Ne vous fiez pas à la lecture des mégapixels : oui, l’Alpha A7R Mark V de Sony affiche toujours 60 Mpix comme son prédécesseur l’A7R Mk IV. Mais mis à part cette définition toujours record dans les boîtiers hybrides à capteur plein format 24×36, les deux générations de la gamme « R » des Alpha n’ont rien à voir. Les trois années écoulées entre le Mark IV (juillet 2019) et le Mark V ont permis aux ingénieurs de Sony d’offrir à ce dernier le nec plus ultra des équipements qu’ils avaient sous le coude.
À commencer par un capteur qui, s’il n’est pas nouveau côté définition d’image, profite de certaines améliorations côté sensibilité et AF. Il intègre ainsi 693 points de corrélation de phase à sa surface (79% de la surface couverte), contre 567 points pour le Mark IV (74%). Ensuite, les ingénieurs ont peaufiné la réponse des photodiodes (appelées improprement les pixels) dans les bases sensibilités afin de limiter la montée du bruit numérique tout du long de la montée dans les ISO (de 100 à 32.000 ISO). Passant d’un processeur Bionz X à deux processeurs Bionz XR, l’A7R Mark V profite surtout d’un saut quantique en matière de puissance de calcul. Mise au service non seulement du rendu des couleurs (amélioration des tons chairs, meilleure balance des blancs dans certaines scènes (neige notamment). Mais surtout en matière d’autofocus. Un autofocus dopé à l’IA.
« Ma force à moi, c’est l’IA »
Annoncé en exclusivité à 01net.com en 2018, le travail sur les IA de Sony dans les appareils photo commence à porter ses fruits dans ce boîtier. L’A7R Mark V a en effet vu une refonte totale de ses algorithmes d’acquisition du sujet (autofocus) et de son suivi (tracking). Selon les ingénieurs de Sony, la magnitude des améliorations apportées par ce nouveau boîtier est énorme. L’appareil ne se contente pas d’accrocher des sujets, mais elle les reconnaît et les « suit » vraiment. Alors qu’un boîtier champion de l’AF comme l’Alpha A1 explorait le travail de l’IA autour d’une simple reconnaissance de ce qu’est un visage, l’A7R Mk V va plus loin : son AF reconnaît les parties du corps (les yeux, mais aussi les coudes, genoux, etc. ainsi que les postures).
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Cette plus grande granularité permet de maintenir le point quand les sujets tournent, portent des lunettes, s’inclinent, portent un chapeau, etc. Et Sony ne s’est pas contenté d’entraîner les IA à reconnaître des humains et a poussé plus loin la reconnaissance des sujets. Chiens, chats, oiseaux, insectes, mais aussi trains, voitures et avions font partie des objets que l’appareil photo reconnaît en tout ou partie.
La rafale reste toujours à 10 images secondes (avec beaucoup d’améliorations, lire plus loin) notamment à cause du gros volume de pixels à traiter, ce qui ne le met pas sur le même pied que l’Alpha A9. Cette précision de l’AF dans un boîtier hautes définitions lui permet non seulement de tâter plus facilement du terrain sportif et nature. Mais aussi et surtout d’améliorer le quotidien des photographes qui ont besoin de la super résolution de son capteur… sans subir de lenteurs.
Améliorations tous azimuts
Son corps de boîtier, l’A7R Mark V le doit à l’A7S Mark III, avec son grip plus épais et sa cage encore plus résistante. De ce boîtier « charnière » qui a apporté tant de nouveautés, l’A7R MkV récupère aussi les nouveaux menus, plus faciles à naviguer et plus lisibles (à défaut d’être tout le temps très clairs). Ainsi que l’écran monté sur rotule et orientable et les deux emplacements cartes mémoire « hybrides » – à la fois compatible SD et CF Express Type A. En clair : en main, les A7R Mark IV et Mark V n’ont absolument rien à voir. Et ça se voit aussi dans le viseur, avec celui de l’A7S Mark III et ses 9,44 millions de points cadencés jusqu’à 120 Hz !
Là où ils n’ont plus rien à voir non plus, c’est du côté de la rafale. En mode RAW non compressé et à la cadence maximale de 10 images par seconde, le Mark IV encaissait 68 clichés en RAW compressé + Jpeg. Le Mark V boxe dans deux catégories au-dessus et digère 184 clichés dans le même mode (ou 88 RAW non compressés et le Jpeg) ou plus de 1000 images en Jpeg. Dans un niveau de rafale inférieur, mais toujours en shoot continu, la mémoire tampon plus importante et plus rapide de l’A7R Mark V lui permet de déclencher 583 fois avant de voir sa mémoire saturer. Notez que le mode de RAW compressé, initié avec l’Alpha A1 dans la version 1.3 de son firmware permet de gagner au moins 50% d’espace disque. Autant dire que ce sera un incontournable des utilisateurs de ce nouveau boîtier, ses 60 Mpix pourraient faire exploser votre NAS !
