En avril 2019, en avant-première mondiale, la presse américaine testait le Z Fold, le tout premier smartphone de Samsung dépliable en tablette. Dès les premiers jours, deux exemplaires cassaient entre les mains des journalistes. La commercialisation du smartphone avait alors été repoussée de quelques mois, faisant planer le doute sur la robustesse de ce mobile à l’écran souple d’un genre nouveau, doté d’une charnière composée de dizaines de petites pièces.
Trois ans plus tard, le doute plane toujours avec la troisième génération de ce smartphone. Le Z Fold 3 peut-il vraiment résister à 200 000 pliures, comme l’affirme le fabricant sud-coréen, dont les tests robotisés ressemblent peu aux épreuves du quotidien ? Nous avons souhaité le vérifier dans la vie réelle, avec la coopération de Samsung, qui nous a prêté un échantillon sur le temps long.
Un grand craquement
Malheureusement, le temps a donné raison à notre scepticisme : un matin du septième mois, en dépliant le mobile, nous avons entendu un grand craquement : l’écran s’était décollé sur toute sa hauteur, en plein milieu, tout le long de la charnière. Le lendemain, il s’était recollé tout seul, mais laissait au beau milieu de l’affichage une bulle et, sur un bord, une longue trace disgracieuse. Deux imperfections qui nuisent assez peu à la lisibilité des textes et images mais gâchent beaucoup le plaisir qu’on prend à manipuler cet immense écran. D’autant que ces dommages pourraient s’aggraver avec le temps.
Nous avons peut-être une part de responsabilité dans cet incident. Durant ces sept mois de vie commune, notre Z Fold 3 a subi plusieurs chutes de 30 à 40 centimètres, causées par notre maladresse – bien aidée, il est vrai, par la haute taille du mobile, qui le fait dépasser des poches et glisser lorsque l’on s’assoit. Si le pourtour de notre Z Fold présentait de très légères marques de choc, son écran semblait toutefois jusqu’ici en parfait état : sa charnière se dépliait parfaitement, sa surface ne souffrait d’aucune marque.
Après avoir récupéré notre exemplaire de test, Samsung a répondu que le problème venait du « film de protection qui vise à protéger l’écran des rayures, comme sur un téléphone traditionnel ». Ajoutant : « S’il est possible d’en poser un nouveau soi-même, nous invitons les utilisateurs à faire appel à un centre agréé Samsung pour le faire. »
La manœuvre est anxiogène : retirer la couche de protection du tout premier Fold était ainsi fortement déconseillé sous peine de détériorer son écran. En outre, dans le manuel de l’utilisateur du Z Fold 3, Samsung précise qu’il ne faut pas appuyer « sur l’écran ou sur l’appareil photo sous-écran avec un objet dur ou pointu, comme un stylo ou votre ongle », ce qui paraît pourtant naturel lorsqu’on cherche à retirer un film de protection d’écran.
Nous avons souhaité vérifier par nous-mêmes que ce film de protection était facile à enlever puis, après l’avoir retiré, examiner l’écran qu’il recouvrait afin de vérifier que celui-ci était toujours en bon état. Samsung a cependant refusé de nous renvoyer notre Fold de prêt.
Cette mésaventure ne semble en tout cas pas être un cas isolé. Le site de la communauté Samsung compte une petite quarantaine de signalements de problèmes d’écran souples : cassures, fentes, bulles, décollements… Des soucis touchant toutes les générations de mobiles pliables sud-coréens, qu’il s’agisse du Fold, qui se déplie comme une tablette, ou de son petit frère se repliant comme un poudrier, le Flip.
Samsung n’ayant pas souhaité communiquer ses taux de retour en atelier, il est difficile de déterminer précisément quelle part des acquéreurs de Flip et de Fold sont aujourd’hui touchés. Trois ans après la sortie du premier modèle de ces smartphones pourtant si prometteurs – que nous avions salué pour ses aptitudes exceptionnelles au travail et aux loisirs –, le fabricant sud-coréen semble cependant continuer à se débattre avec des problèmes de fiabilité sans parvenir à les résoudre complètement. Intégrer un écran souple à un smartphone rajoute bien un point de fragilité à ceux dont souffre déjà n’importe quel smartphone.
Défi d’ingénierie
Il faut dire que le défi scientifique est réel, comme l’explique en détail le fabricant d’adhésifs 3M sur son site Internet. Dans une vidéo présentant ses solutions destinées à éviter justement l’apparition « de bulles, de cassures » et « de décollages de couches » sur les écrans souples Oled, on y apprend que les écrans sont composés de sept couches superposées, sans compter le verre ultrafin qui équipe les mobiles Samsung. Chacune doit être résistante, mais pas seulement. Car lorsque l’on plie un écran souple, les couches du dessous se replient plus rapidement que celles du dessus. Si toutes ces couches étaient rigides comme du papier, leurs trajectoires divergentes empêcheraient l’écran de ployer. Un certain niveau de souplesse est donc nécessaire.
Selon 3M, concevoir des matériaux qui ont le bon équilibre entre rigidité et souplesse est une chose, mais le vrai défi est de faire en sorte qu’ils conservent ces qualités lorsqu’il fait très froid, très chaud ou, pis encore, quand les températures varient brutalement. Autre difficulté : assurer une parfaite adhérence lorsque l’on déplie le mobile pour la première fois après plusieurs jours.
A moyen ou long terme, ces défis scientifiques seront peut-être relevés. En attendant, Samsung semble avoir durci sa politique de service après-vente. Si les acquéreurs du premier Z Fold pouvaient remplacer son écran une fois sans donner la moindre justification, les possesseurs de la troisième génération n’ont pas cette chance : dans certains cas, ce remplacement se révèle payant et des témoignages récurrents pointent les réticences du SAV à prendre en charge gratuitement la réparation de l’écran du Fold ou du Flip lorsqu’ils ont subi un choc. Sur le site de Samsung, plusieurs clients affichent ainsi leur mécontentement de se voir présenter une facture de 600 euros, quelques mois seulement après avoir en avoir déboursé 1 800 pour s’offrir ce mobile haut de gamme.