Avec son Clutch, Moustache s’adresse à un segment exigeant : celui des VTTAE sportifs haut de gamme. Décliné en version pur VTT (Clutch 160) ou SUV (Clutch SUV 150), ce modèle bouscule les codes en intégrant le système Pinion MGU E1.12, une motorisation inédite associée à une boîte de vitesses automatique ou manuelle directement intégrée dans le moteur. Une révolution technique qui promet un comportement plus joueur, une fiabilité renforcée et une maintenance quasi inexistante. Mais qu’en est-il sur le terrain ? Nous avons enfourché ce VTT électrique pas comme les autres pour en prendre la mesure.
Un moteur dans le pédalier, une boîte dans le moteur
Le cœur du Moustache Clutch est donc le Pinion MGU (Motor Gearbox Unit), un bloc compact regroupant à la fois la motorisation électrique (85 Nm, 600 W de puissance maximale) et une transmission intégrée à 12 rapports. Une configuration que l’on ne trouve quasiment nulle part ailleurs, et qui tranche radicalement avec la classique combinaison moteur central + dérailleur arrière + cassette. Notons que c’est la première infidélité de la marque vosgienne à Bosch, jusqu’ici équipementier exclusif de ses vélos. Peut-être le signe que le constructeur allemand se doit d’évoluer en proposant lui aussi une solution moteur + transmission tout-en-un. D’autant plus que DJI est lui aussi désormais en embuscade.

Cette intégration présente plusieurs avantages. D’abord, elle permet de réduire la masse non suspendue à l’arrière du vélo – en clair, de libérer la roue arrière de la transmission classique (plus de dérailleur, plus de cassette). Cela améliore le travail de la suspension, surtout sur les terrains accidentés ou à haute vitesse. Ensuite, cette configuration permet de centraliser le poids au niveau du boîtier de pédalier, donc très bas sur le vélo. Résultat : un centre de gravité rabaissé, et un comportement dynamique nettement amélioré.

Autre atout : la fiabilité et la durabilité. Le système est hermétiquement fermé, totalement à l’abri de la boue, de la poussière ou des chocs. La transmission n’a besoin que d’un simple changement d’huile et de courroie tous les 10 000 km. En comparaison, une chaîne de transmission classique nécessite un entretien quasi-hebdomadaire en usage intensif.
Une transmission unique : intégrée, automatique et ultra performante
Le Moustache Clutch intègre une transmission hors du commun : une boîte de vitesses Pinion à 12 rapports directement logée dans le moteur (MGU). Contrairement aux transmissions classiques qui combinent un moteur central (Bosch, Shimano, etc.), un dérailleur, une cassette et une chaîne, le Clutch supprime tous ces éléments au profit d’un système intégré, scellé et totalement autonome. L’idée ? Simplifier l’entretien, améliorer la durabilité et offrir un fonctionnement plus fluide.

Mais ce système ne fait pas de compromis sur les performances. Au contraire : la boîte Pinion offre un ratio total de 600 %. Autrement dit, vous pouvez grimper un mur en première et filer à 45 km/h en douzième, sans jamais sentir de “trou” entre deux vitesses. Pour mettre cela en perspective, les transmissions classiques à 12 vitesses offrent en général un ratio compris entre 500 et 520 %. En comparaison, le Pinion fait donc mieux avec ses 600 %, tout en conservant des écarts de vitesse constants entre chaque rapport (environ 17,7 %). Ce qui signifie un pédalage plus régulier, une meilleure anticipation de l’effort et une plus grande efficacité dans toutes les situations.
Autre avantage : pas de chevauchement de rapports. Sur une transmission classique, certains braquets sont redondants ou inefficaces selon la position de la chaîne (ligne de chaîne). Ici, chaque rapport est unique, sans perte, et le rendement reste élevé, quel que soit le terrain.
Une solution conçue par d’anciens ingénieurs de Porsche
Derrière ces performances, se cache un système inspiré de l’automobile : une boîte de vitesses à engrenages planétaires. Ce n’est pas un hasard si Pinion a été fondée par deux anciens ingénieurs de Porsche : la technologie utilisée ici est issue des transmissions automatiques de voitures haut de gamme.
Un engrenage planétaire est un ensemble mécanique composé de trois éléments :
Selon la pièce que l’on fixe ou que l’on fait tourner, on obtient différentes démultiplications, avec un rendement élevé et des dimensions très compactes. Le système Pinion repose sur plusieurs étages d’engrenages planétaires disposés en série dans un carter totalement scellé et protégé contre la poussière, l’eau ou les chocs. Chaque vitesse correspond à une combinaison spécifique de ces étages, qui s’enclenche via des cliquets internes électromécaniques pilotés par le logiciel de gestion du MGU. Résultat : les changements de vitesse sont ultrarapides (moins d’un quart de seconde), même sous charge, et sans à-coups.