Stabilisation 8 vitesses : plus net et encore plus défini
Alors que l’A7R Mk IV disposait d’une stabilisation mécanique du capteur de 5,5 vitesses, le Mark V fait mieux et propose, lui, 8 vitesses de stabilisation. Ce qui veut dire qu’à un réglage donné, si un appareil non stabilisé vous annonce que vous serez net au 1/250e de seconde, le Mark V stabilisera l’image prise avec un temps d’exposition d’une seconde à main levée !
Il faut bien se rendre compte ici de la prouesse des ingénieurs de Sony : premier sur les hybrides (avec Samsung à l’époque), Sony avait développé sa monture E pour les capteurs APS-C des premiers NEX3 et NEX5. Quand le japonais a développé une gamme à capteurs plein format, les analystes ont jugé sa monture trop petite pour intégrer toutes les technologies, tant du point de vue électronique, qu’optique. Ce qui explique ainsi la grande taille des montures de Canon et Nikon par exemple. Seulement, en matière d’électronique, « Impossible n’est pas Sony ». Non seulement les équipes de l’entreprise ont développé des formules optiques adaptées à ce « handicap ». Mais en plus, elles ont réussi à dépasser les limites de la stabilisation en poussant jusqu’à 8 vitesses, le top du top à l’heure actuelle.
Cette stabilisation profite aussi aux images très (très !) haute définition, puisque comme pour son aïeul, l’A7R Mark V peut déplacer son capteur pour prendre 16 clichés d’une même scène (fonction « Pixel Shift »). Cela fonctionne toujours sur trépied, produit toujours des clichés de 240 Mpix (!) mais qui profite désormais de meilleurs algorithmes de correction de déplacements des pixels – utile pour les photos de paysages avec des feuillages qui bougent par exemple. Malheureusement, l’assemblage des clichés ne se fait toujours pas dans le boîtier, mais sur votre ordinateur avec le logiciel gratuit Imaging Desktop Edge. Il nous tarde de pouvoir comparer la différence d’artéfacts entre les versions Mark IV et Mark V.
La 8K s’invite dans la danse
En matière de vidéo, l’A7R Mark IV ne semble pas manchot. S’il est moins typé que l’A7S Mark III, « King de la 4K », le nouveau boîtier haute définition de Sony s’offre tout de même la vidéo 8K25p, les modes 4K30/60p, Ful HD 120p, mais aussi l’encodage interne 10 bits 4:2:2 et une sortie HDMI RAW 16 bits. À cela s’ajoute un nouveau profil de couleurs « S-Cinetone » (pour un meilleur rendu par défaut des tons chairs), ainsi qu’une stabilisation électronique de nouvelle génération. Stabilisation qui permet de se passer de gimbal sur des scènes un peu remuantes (marche).
Avec un tel capteur de 60 Mpix initialement taillé pour la photo, des limites s’imposaient. La 8K25p (et 8K24p) de même que la 4K60p imposent un petit coefficient de recadrage de x1,2. Et puis des limites qui pourraient être aussi bien techniques que marketing : pour laisser un peu d’atouts à son Alpha A1, l’entreprise laisse au fleuron l’exclusivité de la 8K30p et de la 4K120p. Mais peut-être est-ce dû à la vitesse de lecture du capteur ou au volume de données qui sortent du capteur, difficile à dire tant les ingénieurs sont avares de ce genre de détails (et on les comprend). On se console dans le fait que le mode 4K30p natif prend toute la largeur du capteur, ce qui est idéal pour profiter des ultra grand-angles. Profitant de son savoir-faire acquis avec l’A7S Mark III, Sony a intégré le même dispositif de dissipation de chaleur pour profiter pleinement de ces modes vidéo : l’appareil garanti 30 minutes de 8K25p en 10 bits 4:2:2. Et pas cinq minutes, comme certains appareils…
L’A7R Mark V ajoute aussi de nouvelles technologies, comme une compensation du focus breathing ainsi qu’une cartographie de la zone de netteté. Ce dernier point permet de voir précisément ce qui est devant ou derrière la zone de mise au point. La compensation du focus breathing évite (ou limite grandement au moins) les changements de cadre quand on change la distance de mise au point, un effet assez désagréable en vidéo.
On l’a vu, la définition d’image de 60 Mpix est finalement le seul vrai lien entre l’A7R Mark IV (2019) et cet A7R Mark V de cette fin 2022. Si l’Alpha A1 reste le roi de la vitesse et de la profondeur mémoire de rafale, et l’A7S Mark III le king des modes vidéo (notamment 4K), l’A7R Mark V est, sur le papier, un monstre photographique. Avec des améliorations majeures dans tous les domaines, allant de l’ergonomie aux modes vidéo en passant par le support mémoire, la quantité de mémoire. Et surtout, l’autofocus et la reconnaissance de sujets.
Une avalanche technologique qui explique son tarif : l’A7R Mark V sera lancé fin novembre à 4 500 euros. Un prix élevé en valeur absolue, mais qui « colle » aux tarifs de Sony. En 2019, l’A7R Mark IV avait été lancé à 4 000 euros, le nouveau boîtier n’est donc pas déconnecté de sa filiation (entretemps, l’inflation a galopé).