tout comprendre à l’application au succès surprise, qui inquiète jusqu’au ministère de l’intérieur

tout comprendre à l’application au succès surprise, qui inquiète jusqu’au ministère de l’intérieur


Personne, ou presque, n’avait entendu parler de Ten Ten il y a encore un mois. Mais depuis la fin du mois de mai, l’application française connaît un succès soudain – et une large médiatisation. Cette sorte de talkie-walkie sur smartphone a gagné plusieurs millions d’utilisateurs en quelques jours, dont de nombreux adolescents. Un succès éclair qui a surpris autant qu’inquiété, et ce jusqu’au sein du gouvernement : mercredi 5 juin, les fondateurs de l’application ont été reçus au cabinet du secrétariat d’Etat au numérique, pour présenter leur démarche et répondre aux inquiétudes.

A quoi sert l’application Ten Ten ?

Ten Ten permet d’envoyer à ses contacts des messages vocaux en direct. Il suffit d’appuyer sur la photo de profil d’un contact, de maintenir son doigt appuyé, et de parler : l’interlocuteur entend la voix en temps réel et peut y répondre tout aussi spontanément. L’utilisateur n’a pas besoin d’être actif sur l’application ni même d’avoir déverrouillé son téléphone pour que, soudainement, la voix d’un ami surgisse du haut-parleur de son smartphone.

« Chante, crie ou chuchote… tes amis t’entendront en temps réel, même quand le tel est verrouillé ! », peut-on lire dans le descriptif de Ten Ten sur l’App Store, qui compare l’application à un talkie-walkie. Il est toutefois possible de mettre des contacts en sourdine, voire de « couper tout le monde », pour éviter l’irruption intempestive de vocaux en salle de classe ou en réunion.

Comment expliquer ce succès soudain ?

Lancée il y a plus d’un an, Ten Ten décolle depuis fin mai, au point d’avoir subi des problèmes techniques en raison du nombre important de connexions. L’application gratuite comptabilise désormais, selon les chiffres communiqués par l’entreprise au Monde, six millions d’utilisateurs actifs par mois. Elle est depuis quelques jours la plus téléchargée sur iOS et Android en France.

Le succès de certaines vidéos TikTok consacrées à Ten Ten pourrait en partie expliquer ce succès. Vers le 20 mai, des vidéos ont commencé à circuler, filmées par de jeunes utilisateurs. Certains se mettent en scène dans des situations burlesques (sursautant à cause de vocaux reçus en pleine nuit), d’autres mettent en garde contre les problèmes que pourrait poser l’irruption de ces messages, par exemple en cours. Certaines de ces vidéos ont engrangé des centaines de milliers voire des millions de vues, et contribué à faire connaître l’application.

« Nous ne nous attendions pas à un tel succès », confie par e-mail Jule Comar, le PDG de Ten Ten. Il vante, avec son application, « une solution sans friction : sans appel, sans sonnerie de téléphone… Cela rappelle les moyens de communication de la vraie vie. C’est précisément ce qui plaît aux utilisateurs, en quête de communications plus spontanées. » Pour lui, « la facilité d’usage et la simplicité de l’interface jouent un rôle déterminant dans cette réussite, surtout auprès des plus jeunes, qui attendent des applications qui vont à l’essentiel ».

Ce n’est pas la première fois qu’une application connaît un succès aussi rapide auprès des jeunes. Des services comme Yubo, Gossip et tant d’autres avaient eux aussi connu une popularité soudaine… Avant de sombrer dans l’oubli. Et avaient, également, généré leur lot d’inquiétudes.

Pourquoi l’application suscite-t-elle des inquiétudes ?

Depuis l’explosion du nombre de téléchargements, plusieurs médias ont partagé des craintes, relatives notamment aux données récoltées par l’application et aux perturbations que Ten Ten a pu engendrer dans des classes. Mais un long message publié sur X mardi par Camille Chaize, porte-parole du ministère de l’intérieur, a montré que le sujet préoccupait jusque dans les rangs du gouvernement. « Derrière le fun, se cachent de sérieux dangers pour la vie privée et la sécurité en ligne », a-t-elle écrit, avant de détailler ses griefs.

Le Monde

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La porte-parole s’inquiète des données collectées par l’application, estime que le système de vocaux en direct « augmente le risque de harcèlement en ligne et d’intrusion dans la vie privée », et craint que des adolescents ne discutent sur l’application avec des inconnus. « L’utilisation de Ten Ten doit être faite avec une grande prudence », prévient Camille Chaize, qui conseille aux enfants « de désactiver les notifications la nuit et dans les endroits calmes comme l’école », ainsi que « de limiter les contacts ».

