Sur Twitch, les créateurs et créatrices subissent le cyberharcèlement sans toujours être aidés par la plate-forme de streaming

Sur Twitch, les créateurs et créatrices subissent le cyberharcèlement sans toujours être aidés par la plate-forme de streaming


Un an de prison ferme, dont six mois avec sursis, assorti d’une interdiction d’approcher la victime pendant trois ans. C’est la peine, la première du genre, qui a été prononcée, mercredi 18 mai, par le tribunal correctionnel de Meaux contre un homme accusé d’avoir harcelé la vidéaste française Maghla, streameuse populaire sur la plate-forme de vidéo Twitch. L’homme de 27 ans, qui se considérait « en couple avec elle », lui envoyait « plus de dix messages par jour ».

« Rien qu’aujourd’hui [j’étais en live pendant] deux heures, on a dû bannir une dizaine de gars », témoignait il y a quelques mois Maghla lors de l’émission PopCorn, diffusée sur Twitch. Remarques déplacées ou menaces physiques font souvent partie du quotidien des femmes sur la plate-forme vidéo d’Amazon.

Chloé Boels, présidente de l’association Stream’Her, qui vient en aide à plus de 850 streameuses en leur apportant soutien et conseils, revient sur la responsabilité de la plate-forme dans le harcèlement dont elles sont victimes.

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Etes-vous satisfaite de cette décision de justice ?

C’est une très bonne nouvelle au vu du nombre d’histoires qu’on entend chaque semaine. Enfin, une condamnation en justice ! La plupart du temps, la streameuse va porter plainte, mais celle-ci n’aboutit pas. C’est un véritable parcours du combattant. Aujourd’hui, c’est un vrai message d’espoir qui est envoyé. C’est un exemple concret pour montrer que, si on harcèle, on risque une peine, et que les comportements sur Twitch peuvent avoir des conséquences réelles. Certains protestent, au nom de « la liberté d’expression sur Internet », mais ce n’est pas entendable. Malheureusement, un cas aussi lourd que celui de Maghla, avec des menaces de mort et des remarques sur le physique, n’est pas isolé. Sur Twitch, le public développe des liens proches avec le streamer, et certaines personnes pensent que tout est possible.

Est-ce que Twitch fait le maximum pour limiter ces comportements ?

Très clairement, non. La modération n’est pas au point. Les « automods » [modération automatique filtrant des mots interdits] ne sont pas efficaces en français. Par exemple, si quelqu’un dans mon tchat dit : « désolé pour le retard », son message va être supprimé, car retard signifie « attardé » en anglais et est considéré comme une insulte. Mais elle [la modération] est surtout facilement contournable. En changeant quelques lettres, les mots interdits passent à travers le filtre. Twitch a récemment instauré un système qui permet aux modérateurs de repérer sur leur tchat des personnes déjà jugées problématiques sur d’autres chaînes. Mais leurs messages ne sont pas supprimés automatiquement. C’est un peu utopique, mais il faudrait par exemple plus de modérateurs humains, payés pour leur travail.

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Le bannissement des comptes n’est pas au point non plus. Les utilisateurs se font bannir d’une chaîne en particulier, mais pas de Twitch en général. Ils pourront donc aller harceler autre part. Et il est très facile de recréer des comptes. Il faudrait que Twitch bannisse l’adresse IP [adresse propre à chaque connexion, liée à un téléphone ou une box Internet] pour que les personnes ne puissent plus recréer de comptes. Mais c’est un sujet complexe. Si la modération est trop stricte, Twitch perdra des utilisateurs et donc de l’argent. Aujourd’hui, pour nous, c’est dur à accepter, mais il y a aussi des possibilités de compromis. Déjà, on aimerait avoir un référent direct chez Twitch, vers qui se tourner en cas de harcèlement, par exemple.

On le voit aujourd’hui avec le cas de Maghla, le harcèlement des femmes sur Internet est un phénomène bien plus global.

C’est assez triste, car nous avons des femmes qui nous disent : « J’aimerais bien me lancer sur Twitch, mais j’ai peur [du harcèlement]. » Beaucoup pensent que c’est inévitable, c’est très pesant. Et on le voit, Twitch n’est qu’une porte d’entrée au cyberharcèlement. La personne va nous trouver sur Twitch et va ensuite nous suivre sur Instagram, Twitter, par e-mail et même parfois avec des lettres dans la vraie vie. Sur Internet, avec un pseudonyme, les gens ne se rendent pas compte de l’impact de leurs actes et paroles. C’est de la déresponsabilisation, il faut prendre le problème à la racine et éduquer. De plus, quand on a de la notoriété, on a des responsabilités. C’est aussi le rôle des streamers de gérer leurs communautés. Quand ils laissent passer des propos et des blagues limites sous prétexte que c’est de l’humour, ils encouragent les comportements toxiques. Leurs spectateurs vont internaliser que c’est une attitude normale et la reproduire.



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