quand les Pays-Bas aidaient Uber à freiner un contrôle fiscal

quand les Pays-Bas aidaient Uber à freiner un contrôle fiscal


Dans les affaires, comme en politique, les ennuis volent souvent en escadrille. Croulant déjà sous les procédures judiciaires dans plusieurs pays, Uber apprend au printemps 2015 qu’il est la cible d’une enquête conjointe de six Etats européens (la France, l’Allemagne, la Belgique, le Royaume-Uni, la Suède et les Pays-Bas) sur ses pratiques fiscales. De quoi donner des sueurs froides à la start-up californienne, connue pour sa propension à payer le moins d’impôts possible grâce à des schémas sophistiqués. Dans cette mauvaise passe, Uber dispose pourtant d’un allié inattendu : les autorités fiscales néerlandaises.

Les « Uber Files » mettent en lumière le rôle trouble joué par les Pays-Bas auprès du groupe américain dans le cadre de cet audit fiscal qu’ils étaient censés eux-mêmes coordonner. Plusieurs éléments suggèrent que l’administration fiscale néerlandaise a aidé Uber à ralentir la communication d’informations cruciales pour l’enquête, violant les principes de la coopération fiscale européenne. De quoi ternir encore davantage la réputation de ce petit Etat de l’Union européenne (UE), régulièrement accusé de faire cavalier seul avec ses pratiques fiscales accommodantes au détriment de ses voisins.

« Uber Files », une enquête internationale

« Uber Files » est une enquête reposant sur des milliers de documents internes à Uber adressés par une source anonyme au quotidien britannique The Guardian, et transmis au Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et à 42 médias partenaires, dont Le Monde.

Courriels, présentations, comptes rendus de réunion… Ces 124 000 documents, datés de 2013 à 2017, offrent une plongée rare dans les arcanes d’une start-up qui cherchait alors à s’implanter dans les métropoles du monde entier malgré un contexte réglementaire défavorable. Ils détaillent la manière dont Uber a utilisé, en France comme ailleurs, toutes les ficelles du lobbying pour tenter de faire évoluer la loi à son avantage.

Les « Uber Files » révèlent aussi comment le groupe californien, déterminé à s’imposer par le fait accompli et, au besoin, en opérant dans l’illégalité, a mis en œuvre des pratiques jouant volontairement avec les limites de la loi, ou pouvant s’apparenter à de l’obstruction judiciaire face aux enquêtes dont il faisait l’objet.

Retrouvez tous nos articles de l’enquête « Uber Files »

Si les Pays-Bas ont joué un rôle central dans cette histoire, c’est qu’ils abritent depuis 2012 Uber B.V., l’un des poumons financiers du groupe. C’est par les caisses de cette filiale néerlandaise que transitent tous les paiements des voyageurs utilisant l’application dans des centaines de villes du monde entier, de Paris à Sydney. Bénéficiant aux Pays-Bas d’un accord fiscal spécial, dit « rescrit », Uber évite plusieurs prélèvements fiscaux, dont la TVA sur la commission prélevée aux chauffeurs sur chacune de leurs courses, et l’impôt sur ses bénéfices. Aveugles sur l’activité de l’application dans leurs pays, et les potentielles pertes fiscales associées, le gouvernement français et ses homologues européens se sont naturellement tournés vers Amsterdam, en 2015, pour lui demander de réclamer à Uber les données détaillant les recettes tirées des courses de ses chauffeurs.

Coopération à hauts risques

Il s’agit là d’un cauchemar pour Uber. « Notre structuration fiscale est (…) le talon d’Achille de l’entreprise », s’inquiète ainsi Mark MacGann, le lobbyiste en chef d’Uber pour l’Europe, dans un courriel à ses collègues. « La situation en Europe est grave », s’alarme aussi sa supérieure Rachel Whetstone, qui propose de « peser le pour et le contre d’une non-coopération ». Rob van der Woude, le directeur fiscal pour l’Europe, détaille même à l’ensemble de la direction du groupe, dont le PDG Travis Kalanick, les risques que prendrait Uber à coopérer – ou non – avec les autorités.

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