Quelles sont les données collectées par Ten Ten ?

Concernant la récolte des données personnelles, Jule Comar explique que « l’application ne récupère pas plus de données qu’une autre application et encore moins les données de localisation. Comme la plupart des applications, les seules données collectées sont des données d’usage, dans un but d’amélioration en continu de l’application. » Sur la page dévolue à ce sujet, en cours d’amélioration, Ten Ten détaille les informations qui sont recueillies, parmi lesquelles le nom d’utilisateur, le numéro de téléphone, l’adresse IP ou les caractéristiques techniques de l’appareil. Une récolte plutôt « standard » pour une application. L’entreprise précise néanmoins que ses serveurs, où sont stockées les données, sont situés aux Etats-Unis.

« Nous ne vendrons jamais vos données ! », clame néanmoins Ten Ten, en gras. La société promet que « toutes vos conversations sont éphémères, nous ne pouvons pas les écouter, puisque nous ne les stockons même pas ! ». Une garantie pour la vie privée mais qui empêche, par nature, toute forme de modération – à l’instar des conversations téléphoniques classiques, qui ne sont pas modérées.

Que répond Ten Ten aux autres critiques ?

L’application suscite d’autres inquiétudes que la collecte de données. Comme le risque de harcèlement, soulevé par la porte-parole du ministère de l’intérieur. Ten Ten a-t-elle mis en place des mesures ? « Nous avons pleinement conscience de la responsabilité qui nous incombe, répond Jule Comar. Nous travaillons main dans la main avec l’Etat pour assurer à tous nos utilisateurs une confidentialité totale de leurs données et protéger les mineurs qui utilisent l’application. »

Autre risque évoqué : la possibilité d’échanger avec des inconnus. Certes, Ten Ten insiste fortement, dans ses différents supports de communication, sur l’idée qu’il s’agit d’une application pour amis proches. « Ten Ten, c’est pour les amis – les vrais », peut-on lire sur l’App Store américain : « Ce sont les seules personnes avec lesquelles on peut vraiment être soi-même. » Certes, mais sur TikTok par exemple, d’innombrables utilisateurs de Ten Ten partagent publiquement leur « PIN » (leur identifiant), ce qui permet à n’importe qui de les ajouter en « ami ». Impossible toutefois pour un inconnu d’envoyer un message vocal à un autre utilisateur tant que celui-ci ne l’a pas accepté comme contact. Et Jule Comar ajoute qu’« il n’y a pas de suggestion d’ajout comme on peut le voir sur d’autres réseaux sociaux ».

Quant à l’aspect intrusif de l’application, qui viendrait perturber les salles de classe et le sommeil des ados, le PDG insiste sur le fait que « chaque utilisateur garde la maîtrise avec la possibilité à tout moment de couper les notifications en temps réel, en deux clics directement dans l’application ».

Comment est née Ten Ten ?

Ten Ten a été fondée par deux Français, Jule Colmar et Antoine Baché, respectivement PDG et directeur technique. « Dans mon groupe d’amis proches, on parle tous les jours sur plusieurs supports, mais j’avais l’impression qu’ils avaient tous une sorte de friction par rapport aux échanges qu’on avait en vrai, raconte Jule Colmar. Je voulais qu’on puisse communiquer comme si on était toujours sous le même toit, comme des colocataires : on se parle quand on est dans la cuisine ou dans le salon, et si les colocs sont dans leur chambre, on frappe quand la porte est fermée et on attend la réponse. »

Ainsi est née Ten Ten, dont le nom est « un clin d’œil au système de communication radio à courte distance Citizen Band ». Le code 10-10 y signifie « transmission terminée, en attente ». L’entreprise a été enregistrée en France en 2021, et son équipe se compose aujourd’hui de six personnes situées à Paris, Bordeaux et Lyon.

Pour le moment, bien que Ten Ten engrange des utilisateurs, elle ne dispose pas de modèle économique lui permettant de dégager des revenus. L’équipe réfléchit désormais à plusieurs pistes pour faire évoluer son application, comme la création, par exemple, de « cercles restreints d’amis proches ou de membres de la famille », confie Jule Comar, fonctionnalité qui pourrait permettre d’envoyer des vocaux à plusieurs personnes à la fois.

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