Twitter comme témoin de la transformation qui se produit dans la Silicon Valley, et avec elle des plateformes numériques mondiales. Ce second billet fait le point sur les premiers changements apportés par son très médiatique nouveau patron, Elon Musk.
Dans le premier billet, il y a deux mois, GreenSI faisait le constat que le Twitter que l’on a connu depuis son lancement en 2005, est bien mort.
Twitter n’a pas trouvé son équilibre quand tous les réseaux sociaux se finançaient par de la publicité ultra-ciblée et l’exploitation des données personnelles. Trop tard !
Ce modèle économique est aujourd’hui challengé de toutes parts. Les réductions de postes dans la Silicon Valley, anticipant une crise mondiale et une rupture des modèles avec l’IA, font écho aux réductions drastiques de personnel chez Twitter (la moitié du personnel).
Et pourtant, deux mois après la prise en mains « musclée » d’Elon Musk, la plateforme tourne toujours et évolue, quand beaucoup lui prédisait une fin rapide. GreenSI croit donc toujours à la capacité de Twitter à rebondir et à évoluer, avec les futurs modèles de la Silicon Valley qui se profilent.
L’un de ces modèles est l’abonnement, qui repose sur le fait de donner des privilèges à une partie des utilisateurs, en échange d’un abonnement mensuel. Un premier test a été fait pour proposer d’avoir un « compte certifié » (Twitter Blue) avec signe de reconnaissance sur le profil. Il n’en avait que le nom de « certifié », vu que tout le monde pouvait l’acheter. De ce fait, c’est un abonnement plus proche du « Prime » d’Amazon, pour être un utilisateur remarquable, que de l’ancien compte certifié, réservé aux personnes célèbres, officielles ou aux journalistes. La confusion est toujours là dans certains esprits, mais Twitter a bien tourné la page.
Comme on s’en doutait, ce n’était qu’une première étape, car Elon Musk vient d’annoncer cette semaine, un prochain abonnement qui permettra de ne plus avoir de publicité. Le prix devrait être plus cher.
On retrouve ici le modèle de Netflix qui a lancé le streaming dans le monde de la télévision américaine, noyé par la publicité (il peut y avoir une coupure de publicité toutes les cinq minutes !). Il est intéressant de noter que Netflix va aussi faire évoluer son modèle, mais à l’envers, en réduisant le prix si on veut de la publicité.
Donc Twitter, comme Netflix, veulent équilibrer leurs revenus, entre des abonnements payants, et publicité finançant des accès gratuits. Si on en croit Elon Musk, le chiffre d’affaires en 2022 serait de $3 milliards, soit une baisse de plus de 40 %. Cela permet d’estimer que la taille de l’objectif de Twitter pour les revenus d’abonnements est entre 20 % et 30 %, après avoir regagné un peu en publicité. En effet, le chiffre d’affaires 2022 a été impacté par le départ de certains grands annonceurs qui n’appréciaient pas la bascule vers une plus grande liberté d’expression, notamment par des personnes anciennement bannies du réseau social.
Ce « nouveau » modèle de Twitter, c’est le modèle bien connu du « freemium » ! Développé dans les années 2010 et qui a fait l’objet d’un article de référence dans la Harvard Business Review, il y a 10 ans (!), par Vineet Kumar (« Making Freemium work« ).
Dans ce modèle, la courbe des abonnés ne décolle pas tout de suite avec l’offre, qui n’est attractive que pour une petite partie au départ (« early adopters »), mais avec son évolution dans le temps. C’est donc bien le flux de nouveautés qu’il faut maintenant observer sur Twitter et qui fera qu’Elon Musk gagnera, ou pas, son pari. Des nouveautés qui doivent convaincre de s’abonner.
Pour revenir à Amazon, les premiers à adopter Prime voulaient économiser sur les frais de livraison et avoir un meilleur service. Aujourd’hui, quitter Prime c’est, entre autres, renoncer au service de vidéo à la demande aussi riche que ses concurrents ou au stockage illimité de photos.
Facebook est un autre acteur des réseaux sociaux en pleine mutation forcée par le prix de son action a été divisé par presque 3 depuis son plus haut mi-2021. Facebook, devenu Meta, a posé comme trajectoire de son évolution, la création d’un univers virtuel (Métavers). Il vise une évolution de son modèle économique avec la vente d’équipements (3D), la valorisation des actifs de ses utilisateurs (NFT), et une commission sur des transactions virtuelles (crypto). Il pourrait aussi mettre un droit d’entrée à certaines parties « privilège » d’Horizon World, ce qui reviendrait à l’abonnement du modèle Freemium.
GreenSI n’y croit pas pour tout de suite, comme se fut traité dans plusieurs billets, mais cela montre que le modèle du réseau social totalement financé par la publicité est certainement condamné à terme. La fragmentation de l’Internet mondial, que l’on compare les débits, la réglementation ou les libertés, est en marche (US, Europe, Chine, Russie, etc) et divise d’autant le potentiel des réseaux, autrefois intégrés dans les valorisations des GAFAs. S’adapter à chaque contexte, voire demain chaque pays voulant plus de souveraineté sur les données de ses concitoyens, ne permettra plus d’économies d’échelle sur les plateformes techniques. Moins de revenus, plus de coûts…
Seul Apple est vu par le marché comme pouvant re-dynamiser, la 3D, les univers virtuels et peut-être les façons d’échanger qui se développeront « après Tik-Tok et Instagram », et que Méta voit dans son univers virtuel. À la manière de ce qu’il s’est passé avec l’iPhone avec les smartphones.
Apple a depuis l’origine un modèle autour de l’équipement et un pourcentage des transactions d’applications vendues dans son univers fermé. Il est peu impacté par l’évolution des modèles économiques des réseaux sociaux. Au contraire, il peut contribuer à son évolution en amenant la valeur de sa marque à des espaces privés sur abonnement. Son casque de réalité virtuelle prend du retard, mais est toujours annoncé pour la fin de l’année. C’est le signal à suivre pour le décollage, ou pas, des univers virtuels, car les ventes des autres fabricants ne décollent pas.
Twitter a donc deux ans devant lui, avec un modèle social de partage de l’information et un modèle économique Freemium, tel qu’on les connait. Ces modèles seront peut-être modifiés par les univers virtuels collaboratifs à venir, mais ils ne montreront pas leur nez tout de suite, et il est même plus probable que la rupture, amenée par l’IA générative, sera là avant.
Enfin, le champion de l’abonnement reste encore Amazon. Il ne publie pas ses chiffres, mais il a quand même indiqué qu’il avait 200 millions de membres Prime payants dans le monde à fin 2020. C’est à peu près le nombre d’utilisateurs de Twitter (il était de 229 millions en avril 2022, mais depuis, des purges de comptes inactifs ont été réalisées). Pour GreenSI c’est certainement le modèle d’inspiration que le patron de Twitter a en tête.
Maintenant, attendons les nouvelles fonctionnalités. L’interdiction récente d’applications externes qui exploitaient ses APIs, est un signe que Twitter veut garder la main dessus, car son modèle en dépend.
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