Contrairement à une chaîne qui peut subir une perte de rendement selon l’alignement des pignons (ligne de chaîne), la boîte Pinion conserve un rendement stable autour de 90 à 95 %, peu importe le rapport sélectionné. Et ce rendement est indépendant de la saleté ou de l’humidité : un vrai plus pour un VTT électrique tout-terrain. Ajoutez à cela l’absence totale de friction parasite liée aux dérailleurs, patins, galets ou tensions de chaîne, et vous obtenez une transmission propre, régulière et silencieuse.
Le mode automatique plutôt pour les balades
Le MGU de Pinion permet de choisir entre trois modes :
- Manuel : on passe les vitesses à la main via une commande e-trigger ;
- Semi-automatique : le système rétrograde à l’arrêt, ou dans certaines conditions (roue libre prolongée, ralentissement) ;
- Automatique complet : le MGU gère seul le passage des vitesses en fonction de votre cadence de pédalage.
Dans ce dernier mode, le vélo choisit automatiquement le meilleur rapport pour maintenir votre cadence cible (RPM). Vous définissez cette cadence dans l’application (par exemple 70 ou 90 tr/min), et le vélo adapte les vitesses pour rester au plus proche de ce chiffre, que vous soyez en montée, en descente ou sur le plat.

C’est particulièrement appréciable en ville ou sur les longues sorties : on pédale sans se poser de questions, sans réfléchir à quelle vitesse enclencher. Et contrairement à une boîte automatique de voiture qui rétrograde parfois brutalement, la gestion électronique est ici fluide, douce et quasiment imperceptible.
Cependant, ce système demande un peu d’accoutumance. Lors des premières sorties, on peut être surpris par un passage de vitesse automatique en pleine relance, ou une montée en cadence un peu trop rapide. Heureusement, le passage en mode semi-auto ou manuel est immédiat. Un point fort pour les puristes qui préféreront sans aucun doute garder le contrôle.
Des sensations de pilotage nouvelles
Ce qui frappe le plus sur les premiers tours de roue, c’est le silence et la fluidité du système. Le Clutch est extrêmement silencieux : pas de chaîne qui gratte, pas de dérailleur qui claque. L’assistance du moteur est linéaire, sans à-coup, et parfaitement dosée.

Le gros point fort est vraiment le comportement dynamique du vélo. Grâce à la réduction de masse suspendue, la suspension arrière semble mieux travailler. Le vélo colle au sol, absorbe les petits chocs avec finesse, et reste stable même sur terrain chaotique. Le châssis très rigide et la géométrie agressive (angle de direction de 64,2° sur le Clutch 160) permettent de garder le cap à haute vitesse. En descente, la suspension RockShox ZEB (ou Domain selon la version) de 170 mm de débattement, combinée à un amortisseur Super Deluxe ou Vivid de 160 mm, offre un confort et une précision dignes d’un VTT de compétition.
Une plateforme pensée pour rouler (vraiment) toute l’année
Moustache a conçu le Clutch comme un vélo prêt à rouler, sans se poser de questions. Le choix de la courroie Gates CDX (sur les modèles haut de gamme) va dans ce sens. Contrairement à une chaîne classique, cette courroie en carbone est silencieuse, propre et totalement insensible aux intempéries. Aucun besoin de lubrifier et une durée de vie bien supérieure.

Sur la partie autonomie, le pack batterie maison de 780 Wh assure de longues sorties, même en mode turbo. Le poids contenu (3,9 kg) et la bonne intégration dans le cadre participent à l’équilibre général du vélo. La connectique propre, les finitions soignées, les garde-boue intégrés, le multi-outil dans la potence, la trousse de secours fixée à la batterie ou encore le système de fixation de bidon Fidlock ready montrent à quel point le Clutch est pensé dans les moindres détails.
Quelques limites à garder en tête
Le Clutch n’est pas sans défaut. Le poids du bloc Pinion MGU (4,1 kg), s’il est bien placé, donne un vélo un peu lourd à la manipulation ou en portage. En roulant, cela se ressent peu grâce à la centralisation des masses, mais dans les relances très serrées ou à basse vitesse, le dynamisme est légèrement en retrait par rapport à un VTTAE plus classique.
L’autre limite concerne la gestion automatique des vitesses, parfois un peu déconcertante dans les cas très spécifiques : freinage appuyé puis relance, changement de rythme brutal, ou pédalage haché sur single track technique. Rien de rédhibitoire, mais cela demande un peu d’adaptation. Heureusement, les modes semi-auto et manuel permettent de s’ajuster selon les goûts et les besoins.

Mais le principal défaut vient du bruit émis par certains rapports de la boîte. En effet, les 12 vitesses sont étagées en trois groupes de 4. Il se trouve que chaque première vitesse de chacun des groupes (1,5 et 9) émet un bruit de roulement mécanique très présent qui vient quelque peu gâcher la fête par rapport au silence de l’entraînement par courroie. D’autre part, si les changements de vitesse sont tous très rapides, c’est moins le cas dès qu’on change de groupe de la 4 à la 5 et de la 8 à la 9. C’est parfois déroutant si l’on est en plein effort à ce moment-là.
Enfin, le prix reste élevé, avec trois modèles disponibles à 8 000, 9 000 et 10 000 euros. Un tarif justifié par l’innovation, les composants haut de gamme et la fiabilité attendue, mais qui place clairement le Clutch dans la catégorie des vélos ultra premium.
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