Souveraineté numérique: la Suisse crée son instance sur Mastodon

Souveraineté numérique: la Suisse crée son instance sur Mastodon


 

Le mastodonte, mascotte du réseau social Mastodon, par son créateur Eugen Rochko (sous licence GNU AGPL, Wikimedia Commons)

Alors que Twitter, devenu X, cahote au fil des modifications décidées par son fantasque propriétaire Elon Musk, la recherche d’autres canaux de communication continue, du côté des réseaux sociaux concurrents comme des utilisateurs. Sur Mastodon, qui est à la fois un logiciel libre et un réseau décentralisé – et non une entreprise -, on peut soit rejoindre un serveur, ou «instance», existant, soit créer le sien. C’est ce que vient de faire la Suisse, rapporte le média en ligne helvétique Watson.

« Echapper au contrôle d’une seule entreprise »

La Confédération a publié un communiqué, annonçant ce projet pilote d’une durée d’un an: «L’instance créée par la Chancellerie fédérale dans le cadre de son projet pilote sur Mastodon se nomme « social.admin.ch ». Elle est à la disposition du Conseil fédéral et des départements pour héberger des comptes officiels. Les utilisateurs disposant d’un compte auprès des autres instances du réseau peuvent suivre les comptes de social.admin.ch et en lire les contenus, conformément aux règles et aux usages de Mastodon. (…)

Certaines caractéristiques de Mastodon le rendent attrayant pour la communication gouvernementale. Son organisation décentralisée et l’absence de recours à un serveur central, permettent à la plateforme d’échapper au contrôle d’une seule entreprise ou à une censure étatique. Mastodon est respectueux de la protection des données, car ce sont les exploitants des instances qui décident du devenir des données des utilisateurs. Ils sont pour la plupart transparents à cet égard, limitant la collecte de données au minimum nécessaire à l’exploitation et excluant explicitement la vente et le commerce des données. L’instance de la Chancellerie fédérale sera elle aussi gérée dans le respect de la protection des données.»

«Le projet durera un an et sera suivi d’une évaluation qui déterminera la suite à donner à cette expérience.»

Le préposé à l’information de Chancellerie fédérale a déclaré: «Ce qui intéresse la Chancellerie fédérale, c’est de savoir dans quelle mesure cette plateforme se distingue des autres en termes de communication gouvernementale», rapporte Watson. Le site suisse indique que «outre la Chancellerie fédérale et le porte-parole du gouvernement André Simonazzi, on y trouve pour le moment les comptes du Département fédéral des affaires étrangères, du Département fédéral de l’intérieur et du Département de l’économie, de la formation et de la recherche».

Maîtriser sa communication

L’État helvétique n’abandonne pas pour autant sa présence sur d’autres réseaux sociaux, mais dans le cas de Mastodon, il y a un clair enjeu, relève Watson: «C’est bien la souveraineté numérique qui est en jeu ici. C’est en tout cas l’avis de Florian Siegenthaler. Administrateur au sein de l’association FairSocialNet, qui gère notamment une importante instance suisse « tooting.ch »: « J’y vois un très grand avantage dans le sens où ils maîtrisent leur communication ».

Le Vaudois se souvient d’un épisode en 2020 où l’Office fédéral de la communication (OFCOM) avait vu ses quatre comptes Twitter fermés du jour au lendemain sans aucune explication.»

Il rappelle que chaque instance définit ses propres règles – l’État suisse ne risque donc pas de se voir bloqué suite à la énième lubie d’un milliardaire par exemple, comme on l’a vu un temps sur Twitter pour des journalistes déplaisant à Sa Majesté. Watson rappelle que «la Suisse n’est pas le premier Etat à s’essayer aux « toots » (l’équivalent des tweets) de Mastodon. L’Allemagne a sauté le pas en 2022 déjà, en créant elle aussi sa propre instance, « social.bund.de« , qui héberge une centaine de comptes à l’heure actuelle.

L’Union européenne s’est lancée à peu près à la même époque avec l’instance « social.network.europa.eu ». On y trouve une vingtaine de représentants des institutions européennes telles que la Commission européenne, avec 90.000 abonnés, ou encore l’Agence de l’Union européenne pour le programme spatial (EUSPA)» (3.100 abonnés).

Un réseau encore à moins du centième d’utilisateurs de Twitter

Mastodon restant encore minuscule (2,1 millions d’utilisateurs actifs en juillet selon son créateur Eugen Rochko) par rapport à X (255 millions actifs en novembre 2022 selon Elon Musk), les comptes mentionnés ici ne sont pas de la même taille: sur X, 18.600 abonnés pour l’EUSPA et surtout 1,8 million de followers pour la Commission européenne (compte principal, en anglais).

En mai 2022, le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD, ou EDPS en anglais) avait annoncé le lancement pour les institutions européennes d’une instance, EU Voice, sur Mastodon, ainsi que son installation (EU Video) sur PeerTube, alternative libre à YouTube. Avec des arguments similaires à ceux qu’emploie maintenant la Suisse:

«Avec le lancement pilote de EU Voice et EU Video, nous visons à proposer des plateformes de réseaux sociaux alternatives qui donnent la priorité aux individus et à leurs droits à la vie privée et à la protection des données. Concrètement, cela signifie, par exemple, que EU Voice et EU Video ne reposent pas sur des transferts de données personnelles vers des pays hors de l’Union européenne et de l’Espace économique européen; il n’y a pas de publicités sur les plateformes; et il n’y a pas de profilage des personnes susceptibles d’utiliser les plateformes. Ces mesures, entre autres, donnent aux individus le choix et le contrôle sur la manière dont leurs données personnelles sont utilisées.»

« Libre, hors du système des GAFAM »

En novembre 2022, le ministère de l’Education nationale s’est doté à son tour de sa propre instance pour les enseignants: mastodon.mim-libre indique maintenant 246 comptes actifs.

Autre exemple de service public sur le réseau social, la ville iséroise d’Echirolles a annoncé en février son arrivée sur Mastodon: «C’est un réseau social en accord avec la stratégie numérique d’Échirolles: libre, hors du système des GAFAM, et qui ne met donc pas en danger les données personnelles des agent·es et des utilisateurs·trices. Se positionner sur un serveur hébergé en France est également une garantie de respect des lois et règlements nationaux et européens (CNIL, RGPD, etc.).

C’est aussi participer à un réseau sans but lucratif, et donc sans publicité.»
«Le SITPI (Syndicat Intercommunal pour la télématique et les prestations informatiques), dont Échirolles est membre avec Le Pont-de-Claix et Fontaine, a créée un serveur uniquement en France: colter.social, réservé uniquement aux agent·e·s, services et élu·e·s des collectivités territoriales françaises qui souhaiteraient se créer un compte sur Mastodon.»

Le directeur de la stratégie et de la culture numérique d’Echirolles, Nicolas Vivant, a consacré plusieurs articles (dont celui-ci sur le Framablog) à la politique de dégooglisation de sa collectivité.

Lire aussi

Libre et open source express: l’Education nationale sur Mastodon, Smile et l’Europe, Red Hat, Nonfiction – 1er novembre 2022

Les institutions européennes arrivent sur Mastodon et PeerTube, alternatives à Twitter et YouTube – 8 mai 2022

Mastodon : le réseau social qui pourrait supplanter Twitter – 5 avril 2017



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