L’an dernier, le métavers n’a pas vraiment tenu toutes ses promesses. Malgré les investissements colossaux consentis par plusieurs géants, les mondes numériques accessibles en réalité augmentée ou virtuelle n’ont pas encore percé. Le grand public, happé par la crise économique et l’inflation, peine à s’intéresser au métavers. Les ventes de casques VR en 2022 le prouvent. Au cours de l’année écoulée, ce marché a baissé de 12 % dans le monde.
Ce manque d’intérêt est visible en France. Selon une étude de l’éditeur GetApp, 49 % des Français ne connaissent pas le métavers, et seulement 8 % des sondés se sont déjà connectés à un monde numérique. Pour convaincre les consommateurs de la révolution que représente le métavers, les marques vont devoir se retrousser les manches en 2023. On fait le point sur les grandes nouveautés dans les cartons des constructeurs pour les douze prochains mois.
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Des améliorations clés chez Meta
Le métavers est la grande obsession de Mark Zuckerberg, PDG et fondateur de Meta. Pour donner vie à son rêve, le milliardaire a injecté plus de 21 milliards de dollars dans Reality Labs, la division métavers, en l’espace de deux ans. Sans succès jusqu’ici.
Horizon Worlds, le monde en réalité virtuelle imaginé par Meta, est la risée des internautes… et des employés de l’entreprise. Ceux-ci négligent de se connecter régulièrement à la plate-forme, estimant qu’elle n’est pas au point. Dans ce contexte, le métavers n’a pas rempli ses objectifs. Horizon Worlds ne compte que 200 000 utilisateurs actifs mensuels, loin des espérances de Meta. Initialement, la firme espérait passer le cap des 500 000 usagers avant 2023.
Pour redresser la barre, Mark Zuckerberg a annoncé l’arrivée d’une poignée de nouveautés. Dans un premier temps, la firme va peaufiner l’expérience proposée par Horizon Worlds. Le géant va se focaliser sur l’amélioration des performances et des graphismes. Meta s’est en effet engagé à déployer « des mises à jour majeures des graphismes d’Horizon », avec plusieurs illustrations à l’appui.
Les avatars d’Horizon Worlds devraient également évoluer. Raillé sur les réseaux sociaux, Mark Zuckerberg a promis de lancer des avatars 3D plus réalistes dans un avenir proche. Surtout, Meta prévoit d’offrir une paire de jambes aux avatars de son métavers. En clair, la firme californienne cherche à s’éloigner des visuels simplistes qui rebutent les internautes.
Dans un second temps, Meta lancera une version d’Horizon Worlds accessible par le biais d’un navigateur Web, sans avoir besoin d’un casque de réalité virtuelle. Grâce à cette version Web, Meta pourra établir des ponts entre ses réseaux sociaux, toujours très populaires, et son métavers mal aimé. Cette version devrait donc aider l’entreprise à attirer davantage d’internautes. Après avoir suscité la curiosité (modérée) des technophiles, Meta doit maintenant taper dans l’œil du grand public… et celui-ci n’a pas forcément envie d’investir dans un casque.
L’arrivée tant attendue d’Apple
Cette fois, c’est la bonne ? D’après un faisceau de fuites, Apple devrait finalement se lancer dans l’industrie de la réalité virtuelle et augmentée. La marque présenterait un casque de réalité mixte dès le mois de juin 2023. Une première présentation de l’accessoire serait prévue lors de la WWDC 2023, la conférence destinée aux développeurs, avant une commercialisation en automne. Les observateurs s’attendent à ce que l’incursion d’Apple stimule l’intégralité du marché de la réalité virtuelle.
Pour accompagner son casque hybride, le groupe de Cupertino aurait l’intention de déployer son propre métavers. Ce monde numérique serait composé d’une vaste offre d’expériences 3D, au sein desquelles les internautes pourront interagir. Apple aurait aussi développé un service de vidéo à la demande avec des programmes 3D réalisés par de grands noms du cinéma hollywoodien.
