TikTok voulait échapper au règlement sur les marchés numériques (Digital Markets Act, DMA), cette nouvelle législation européenne qui vise à endiguer les abus de position dominante des géants de la tech. Mais le Tribunal de l’Union européenne (UE) a rejeté sa demande, mercredi 17 juillet.
En septembre, la Commission européenne avait désigné 22 plates-formes numériques devant se soumettre au DMA. Elles sont ce qu’elle appelle des « contrôleurs d’accès » (ou « gatekeepers ») car jugées incontournables pour leurs utilisateurs. Sont concernés, selon les critères de la Commission, les groupes actifs dans au moins trois pays européens, dépassant 75 milliards d’euros de capitalisation boursière ou 7,5 milliards de ventes en Europe, et enregistrant au moins 45 millions d’utilisateurs finaux actifs et 10 000 entreprises utilisatrices en Europe.
Parmi ces « contrôleurs d’accès », on trouve par exemple Facebook, Instagram, WhatsApp, Android, Windows, le moteur de recherche de Google, ou encore… TikTok. Cette dernière avait déposé en novembre un recours, estimant qu’elle ne correspondait pas à la définition de « contrôleur d’accès ». ByteDance, sa maison mère, arguait que TikTok était un acteur émergent, de nature à contester les positions dominantes des géants américains.
Son objectif : échapper aux nouvelles règles, plus strictes, imposées par le DMA. Le statut de « contrôleur d’accès » oblige notamment à rendre une application de messagerie interopérable avec celles des concurrents, à laisser les utilisateurs décider des applications à préinstaller sur leurs appareils et à ne pas favoriser ses propres services par rapport à ceux de ses rivaux. Les entreprises en infraction s’exposent à des amendes pouvant atteindre 10 % de leur chiffre d’affaires mondial, ou 20 % en cas de récidive, voire à des mesures de démantèlement dans les cas les plus graves.
« Nous sommes déçus par cette décision »
Mais le Tribunal de l’UE a constaté que « la Commission européenne pouvait considérer à juste titre que Bytedance était un contrôleur d’accès », et a relevé qu’« il n’était pas contesté que Bytedance atteignait les seuils quantitatifs prévus dans le DMA ».
« Nous sommes déçus par cette décision, a réagi un porte-parole du groupe. TikTok est un challenger qui concurrence fortement les acteurs en place. » ByteDance avertit que le DMA risque finalement de protéger les monopoles qu’il entend contester. « Nous allons maintenant évaluer les prochaines étapes », a ajouté le porte-parole, en rappelant que la plate-forme de partage de vidéos avait « déjà pris des mesures pour se conformer aux obligations » introduites depuis mars par le nouveau règlement. L’entreprise a encore la possibilité de former un pourvoi, dans un délai de deux mois et dix jours, contre cette décision de première instance.
Bytedance n’est pas le seul groupe à avoir contesté le DMA. Apple et Meta, lequel détient Facebook, Instagram et WhatsApp, ont également déposé des recours pour que certains de leurs services y échappent. La justice de l’UE doit encore se prononcer à leur sujet.
En vertu du DMA, l’exécutif européen a déjà mis en cause Apple et Meta, ouvrant la voie à de lourdes sanctions à leur encontre s’ils ne modifient pas leurs pratiques. Le 1er juillet, la Commission a, par exemple, jugé non conforme le système d’abonnement payant mis en place par Facebook et Instagram pour échapper à l’obligation d’obtenir le consentement des utilisateurs avant d’exploiter leurs données pour du profilage publicitaire. Auparavant, le 24 juin, Bruxelles avait épinglé Apple pour sa boutique d’applications App Store, accusée de compliquer l’accès des consommateurs vers des canaux de distribution alternatifs.