Si Daft Punk était la tentative de musiciens de se faire passer pour des robots, Suno serait l’inverse : une intelligence artificielle (IA) qui crée des morceaux ressemblant à ceux d’un musicien, comme Midjourney génère des images ou ChatGPT du texte.
Si ce n’est pas la première tentative du genre, il faut convenir que les titres composés par Suno ressemblent enfin à de vraies chansons : ils durent plus d’une minute, présentent souvent des couplets et un refrain, et leurs paroles riment. Ce n’est pas grand-chose et pourtant ces qualités, encore rares dans le monde des IA musicales grand public, valent à Suno un début de notoriété, qui pourrait encore gonfler avec la sortie jeudi 21 mars de la troisième version de ce service disponible en ligne, huit mois après son lancement initial.
Selon nos tests, cette nouvelle version du robot auteur-compositeur-interprète progresse sensiblement sur le plan de la qualité audio, désormais supérieure à la très basse résolution à laquelle les IA concurrentes nous ont habitués, et les compositions musicales de Suno commencent même à être écoutables. Pour l’évaluer, nous lui avons demandé de générer 250 chansons sur la base des consignes que nous lui adressions en quelques mots, en français ou en anglais.
Parmi ces titres, une vingtaine nous ont frappés, et un peu inquiétés aussi, par leurs qualités musicales. La bossa-nova, style musical brésilien, n’est pas connue pour être un genre simple à interpréter à la guitare, mais Suno montre une certaine maîtrise à cet exercice. L’IA parvient aussi à créer des titres de hip-hop au flow très crédible.
Comme on pouvait s’y attendre, le petit robot musical né à Boston fait montre d’un remarquable sens du rythme, capable de faire osciller la tête de plus d’un musicien. Il maîtrise des genres musicaux qui se refusent aux batteurs débutants et sont délicats à programmer sur ordinateur comme le funk ou le reggae. Ses pulsations sont fiables : Suno trébuche rarement.
Sa capacité à composer des mélodies convainc elle aussi. Quant à son sens harmonique, l’art qui consiste à trouver des accords s’enchaînant bien et s’équilibrant avec la mélodie, il est particulièrement robuste. Rythmes, mélodies, harmonie : les aptitudes de ce robot compositeur ne sont pas si éloignées de certains morceaux (pas les meilleurs certes) qu’on peut parfois entendre à la radio.
Comment Suno peut-il réussir pareil exploit ? L’entreprise garde le silence quant au fonctionnement de son programme, refusant de répondre aux questions du Monde. Peut-on imaginer que l’IA soit épaulée par des compositeurs humains, préparant des partitions que Suno n’a plus qu’à interpréter ? Rien en tout cas dans nos tests ne l’indique : l’IA ne paraît pas se répéter, même lorsqu’on lui demande de générer dix titres différents partageant exactement la même consigne.
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