un parfum de corruption sur la campagne de Russie du groupe américain

un parfum de corruption sur la campagne de Russie du groupe américain


Uber a-t-il enfreint les lois anticorruption américaines, dans le cadre d’un plan de lobbying secret pour conquérir le marché russe ? Parmi les documents confidentiels issus des « Uber Files » figurent de nombreux éléments attestant une stratégie délibérée du groupe californien pour s’acheter les faveurs et la protection de politiques et de lobbyistes réputés proches du Kremlin, entre 2014 et 2016.

« Uber Files », une enquête internationale

« Uber Files » est une enquête reposant sur des milliers de documents internes à Uber adressés par une source anonyme au quotidien britannique The Guardian, et transmis au Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et à 42 médias partenaires, dont Le Monde.

Courriels, présentations, comptes rendus de réunion… Ces 124 000 documents, datés de 2013 à 2017, offrent une plongée rare dans les arcanes d’une start-up qui cherchait alors à s’implanter dans les métropoles du monde entier malgré un contexte réglementaire défavorable. Ils détaillent la manière dont Uber a utilisé, en France comme ailleurs, toutes les ficelles du lobbying pour tenter de faire évoluer la loi à son avantage.

Les « Uber Files » révèlent aussi comment le groupe californien, déterminé à s’imposer par le fait accompli et, au besoin, en opérant dans l’illégalité, a mis en œuvre des pratiques jouant volontairement avec les limites de la loi, ou pouvant s’apparenter à de l’obstruction judiciaire face aux enquêtes dont il faisait l’objet.

Retrouvez tous nos articles de l’enquête « Uber Files »

Pour se déployer en Russie, « l’un des marchés offrant le plus gros potentiel de croissance » mais soumis à une « concurrence féroce », le géant américain a directement rémunéré un homme d’affaires en vue à Moscou pour tenter d’influencer un projet de loi en discussion sur les taxis. Au moins 300 000 dollars, soit 270 000 euros, ont ainsi été versés, en 2016, à Vladimir Senin, alors vice-président d’Alfa Bank et membre d’un parti politique pro-Kremlin, afin qu’il appuie Uber sur les fronts législatif et réglementaire. Et ce, malgré des mises en garde internes sur une possible violation de la loi de 1977 contre la corruption d’agents publics étrangers (le Foreign Corrupt Practices Act).

Dès avril 2016, un cadre supérieur d’Uber avertissait ses collègues par courriel que les avocats d’Uber sont « à juste titre préoccupés par les pots-de-vin versés pour graisser les patins ». De fait, plusieurs anciens procureurs américains et experts en corruption interrogés par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) estiment que les circonstances dans lesquelles Uber a rémunéré M. Senin pouvaient constituer une infraction aux lois anticorruption américaines.

Vladimir Senin, alors vice-président de la banque russe Alfa Bank, à Sotchi (Russie), en septembre 2017.

Contacté, Uber a confirmé l’existence du versement à M. Senin – élu depuis député à la Douma – pour une mission de « relations avec le gouvernement ». L’entreprise a toutefois assuré que ses « dirigeants actuels désavouent toute relation antérieure avec toute personne liée au régime de [Vladimir] Poutine », se distanciant de la stratégie de l’ancien PDG Travis Kalanick, parti en 2017 sur fond de multiples scandales. « La direction actuelle d’Uber pense que [Vladimir] Poutine a eu une conduite répréhensible et désapprouve tout lien avec lui ou ses proches », ajoute le géant américain.

Gagner les faveurs du Kremlin

L’enquête conduite par l’ICIJ montre pourtant que ces liens ont été nombreux. Uber a ciblé plusieurs oligarques russes particulièrement puissants, qu’il a fait entrer au capital de l’entreprise dans le but de s’assurer de leur soutien politique. C’est ainsi qu’Alicher Ousmanov, German Gref, Mikhaïl Fridman et Petr Aven, courtisés pour leur influence auprès de Vladimir Poutine, ont investi plusieurs centaines de millions de dollars dans l’entreprise américaine, à travers leurs banques, holdings ou fonds d’investissement. Ces quatre oligarques ont été frappés par des sanctions internationales après le déclenchement de l’offensive russe en Ukraine, en début d’année.

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