Il y a ce qu’Elon Musk affirme publiquement (« Je soutiens l’aile gauche du Parti républicain et l’aile droite du Parti démocrate », déclarait-il, en août). Et puis il y a ce qu’il fait : sur son propre réseau social, Twitter, l’homme d’affaires a multiplié, ces derniers mois, les échanges affables avec des personnalités à l’extrême droite du spectre politique américain, tout en réservant ses plus acerbes critiques au Parti démocrate et aux médias.
Certes, le quadruple PDG – il possède aussi Tesla, SpaceX et Starlink – passe énormément de temps sur le réseau social à répondre aux internautes, parfois lambda. On l’a ainsi vu répondre à un message incompréhensible d’un compte japonais, ou discuter des temps de chargement de la plate-forme avec un utilisateur indien n’ayant que seize abonnés.
Mais l’analyse réalisée par Le Monde de plusieurs centaines de « replies » (les messages adressés à un autre utilisateur sur Twitter) publiés par Elon Musk depuis qu’il a pris le contrôle de la plate-forme, montre tout autre chose : avec environ cinq cents échanges en un mois, ces interactions dessinent le profil d’un patron qui vit, à sa manière, dans une « bulle de filtre » d’opinions convergentes et très largement orientée à droite.
Amical avec les conspirationnistes, sarcastique avec les élus de gauche
Depuis la fin du mois d’octobre, M. Musk a ainsi échangé, à près de vingt reprises, avec Ian Miles Cheong, figure de l’alt-right américaine, et une dizaine de fois avec l’activiste conservateur Tom Fitton, de l’organisation Judicial Watch, ou avec le compte anonyme ultraconservateur Catturd (littéralement « caca de chat »). M. Musk a également discuté avec plusieurs comptes ancrés dans le « gamergate », un mouvement ultraconservateur né sur des sites spécialisés consacrés au jeu vidéo.
Plusieurs figures ouvertement conspirationnistes ont aussi bénéficié d’une réponse personnalisée. Le nouveau patron de Twitter a ainsi échangé, à plusieurs reprises ces derniers jours, avec Kim Dotcom, l’ancien PDG du service de téléchargement Megaupload reconverti dans la diffusion de théories du complot sur le Covid-19 ainsi que les élections, et sous le coup d’un mandat d’extradition vers les Etats-Unis. Dinesh D’Souza, figure centrale de la théorie du complot affirmant que l’élection présidentielle a été truquée, a également reçu son approbation après avoir affirmé que Twitter censurait les conservateurs.
En parallèle, le multimilliardaire a rétabli les comptes de plusieurs personnalités et organisations américaines très à droite, comme l’ultraradicale députée Marjorie Taylor Greene et le média d’extrême droite Project Veritas, estimant qu’elles avaient été injustement censurées. Il a également annoncé, le 25 novembre, après un sondage dont il a l’habitude d’agrémenter certains de ses tweets, que la plate-forme allait réactiver l’ensemble des comptes « légaux » supprimés sous les précédentes directions. Le patron de Twitter a fixé une seule limite : Alex Jones. L’animateur de l’émission « Infowars », récemment condamné à des dommages et intérêts records pour avoir nié l’existence du massacre de l’école Sandy Hook, ne reviendra jamais sur Twitter, affirme M. Musk.
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