Ce jeudi, la Chine a fermement condamné la prise de contrôle de Nexperia, le fabricant chinois de semi-conducteurs localisé aux Pays-Bas, par le gouvernement néerlandais. Pékin a déjà adopté des mesures de représailles contre la Haye. Contre son gré, le pays européen se retrouve plongé dans la guerre technologique entre la Chine et les États-Unis, une guerre dans laquelle il ne peut qu’être un grand perdant.
Après « l’affaire Nexperia », cette mainmise d’un fabricant chinois de semi-conducteurs par la Haye, on attendait une réaction courroucée de Pékin. Elle est tombée ce jeudi 16 octobre. Dimanche 12 octobre, les Pays-Bas décidaient de prendre le contrôle d’un fabricant chinois de puces électroniques, domicilié aux Pays-Bas, une mesure qualifiée « d’exceptionnelle », prise pour « garantir la sécurité économique de l’Europe ». Quatre jours plus tard, la Chine a vivement réagi.
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Selon un porte-parole du ministère chinois du Commerce cité par le média chinois Xinhua, Pékin « s’oppose fermement » à cette mainmise de la Haye sur la filiale néerlandaise du producteur chinois des puces électroniques. La décision des Pays-Bas viole non seulement « l’esprit des contrats », mais aussi « les principes du marché ». La mesure finira par se retourner contre le pays, et nuira à son environnement commercial, a ajouté le responsable chinois.
Pour Pékin, les Pays-Bas doivent respecter « l’indépendance et l’autonomie ». La Chine espère que le pays européen « gardera à l’esprit l’importance des relations économiques sino-néerlandaises et la stabilité de la chaîne d’approvisionnement mondiale en semi-conducteurs, corrigera les pratiques erronées et protégera efficacement les droits et intérêts légitimes des investisseurs chinois afin de favoriser un environnement commercial équitable, transparent et prévisible ». En fin de déclaration, le porte-parole s’est fait plus menaçant. Il a indiqué que « la Chine prendra les mesures nécessaires pour protéger résolument les droits et intérêts légitimes des entreprises chinoises ».
La Chine a déjà pris une première mesure de représailles
Dans les faits, la Chine a déjà pris une première mesure de représailles. Quelques jours plus tôt, Pékin a interdit à Nexperia Chine et à ses sous-traitants d’exporter ses produits vers les Pays-Bas – le fabricant dispose d’une usine importante dans le pays. Parmi les biens concernés se trouvent des composants de puces fabriqués aux Pays-Bas, par la filiale néerlandaise.
Cette décision est loin d’être anodine : elle pourrait entraver la capacité de production de puces de Nexperia (Pays-Bas), qui fournit ses semi-conducteurs à l’Europe, et notamment à son industrie automobile. La mesure pourrait, au mieux, ralentir l’approvisionnement en puces des constructeurs de voitures du Vieux continent. Les industriels allemands s’y préparent déjà, comme le montre cet article de Reuters, publié ce jeudi. Un porte-parole de BMW explique chez nos confrères qu’une partie du réseau de fournisseurs du constructeur allemand est déjà touchée par les restrictions à l’exportation. Or, d’autres « mesures nécessaires » pourraient suivre, selon la Chine.
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Les Pays-Bas pris entre le marteau et l’enclume
Problème : dans ce dossier, les Pays-Bas sont pris entre le marteau et l’enclume. Comme nous vous l’expliquions dans cet article, La Haye a pris cette décision de prise de contrôle – du jamais vu – pour répondre in fine à une demande de l’administration américaine. Washington, en pleine guerre technologique avec Pékin, cherche à ralentir, voire à entraver la Chine dans ses avancées technologiques, notamment sur le terrain des semi-conducteurs.
Et selon des documents judiciaires, les États-Unis auraient demandé à la Haye de remplacer le patron chinois de Nexperia Pays-Bas, à moins de voir leur fabricant de semi-conducteurs néerlandais être mis sur « liste des entités ». Le fait d’être sur cette liste noire l’aurait ni plus ni moins empêché de vendre ses produits aux États-Unis et à tous ses alliés. Et les Pays-Bas n’auraient eu d’autres choix que d’obtempérer, en invoquant une loi vieille de 70 ans et jamais utilisée, et en prenant le contrôle du fabricant chinois.
Problème : en acceptant les demandes de l’administration Trump, le pays s’attire les foudres de la Chine. Or, Pékin dispose de nombreux moyens de pression pour faire plier quiconque nuit à ses intérêts. En plus de la décision de cette semaine portant sur Nexperia Chine, la Chine a déjà annoncé le 9 octobre dernier un durcissement de sa règlementation sur les terres rares, ces matériaux dont elle est la première exportatrice au monde. Les restrictions aux exportations concerneraient cette fois cinq nouvelles terres rares, des composants indispensables à l’automobile, à l’IA, aux renouvelables et aux smartphones. La limitation était destinée aux États-Unis, mais elle s’appliquerait aussi l’Europe.
Or, en avril dernier, la Chine avait déjà complètement interrompu les exportations de sept terres rares vers les États-Unis et les autres pays du monde, y compris l’Europe, en représailles aux droits de douane de Donald Trump. Ces nouvelles règles avaient entraîné des pénuries et laissé craindre des arrêts dans les usines, y compris sur le Vieux continent. L’histoire pourrait se répéter avec des mesures encore plus drastiques prises cette fois à l’égard des Pays-Bas, et de l’Europe.
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