que faut-il attendre de l’audience devant la Cour suprême ?

que faut-il attendre de l’audience devant la Cour suprême ?


Bientôt la fin pour TikTok aux Etats-Unis ? En avril, le Congrès américain votait une loi contraignant le réseau social à revendre ses activités américaines avant le 19 janvier ou, à défaut, à fermer boutique aux Etats-Unis. La maison mère de TikTok, le chinois Bytedance, a rapidement attaqué cette loi en justice et a été déboutée en décembre par la cour d’appel fédérale de Washington. Mais un ultime recours juridique demeure : la Cour suprême. C’est à elle que revient désormais, vendredi 10 janvier, d’examiner l’affaire.

De quoi TikTok est-il accusé ?

La plateforme fait planer une « grave menace sur la sécurité nationale », affirme le gouvernement fédéral dans un exposé destiné à la Cour suprême. L’administration américaine craint, en effet, que l’application soit utilisée par les autorités chinoises pour faire chanter ou espionner ses utilisateurs, ou pour manipuler l’opinion publique. Lors de la précédente audience devant la Cour fédérale d’appel de Washington, les magistrats ont rappelé que TikTok avait un actionnaire majoritaire chinois et évoqué une jurisprudence abondante concernant des groupements ou des organisations étrangers interdits par le passé, particulièrement dans le domaine des télécommunications.

Les autorités américaines n’ont jusqu’ici apporté publiquement que peu d’éléments concrets pour étayer leurs accusations. En décembre 2020, ByteDance avait toutefois reconnu que certains de ses employés avaient pu espionner des journalistes en utilisant des données issues de l’application.

Que répliquent TikTok et ses soutiens ?

La société affirme n’avoir aucun lien avec le Parti communiste chinois et assure avoir pris toutes les mesures pour protéger la vie privée de ses utilisateurs américains. Le réseau social fait notamment valoir qu’il a mis en place un système d’hébergement aux Etats-Unis des données américaines (le « projet Texas »). Un argument fragilisé en 2022 par une enquête de Buzzfeed démontrant que la maison mère chinoise pouvait toujours accéder aux données des internautes américains.

Mais TikTok a surtout cherché à déplacer le débat juridique sur le terrain de la liberté d’expression, garantie par le premier amendement de la Constitution américaine. En décembre, le réseau social a ainsi dénoncé « une censure massive » à l’appui de son recours devant la Cour suprême. Une accusation à laquelle s’est joint un groupe de créateurs de contenus, dont la plainte a été fusionnée avec celle de TikTok. L’argument de la liberté d’expression n’est pas dénué de poids : il avait servi de fondement juridique à la justice fédérale américaine lorsqu’elle avait annulé l’interdiction de l’application dans l’Etat du Montana, en 2022.

La Chine, de son côté, dénonce les « méthodes de voyou » de Washington. « Un soi-disant prétexte de sécurité nationale peut être utilisé pour écarter arbitrairement des entreprises performantes d’autres pays », a fustigé un porte-parole de la diplomatie chinoise, Wang Wenbin, en mars 2024.

Quelles sont les différentes issues possibles ?

La Cour suprême peut confirmer la légalité de la loi (et donc entériner l’obligation pour Bytedance de vendre la branche américaine de TikTok, sous peine de blocage), ou au contraire la déclarer inconstitutionnelle. Donald Trump a toutefois demandé aux juges de s’engager sur une troisième voie : suspendre temporairement l’application de la loi, pour laisser le temps à la nouvelle administration présidentielle, après l’investiture du 20 janvier, de résoudre la situation « par des moyens politiques [et de trouver] une issue négociée qui éviterait une fermeture à l’échelle nationale de TikTok ».

Difficile de savoir quel scénario est le plus probable. Il faut néanmoins noter que la Cour suprême n’est pas un organe neutre : elle est composée de neuf juges, dont trois ont été nommés par Donald Trump, pour certains dans des conditions polémiques. La Cour ne comporte que trois juges démocrates. Dans tous les cas, la décision pourrait être connue rapidement. La loi doit, en effet, entrer en application le 19 janvier et, comme le remarque le magazine américain Forbes, la rapidité avec laquelle a été programmée l’audience est bien supérieure aux délais constatés habituellement pour la Cour suprême. Ce qui suggère une intention de trancher au plus vite.

En cas d’interdiction, Donald Trump pourra-t-il l’annuler ?

Trois pistes s’offrent à Donald Trump. La première consiste à faire voter l’annulation de la loi par le Congrès. Un scénario incertain : en avril, celle-ci avait été votée par plus de 90 % des députés républicains. En outre, la majorité républicaine à la Chambre des représentants est étroite, avec 220 députés républicains contre 215 démocrates, et la discipline de vote y est moins prévisible qu’en France.

Le Monde

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Deuxième option : négocier la vente de TikTok, ou trouver toute solution lui permettant de ne plus être contrôlée par un acteur issu d’un pays rival. Si Donald Trump peut démontrer que l’entreprise s’engage sur cette voie, la loi lui permet alors de suspendre son bannissement pendant une période de quatre-vingt-dix jours. TikTok a cependant fait valoir que, même si la cession était possible, son service serait « réduit à une coquille vide, dépourvu de la technologie innovante qui adapte le contenu à chaque utilisateur ».

Troisième possibilité pour la future administration présidentielle : ne pas appliquer la loi. Un scénario improbable car les services juridiques des entreprises américaines nécessaires au bon fonctionnement de TikTok – les magasins d’applications d’Apple et de Google ou les opérateurs, comme AT&T, par exemple – seront réticents à tabler sur la non-application de la loi, argue l’avocat Alan Rozenshtein dans un post de blog. D’autant que les concurrents de TikTok pourraient décider de mener eux-mêmes des actions en justice si le texte n’était pas appliqué.

Pourquoi Donald Trump soutient-il TikTok ?

Cela peut paraître étonnant, étant donné qu’en 2020 le président américain avait vainement cherché l’inverse : interdire TikTok à coups de décrets exécutifs rejetés par la justice. Mais sa position a changé depuis janvier 2021, lorsque Meta l’a banni de Facebook et d’Instagram à la suite de l’assaut du Capitole, mené par ses partisans. Résultat, en mars 2024, le républicain déclarait : « Si vous vous débarrassez de TikTok, Facebook et “Zuckerschmuck” [déformation du nom de Mark Zuckerberg] doubleront leur activité. Je ne veux pas que Facebook, qui a triché lors des dernières élections [de 2020], fasse mieux. Ce sont eux les véritables ennemis du peuple ! »

Les sentiments positifs de Donald Trump envers le réseau social chinois se sont même renforcés après l’élection présidentielle. « J’ai un petit faible pour TikTok parce que j’ai remporté les voix des jeunes par 34 points », concédait-il devant les caméras en décembre. TikTok est, par ailleurs, un réseau social populaire, agrégeant 170 millions d’utilisateurs actifs aux Etats-Unis, qu’il serait maladroit de braquer. « Pour tous ceux qui veulent sauver TikTok en Amérique, votez pour Trump », déclarait ainsi l’homme d’affaires pendant sa campagne.

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