Pourquoi une partie de la tech américaine penche-t-elle vers Donald Trump ?

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Comment expliquer que quelques figures de la Silicon Valley, historiquement démocrate, aient pris le parti de Donald Trump, l’ancien président républicain ? Plus qu’une seule et unique raison, les analystes avancent un patchwork d’éléments pour expliquer certains ralliements médiatisés, dans une Silicon Valley qui reste malgré tout à majorité démocrate.

Elon Musk qui finance Donald Trump pour sa campagne présidentielle, l’ex-président qui nomme comme colistier JD Vance, un ancien de la Silicon Valley… Traditionnellement démocrate, la tech américaine est-elle en train de basculer dans le camp républicain pro-Trump ? Si « le ralliement » à l’ancien chef d’État américain est, en pratique, loin d’être massif dans la Silicon Valley, selon la majorité des commentateurs, Donald Trump a tout de même réussi à séduire une partie restreinte du secteur. Mécontents de la politique de régulation des géants du numérique de Joe Biden, certains ont été convaincus par les promesses pro-déréglementation, pro-business et anti-impôts de Trump. Ce malgré l’assaut du capitole, et les nombreuses casseroles judiciaires de l’ancien président républicain.

En avril dernier, Donald Trump a bien été reconnu coupable de fraudes financières ? Qu’à cela ne tienne, cela n’a pas empêché quelques figures de la tech d’afficher leur soutien à l’ancien président. Outre Elon Musk, le fantasque patron de SpaceX, Tesla et X, qui a promis de financer la campagne de Donald Trump à hauteur de 45 millions de dollars par mois, on trouve aussi d’autres figures du secteur, moins connues sur le Vieux continent. Parmi ceux qui ont promis de soutenir l’homme d’affaires, on trouve David Sacks, co-fondateur de PayPal, Shaun Maguire de Sequoia Capital – un célèbre fonds de capital-risque américain, Marc Andreessen, cofondateur de Netscape, mais aussi Ryan Selkis, à la tête de la plateforme de cryptomonnaies Messari, ou encore les jumeaux Winklevoss, célèbres pour leur querelle avec Mark Zuckerberg au sujet de la création de Facebook.

« La stigmatisation est en train de disparaître »

La liste des partisans de Donald Trump comporterait tout au plus une vingtaine de noms, pour l’instant. De quoi faire dire à Noah Smith, journaliste et blogueur américain qui s’exprimait dans un article de blog le 17 juillet dernier, que « le mouvement officiel des personnalités de la tech vers le camp Trump est loin d’être un torrent, il s’agit plutôt d’un mince filet d’eau ». D’abord parce que les figures pro-démocrates et donc pro-Biden restent majoritaires dans la Silicon Valley, à l’image de Reid Hoffman, le fondateur de LinkedIn, ou de Sheryl Sandberg, le numéro 2 de Facebook.

Mais contrairement aux élections de 2016 et de 2020, l’ambiance a changé, rapporte une des sources du New York Post qui explique ne plus cacher à ses amis et collègues son soutien à Donald Trump. « En 2016, vous auriez eu des réactions négatives (…) [si vous souteniez Trump] ». Mais désormais, « la stigmatisation est en train de disparaître ». Et si les nouveaux partisans de Trump dans la Silicon Valley sont plus visibles, c’est qu’ils sont surtout plus bruyants et plus médiatisés, commente pour sa part Wired, insistant sur le fait que la composition politique de la tech américaine est restée largement la même. Plus que pro-Trump, ces nouvelles figures de la tech qui penchent vers le Parti républicain sont surtout contre Biden, ajoute le média spécialisé américain, relevant un président candidat vieilli dont l’état de santé suscite la controverse. 

Antitrust et cryptomonnaies

Il faut dire que l’actuel président des États-Unis et son administration ont, pendant son mandat, montré une volonté de davantage réglementer la tech. Et que l’approche a plus qu’agacé les principaux intéressés, que cela soit la « Big Tech », les géants du numérique comme Google, Microsoft ou Apple, ou la « Little Tech », le monde des start-up. Lina Khan, l’économiste pro-régulation à la tête de la FTC, l’Autorité américaine de la concurrence, a lancé avec le ministère de la Justice américain des enquêtes anti-trust contre Amazon, Google, Meta et Apple. Nvidia, Microsoft et OpenAI sont aussi dans son collimateur. Or, « l’antitrust ne menace donc pas seulement les entreprises technologiques en place, il limite également les possibilités de croissance pour les nouveaux venus. Il s’agit là d’une puissante incitation économique à soutenir Trump », soutient le journaliste américain Noah Smith dans son article de blog.