L’essor de la réalité augmentée
Sous l’impulsion d’Apple, la réalité augmentée devrait continuer à se populariser. L’entreprise américaine n’a jamais caché son appétence pour les expériences AR. Pour Tim Cook, PDG d’Apple, la réalité augmentée est d’ailleurs une avancée aussi cruciale qu’Internet :
« À l’avenir, les gens se demanderont comment nous avons pu vivre sans la réalité augmentée. Tout comme aujourd’hui, nous nous demandons comment des gens comme moi ont pu grandir sans Internet ».
C’est pourquoi le premier casque de la marque devrait être un accessoire hybride, qui combine réalité virtuelle et augmentée. Meta devrait aussi participer à la popularisation de la réalité augmentée. L’an dernier, le groupe de Mark Zuckerberg a d’ailleurs dévoilé son premier casque pour la réalité mixte, le Meta Quest Pro. Avant tout destiné aux professionnels, le casque haut de gamme est surtout conçu pour afficher des expériences AR. Meta a axé sa communication sur le travail collaboratif, avec un bureau virtuel qui apparaît superposé à la réalité.
En parallèle, l’outsider HTC continue d’enrichir son offre d’accessoires AR. L’entreprise taïwanaise a d’ailleurs levé le voile sur le VIVE XR Elite, une solution à mi-chemin entre le casque VR et la paire de lunettes AR. Commercalisé à plus de 1 000 dollars, il vient directement concurrencer le Quest Pro de Meta.
Notez que la réalité augmentée s’est imposée comme l’une des grandes tendances du CES 2023. À Las Vegas, des géants de l’industrie et de nombreuses start-ups ont fait des démonstrations liées à la réalité augmentée. Citons notamment les lunettes AR/VR de TCL, les RayNeo X2. Animées par un processeur Snapdragon XR2, elles permettent par exemple d’afficher une traduction instantanée devant les yeux du porteur. Vous l’aurez compris : presque tout le monde se met à la réalité augmentée.
Snapchat, l’application de partage de vidéos, va aussi continuer à contribuer à la popularisation des technologies AR. L’application va déployer une foule de nouvelles expériences dans le courant de l’année. En partenariat avec Orange, Snapchat a notamment prévu de développer des solutions AR ludiques en s’appuyant sur les réseaux 5G.
Pour Evan Spiegel, PDG de Snapchat, c’est plutôt la réalité augmentée qui représente l’avenir du métavers. La réalité virtuelle, qui coupe l’utilisateur du monde réel, intéresse moins l’entreprise. On notera que les expériences AR se sont aussi multipliées sur les autres réseaux sociaux, dont le désormais incontournable TikTok. Par le biais de filtres et autres effets, le grand public se familiarise progressivement avec cette technologie.
« Plus de 250 millions de personnes utilisent la réalité augmentée sur Snapchat chaque jour », explique d’ailleurs Snapchat dans un communiqué.
Il ne s’agit que d’une première étape pour la réalité augmentée. D’ici à 2025, les paires de lunettes connectées AR vont inonder le marché. Meta aurait en effet prévu de commercialiser sa première paire de lunettes AR en 2024. Pour parvenir à ses fins, l’entreprise de Menlo Park s’est tournée vers le spécialiste Ray-Ban. Il se murmure qu’Apple viendrait rivaliser avec les lunettes de Meta dès 2026 avec les Apple Glass. Même si les dernières nouvelles de ce front indiquent plutôt que le projet serait mis en pause indéfiniment, le temps que les technologies disponibles mûrissent. Quand il arrivera le projet devrait faire décoller les ventes de lunettes et d’accessoires AR… et pourrait booster l’adoption du métavers.
La concurrence des métavers blockchain
En parallèle, les mondes numériques basés sur les blockchains devraient continuer à proposer de solides alternatives à Horizon Worlds. Malgré le krach des cryptomonnaies, ces plates-formes ont une foule de nouveautés sous le coude. Début janvier, The Sandbox, le métavers made in France, a d’ailleurs annoncé une nouvelle version du Game Maker, le framework qui facilite la conception d’expériences et de jeux sur la blockchain.
