Le Coréen Samsung devient pour la première fois le numéro 1 du dépôt de brevets aux Etats-Unis. S’il détrône IBM, qui a régné pendant trente ans dans ce domaine, c’est que ce dernier a complètement changé de stratégie.
Sans rien faire de nouveau, Samsung est devenu le numéro 1 des dépôts de brevets aux Etats-Unis. Numéro 2 depuis des années, le Coréen a maintenu son rythme de croisière avec 8 513 brevets déposés. Le vrai changement vient de l’ex-numéro 1, le « roi » IBM. Une appellation loin d’être mensongère puisque cela faisait trois décennies que l’Américain trônait en haut du tableau. Avant d’afficher brutalement pour cette année 2022 une baisse de 44% du nombre de brevets déposés.
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Plutôt qu’un ralentissement, il s’agit d’un changement de stratégie d’IBM assumé en 2020 par son directeur de la recherche, Dario Gil. « Nous avons décidé d’abandonner la poursuite du plus grand nombre de brevets, mais nous restons un poids lourd de la propriété intellectuelle et continuons de disposer d’un des plus grands portefeuilles (de brevets) », déclarait-il à l’époque.
Le domaine dans lequel la baisse du nombre de brevets déposés par IBM est la plus importante est un sujet dont nous parlons beaucoup dans nos colonnes : les semi-conducteurs. Si la catégorie reste importante pour l’Américain – la 3e la plus importante puisqu’elle compte pour 8,8% de ses brevets déposés –, IBM a cependant limité les investissements dans ce domaine ces deux dernières années (elle représentait 13,4% des brevets en 2020 !). Alors qu’à la lecture du top 20 américain, le reste de la compétition investit massivement dans ce domaine.
Les semi-conducteurs à fond la recherche
Samsung, IBM, LG, TSMC, Huawei, Qualcomm : vous connaissez tous ces entreprises et elles font partie du top 10 de l’année 2022. Et si on ajoute Sony, Intel, Dell, Apple, Micron (sans compter Alphabet et autres qui font aussi des puces), le top 20 des dépôts de brevets touche de près ou de loin des semi-conducteurs. Ce qui est parfaitement logique : les plans d’investissements de plusieurs dizaines de milliards de dollars annuels de Samsung, TSMC et autres Intel nourrissent une industrie d’usines, de machines, de produits, de logiciels, etc. Une compétition qui alimente une course effrénée à la miniaturisation ou chaque amélioration compte.
Si Samsung est le numéro 1 des brevets aux Etats-Unis et une bonne partie de ceux-ci touchent bien les puces, c’est TSMC qui dépose le plus de brevets sur les « transistors du futur », les GAAFET. Sur les terres mêmes de Samsung, la Corée du Sud, le nombre de brevets déposés par le taïwanais TSMC est en pleine explosion et dépasse de loin le reste de la compétition. De quoi lui donner un avantage sur le plan technique. Ou de lui permettre d’affuter d’autres armes que la compétition purement technologique : celles du droit et des licences.
Gagner de l’argent et/ou verrouiller la compétition
Dans l’arène des titans des processeurs et autres puces, les brevets sont des armes légales puissantes. Le premier usage des brevets est évidemment de protéger les milliers d’heures de travail des ingénieurs. Le bouclier de la propriété intellectuelle stimule la recherche qui, à son tour, stimule le progrès technique.
Dans le contexte de la tech, outre les entreprises dites de « patent trolls » qui tentent de vampiriser les recettes des géants, le système des brevets prend aussi la forme de deux autres armes. Pour le Chinois Huawei, privé de vente de smartphones, il s’agit de gagner de l’argent par un système de licences – et ainsi de valoriser sa propriété intellectuelle.
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Mais les brevets peuvent aussi devenir de vraies tours de gardes chargées de ralentir ou bloquer la compétition. Apple ferait d’ailleurs les frais de ce parcours piégé dans le développement de son modem maison. Dans un domaine dominé par Qualcomm, Huawei ou Samsung, le moindre développement implique de vérifier l’existant et soit de contourner, soit de payer des licences.
Outre l’image de marque qui colle au numéro du détenteur des brevets, leur dépôt est donc tout à la fois une protection et un verrouillage de concurrence. Si la position de numéro 1 d’IBM avait un caractère plus neutre après son retrait du monde de l’électronique grand public, celle de Samsung l’est moins. Alors que le Coréen subit de toute part la concurrence des constructeurs chinois (smartphones, TV, ordinateurs, etc.), l’accumulation de brevets pourrait, à la manière d’IBM et Huawei, lui permettre de durcir le ton.
Source :
SamMobile