Deuxième raison avancée : la cryptomonnaie. C’est sous le mandat de Joe Biden que la SEC, le gendarme américain de la Bourse, s’est attaquée au secteur, en souhaitant imposer davantage de règles suite aux différents scandales qui ont touché les cryptoactifs. Donald Trump, lui, s’est au contraire engagé à dérèglementer le secteur — une promesse qui n’est pas passée inaperçue au sein de la Silicon Valley. Cet engagement pourrait en effet avoir un impact direct sur le compte en banque de nombreux employés de la tech. Il est en effet courant, dans ce secteur, de détenir des bitcoins ou des éthers. Avoir à la Maison-Blanche un défenseur des cryptomonnaies pourrait donc en théorie favoriser l’adoption des cryptoactifs : un bon point pour tous ceux qui en possèdent actuellement. 

Biden veut un impôt sur la fortune

Autre argument avancé, qui s’est ajouté à la liste des « mauvais points » de Joe Biden : son executive order sur l’IA. Le texte, qui impose que les sociétés américaines de l’IA partagent leurs secrets commerciaux ou de fabrication avec l’administration américaine, a reçu un accueil glacial des leaders du secteur comme OpenAI ou Google. Traditionnellement, le secteur de la tech prône le moins d’immixtion de l’État possible dans les affaires économiques.

Mais la goutte d’eau qui aurait fait déborder le vase est peut-être la volonté de Biden de mettre en place une sorte d’impôt sur la fortune – un projet qui a fait grimacer les cadres du secteur et le monde des start-up. Le président candidat compte en effet instaurer une taxe de 25 % sur les profits non-réalisés des personnes possédant un patrimoine supérieur à 100 millions de dollars. D’autres éléments sont ajoutés au patchwork d’explications de certains ralliements, comme des raisons socioculturelles allant de l’anti-wokisme affiché de Donald Trump à sa position pro-Israël.

L’opposition pro / antiréglementation à relativiser ?

De son côté, Trump n’a cessé de tendre la main vers le monde de la tech, son dernier geste étant la nomination comme colistier de JD Vance, un ancien de la Silicon Valley. Il avait auparavant promis plus de visas pour les travailleurs qualifiés – dont une bonne partie crée des start-up et alimente les effectifs du secteur.

Pourtant, cette supposée opposition entre Biden et Trump au sujet de la réglementation, de l’imposition, et de la tech en général est à relativiser. D’un côté, la volonté de l’administration Biden de davantage réguler les géants de la tech reste pour l’instant un vœu pieux, une épée de Damoclès qui n’a abouti jusqu’à présent à aucune sanction importante. De l’autre, Joe Biden a aussi adopté des mesures en faveur de la tech pendant sa mandature, qui ne semblent pas être mises en avant – à l’image de son plan massif de subventions et d’investissements sur les semi-conducteurs, des composants indispensables au secteur, qui a entraîné un boom des investissements privés sur le territoire américain.

À lire aussi : Le plan américain de subventions de semi-conducteurs est déjà un pari gagnant

Et bien que Donald Trump se présente comme un allié du secteur, ses récentes déclarations sur Taïwan devraient inquiéter la Silicon Valley. L’ancien président a en effet expliqué à Bloomberg que l’île devrait payer les États-Unis pour sa protection contre la Chine. Taïwan « ne nous donne rien », a-t-il ajouté, suggérant que le soutien des États-Unis pourrait ne pas continuer, s’il était élu. Dans un tel cas, l’industrie américaine n’aurait vraisemblablement plus le même accès aux semi-conducteurs de l’entreprise taïwanaise TSMC. Cette société produit 90 % des puces de dernière génération, des composants indispensables au développement des IA génératives. De quoi mettre un sérieux coup de frein aux entreprises de l’IA américaines, aujourd’hui en pole position pour devenir les leaders du secteur.

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