Le projet de loi visant à lutter contre les fraudes sociales et fiscales pourrait donner à France Travail davantage d’outils pour vérifier que les allocataires résident bien en France : des instruments jugés attentatoires aux libertés par l’opposition.
Les allocataires des indemnités chômage vont-ils être plus surveillés ? C’est l’objectif du projet de loi gouvernemental contre les fraudes sociales et fiscales, examiné depuis le mercredi 12 novembre au Sénat. Jeudi 13 novembre, la chambre haute s’est penchée sur un amendement controversé, un nouvel article 28, adopté en commission des affaires sociales, et repéré par l’Humanité, jeudi 13 novembre. Il permettrait à France Travail, ex Pôle emploi, de disposer « de nouveaux moyens d’enquête » pour vérifier le lieu de résidence des allocataires. Pour bénéficier d’allocations chômage, le fait de résider en France est obligatoire.
Et l’objectif de cet article serait de donner à l’administration française plusieurs outils, pour vérifier les dires de l’allocataire sur son lieu de vie. Si les contrôleurs de France Travail peuvent déjà accéder à bon nombre d’informations, l’organisme pourrait, si le texte final est voté, consulter les relevés téléphoniques du bénéficiaire. L’ex-pôle emploi aurait accès aux fichiers des compagnies aériennes, ainsi qu’au registre des français établis hors de France, pour vérifier les éventuels déplacements de l’allocataire.
À lire aussi : France Travail piraté : les données de 340 000 demandeurs d’emploi ont été compromises
Adresse IP, données de connexion…
II pourrait enfin « traiter les données de connexion des inscrits à France Travail à la seule fin de lutte contre la fraude », c’est-à-dire accéder aux données techniques comme l’adresse IP, les horaires de connexion, etc. Et en présence de « plusieurs indices sérieux de manœuvres frauduleuses », l’allocataire verrait toutes ses indemnités suspendues, à titre conservatoire.
À lire aussi : France Travail est soupçonné d’utiliser des « robots » pour « contrôler » les chômeurs
Pour l’opposition, toutes ces mesures vont trop loin. Elles sont attentatoires à la vie privée des chômeurs. Cécile Cukierman, sénatrice de la Loire (PCF), estime ainsi que « vous transformez le bénéficiaire en suspect et vous confiez à des algorithmes le soin de décider qui mérite d’être aidé ».
🧾 Le bilan d’Emmanuel Macron c’est le suivant : 8 ans pendant lesquels les plus riches s’enrichissent pendant que l’immense majorité des Français s’appauvrissent.@CecileCukierman rappelle hier à la tribune du Sénat, à l’occasion d’un texte sur la fraude, que le gouvernement… pic.twitter.com/l2IkVJTL4i
— PCF (@PCF) November 13, 2025
Un deux poids deux mesures ?
L’élue déplore aussi un deux poids, deux mesures, avec, « d’un côté, un contrôle social renforcé, accès aux fichiers, exploitation des données, suspension sur simple soupçon. (Et d)e l’autre, aucune avancée sur la fraude fiscale des grands groupes », regrette-t-elle dans l’Hémicycle du palais du Luxembourg.
À lire aussi : La Défenseure des droits s’inquiète de « l’algorithmisation des services publics »
La sénatrice déplore ainsi que le projet de loi « ne s’attaque pas sérieusement aux fléaux que représentent la fraude et l’évasion fiscale. Un fléau car ses pratiques coûtent chaque année plus de 100 milliards d’euros à la collectivité ».
À lire aussi : Comment les conseillers de France Travail utilisent-ils l’intelligence artificielle ?
La fraude sociale est estimée, quant à elle, à 13 milliards d’euros par an, selon le Haut Conseil du financement de la protection sociale. Un chiffre repris par Jean-Pierre Farandou, le ministre du Travail, qui s’exprimait chez nos confrères de France Télévisions. « Nous allons renforcer nos moyens pour mieux repérer les fraudeurs, les sanctionner et mieux recouvrer l’argent », expliquait-il.
[ Projet de loi de lutte contre les fraudes sociales et fiscales ]
La grande majorité des Français respectent les règles, mais une minorité triche.
Notre devoir, c’est de repérer la fraude et de la sanctionner. Cette loi renforcera les moyens de l’Etat. pic.twitter.com/RVy9Zu9yYy
— Jean-Pierre Farandou (@JPFarandou) November 12, 2025
Le texte doit encore faire l’objet d’un vote mardi, avant de passer par l’Assemblée nationale.
À lire aussi : Fraude aux allocations familiales : la CAF utilise bien des algorithmes qui ciblent les plus précaires, selon la Quadrature du Net
👉🏻 Suivez l’actualité tech en temps réel : ajoutez 01net à vos sources sur Google Actualités, abonnez-vous à notre canal WhatsApp ou suivez-nous en vidéo sur TikTok.