Thank you for making last year’s favorite moments a reality and for being a part of this incredible community. Together, we are building a decentralized virtual world with $SAND, LAND and #NFTs owned by YOU! 💙https://t.co/m2JE4CbN2K
— The Sandbox (@TheSandboxGame) January 10, 2023
Moins connu, le métavers Somnium Space a quant à lui prévu de sortir son propre casque pour la réalité virtuelle dans le courant de l’année, le Somnium VR1. La firme permettra aux acheteurs de concevoir des accessoires compatibles avec le casque grâce à l’impression 3D.
De plus, un autre métavers blockchain va voir le jour en 2023 : xWorlds. Basé sur la blockchain de MultiversX, anciennement Elrond, ce monde virtuel promet des graphismes de haut vol et une pléthore de fonctionnalités pour les détenteurs de cryptomonnaies et de NFT.
L’invasion des marques freinée
Entre 2021 et 2022, une foule de marques se sont lancées dans les métavers sous l’impulsion de Meta. Par exemple, Samsung a ouvert un magasin virtuel dans Decentraland. Dans ce même monde, Netflix a mis sur pied un espace consacré au film The Gray Man. On se rappelle aussi de Nikeland, la boutique en réalité virtuelle de Nike, au sein de Roblox.
Ces marques ont déboursé des sommes importantes pour acheter des parcelles et y installer des locaux virtuels. Interrogé par 01net, Philippe Buyens, directeur général de l’agence immobilière Capifrance, estime que les marques n’avaient pas d’autres choix que d’investir dans des terrains dans les métavers :
« Certains acteurs, notamment ceux qui ont raté la révolution de l’e-commerce, prennent des positions, parce que ce seront des lieux de rencontre pour leurs clients ».
On s’attend à ce que la tendance se poursuive dans le courant de l’année, au fur et à mesure que des technologies comme la réalité virtuelle toucheront le grand public. La crise économique devrait néanmoins freiner en partie les ardeurs des marques. La récession qui s’annonce risque de ce fait d’entraver le boom de l’immobilier virtuel. Il ne s’agirait cependant que d’un contretemps, estime Philippe Buyens :
« La crise peut ralentir un tout petit peu la démocratisation du métavers, mais ça ne l’empêchera pas de se développer ».
L’inévitable combinaison avec l’IA
Ces derniers mois, les intelligences artificielles génératives, comme ChatGPT, Stable Diffusion ou Character.AI, ont beaucoup fait parler d’elles. Grâce à l’apprentissage automatique, ces outils sont capables de simuler une conversation, de concevoir des images en quelques secondes ou de répondre à une infinité de requêtes.
On peut s’attendre à ce que cette tendance ne tarde pas à se combiner à celle des métavers. En associant des technologies comme l’IA avec la réalité mixte, l’internaute pourrait par exemple échanger avec une simulation intelligente et réaliste en VR/AR. Ces chatbots pourront se charger de l’assistance client au sein de boutiques virtuelles.
Au vu des avancées récentes en matière de modèle de langage, il ne s’agit plus de science-fiction. C’est d’ailleurs dans cette optique que Freshworks, un éditeur de logiciels spécialisé dans les chatbots, travaille, explique son directeur Simon Ma à Tech Wire Asia :
« Dans le métavers, les utilisateurs interagiront non seulement avec d’autres utilisateurs, mais aussi avec des avatars numériques qui sont des versions 3D des chatbots. Propulsés par l’IA conversationnelle, ces avatars numériques seront en mesure de réagir et […] d’aider les clients à faire leurs achats en ligne ».
On conclura cet article par la prédiction de Michael Kagan, directeur technique de Nvidia en charge du Nvidia Omniverse, le métavers collaboratif dans le cloud :
« Si 2022 était l’année où le métavers a attiré l’attention mondiale, alors 2023 sera l’année où il deviendra une réalité pour les utilisateurs de tous types : consommateurs, employés, chercheurs, et plus encore ».
Rendez-vous à la même date, dans un an, pour voir si cet élan optimiste était fondé…