. Evan Greer, directeur du groupe de défense des droits numériques Fight for the Future, évoque notamment le cas de la géolocalisation. Si une femme est localisée à proximité d’une clinique dédiée à l’avortement, dans un État où le procédé est légal, elle risquerait des poursuites dans son État de résidence.
Le responsable craint également que l’historique de navigation puisse être exploité dans le cadre d’une enquête. Si une Américaine a cherché l’adresse d’une clinique pour l’avortement sur Google, la justice pourrait se servir de l’historique comme preuve à son encontre.
Comme le souligne NPR, il n’est pas rare que des applications soient obligées de collaborer avec la police dans le cadre d’enquêtes criminelles. Elles sont légalement contraintes de fournir leurs données. Interrogée par le Wall Street Journal, Leah Fowler, directrice de la recherche au Health Law and Policy Institute de l’Université de Houston, souligne que des données menstruelles ont déjà été utilisées dans des enquêtes gouvernementales par le passé.
« Si je vivais dans un État dans lequel l’avortement est criminalisé, je n’utiliserais pas d’app de suivi des règles, c’est certain. Si vous souhaitez être totalement en sécurité, utilisez un calendrier papier », conseille Andrea Ford, chargée de recherche à l’Université d’Édimbourg.
Notez qu’il ne suffit pas de désinstaller une application de suivi menstruel pour effacer les données collectées. Certaines apps ne stockent pas les données sur le smartphone. Les informations sont détenues sur des serveurs à distance.
« Parfois, vous devez contacter directement l’équipe d’assistance du service clientèle d’une application pour vous assurer que vos données ont été effacées du côté du développeur », recommande Leah Fowler.
Les applications de suivi menstruel s’engagent à protéger leurs utilisatrices
Face aux craintes des Américaines, les principales applications de suivi des règles ont annoncé des mesures pour renforcer la protection des données personnelles. C’est le cas de Natural Cycles, la première app de suivi ayant obtenu l’approbation de la Food and Drug Administration (FDA). Raoul Scherwitzl, cofondateur de l’app, a indiqué l’arrivée d’une « expérience totalement anonyme pour les utilisatrices ». L’objectif est « de faire en sorte que personne – pas même nous à Natural Cycles – ne puisse identifier l’utilisatrice ».
You deserve the right to protect your data. pic.twitter.com/uA5HLHItCY
— Flo Period Tracker (@flotracker) June 24, 2022
Même son de cloche du côté de Flo, qui compte 43 millions d’usagers. L’app déploiera bientôt un mode 100 % anonyme. Flo assure que le mode empêchera de découvrir l’identité des utilisatrices.
De son côté, Stardust, une application qui combine suivi menstruel et astrologie, a profité de la situation pour séduire de nouvelles utilisatrices. L’app s’est autoproclamée comme la première application de suivi des règles respectueuse de la confidentialité. Sur TikTok, une vidéo présentant Stardust comme la seule solution axée sur la vie privée a rapidement fait le buzz. Ce week-end, Stardust est même brièvement devenu l’application la plus téléchargée sur l’App Store aux États-Unis.
Néanmoins, Stardust est soumis aux mêmes lois que les applications concurrentes. Dans ses conditions d’utilisation, l’app admet qu’elle « se conformera ou répondra à l’application de la loi ou à une procédure judiciaire ou à une demande de coopération d’un gouvernement ou d’une autre entité, lorsque la loi l’exigera ».
#PRIVACY UPDATE 🚨 We’ve been working around the clock on updates and privacy. As a three woman team, we appreciate your patience! Stardust has kind of a unique problem to solve when it comes to data privacy. (1/8)
— Stardust (@Stardusttracker) June 26, 2022
Sur TikTok, les développeurs derrière Stardust assurent avoir mis au point un « mur de chiffrement » pour protéger les données collectées. Cette précaution anonymise les données « par rapport à vos données de connexion », explique Rachel Moranis, fondatrice de Stardust. En cas d’assignation, l’app ne serait pas en mesure de fournir des données de suivi exploitables. Le « mur de chiffrement » est en cours de déploiement sur l’app.
Source :
Wall Street Journal