Près de cinq ans après le lancement de son premier modèle 100 % électrique, Audi se penche sur sa mise à jour. Dans cette transition forcée, qu’on appelle communément « restylage », l’e-tron, gagne une nomenclature (Q8) et un positionnement plus clair dans la gamme. C’est le SUV 100 % électrique premium de la marque, remplaçant de l’ancien e-tron, et vendu (beaucoup) plus cher que le Q4, considéré comme un SUV compact. Mais est-il possible de faire évoluer réellement un véhicule basé sur une ancienne plateforme électrique ? Les changements apportés au Q8 e-tron méritent-ils la hausse conséquente de son prix ? Réponse dans notre test du plus cher des SUV électriques de la marque aux quatre anneaux.
À l’extérieur, un restylage a minima
Comme pour la première version, le Q8 e-tron sera décliné en deux modèles, l’un au format de SUV classique, l’autre plus profilé avec un toit plongeant nommé Sportback. C’est ce dernier que nous avons choisi de tester. La raison ? Outre le style, son aérodynamisme amélioré lui confère une meilleure autonomie. Le prix à payer pour ces kilomètres de plus sans charger est une perte de capacité dans le coffre acceptable selon nous. Ce compromis est d’autant plus envisageable que le Q8 e-tron est l’un des rares véhicules du groupe VW à disposer d’un « frunk », c’est-à-dire d’un « front trunk », un coffre d’une soixantaine de litres sous le capot, idéal pour ranger les câbles de recharge et ne pas avoir à leur trouver une place facile d’accès dès lors qu’il est nécessaire de remplir le coffre.
Que ce soit pour la version SUV ou la version classique, le design du nouveau Q8 n’a que très peu évolué par rapport au modèle initial. La calandre pleine a adopté les nouveaux codes de la marque avec un trait lumineux en LED et en option ainsi qu’un logo élargi, quelques aérations sont apparues pour améliorer la pénétration dans l’air de la voiture et… c’est à peu près tout. Du moins pour le commun des mortels. Car les ingénieurs d’Audi se sont en réalité évertués à modifier quelques autres aspects de leur SUV, moins visibles il est vrai, mais non moins essentiels. Leur objectif ? Améliorer le coefficient de traînée de la voiture, sa résistance au vent, et par conséquent son efficience. Ils y sont parvenus. Sur la version SUV, le Cx est passé de 0,28 à 0,27. Quant à la version Sportage, celle de notre test, le nouveau Cx de 0,24 (un excellent chiffre pour un engin de cette taille) est en progrès par rapport aux 0,26 de la première version.
Pour parvenir à ce résultat, Audi s’est employé, que ce soit au niveau des nouveaux obturateurs, mais aussi de l’utilisation de volets d’air actifs qui changent de position pour mieux diriger les flux d’air en fonction du contexte. Les nouvelles jantes aéro ainsi que les changements au niveau des déflecteurs de roue participent de cet effort.
Au final, le Q8 e-tron est un véhicule qui semble avoir été assez peu modifié extérieurement. D’aucuns pourraient prétendre que le véritable changement vient de l’ajout d’une énorme batterie de 106 kWh, mais celle-ci n’est pas la seule explication aux nouvelles prétentions d’autonomie du SUV premium d’Audi.
Un habitacle dans la continuité
Les modifications ne sont pas plus visibles à l’intérieur du Q8, celui-ci est dans la pure lignée de ce qu’Audi a proposé sur ces derniers modèles et assez semblable à ce qui est visible dans un Q4 e-tron, par exemple. C’est là l’une des premières critiques à l’égard du SUV le plus cher du catalogue d’Audi. Vendu près de deux fois plus cher que le Q4 (à partir de 86 700 euros), il offre une qualité perçue et un niveau d’équipement presque similaire à son SUV « d’entrée de gamme ». Soyons précis : le niveau de finition de l’habitacle n’a rien de honteux, mais il nous semble inférieur à ce que peuvent faire Mercedes et BMW sur des véhicules aux tarifs similaires. Le constat peut devenir embarrassant, quand on a l’impression que la finition est également moins qualitative que ce que peut réaliser Nissan lorsqu’il y met les formes, sur l’Ariya notamment.
Quant au système d’exploitation et aux aides à la conduite, Audi MMI reste, malgré quelques défauts, l’un des OS les plus aboutis du marché. On apprécie notamment la grande capacité de personnalisation de l’écran d’instrumentation. Malheureusement pour lui, Audi MMI souffre d’un mal qui pourrait être qualifié de chronique sur le Q8, celui d’être associé à un environnement pensé il y a plus de cinq ans et qui paraît éloigné des standards actuels. Logique de restylage oblige, le SUV premium reprend la plupart des éléments de l’ancienne version et notamment son système axé sur trois écrans de 12 pouces. Celui-ci est bien pensé, mais la concurrence, notamment sur ses tarifs, s’est tournée depuis des mois vers des affichages plus grands et plus efficaces.
Enfin, comment parler du successeur de l’e-tron original sans mentionner l’une de ses innovations majeures : les rétroviseurs caméras. Il s’agit d’une option bien entendu, mais qui est censée témoigner du niveau technologique atteint par la marque aux quatre anneaux. Or, c’est l’effet inverse qu’elle produit. La raison ? Les limites du système, pointées du doigt dans notre test comme dans ceux de nombreux confrères, sont toujours présentes. Cinq ans plus tard, Audi n’a strictement rien fait pour améliorer l’expérience de ses rétroviseurs caméras. Le problème est toujours le même, les écrans de contrôle ne sont pas situés dans l’axe des rétroviseurs classiques, ils sont intégrés assez bas au niveau des portières. Résultat, lorsqu’on veut effectuer un contrôle de part et d’autre, on passe son temps à chercher les rétros. Et quand bien même ce souci pourrait disparaître avec l’habitude, il n’en demeure pas moins que les jours d’ensoleillement, ceux-ci subissent la loi des reflets et perdent en lisibilité.
Audi pouvait difficilement se passer de cette option tant assimilée à l’e-tron, ne serait-ce que parce qu’elle améliorerait l’autonomie du véhicule de 7 km. Mais ce qui est regrettable, c’est que le constructeur n’ait rien proposé pour l’améliorer. Or, pendant ce temps, des concurrents, à l’image du Ioniq 6 de Hyundai, se sont emparés de cette technologie et ont démontré qu’elle était tout à fait exploitable. C’est sans doute l’une des raisons qui pourrait expliquer, en dehors du prix prohibitif de 2 000 euros, que l’option de rétros caméras séduise moins de 10 % des clients de l’e-tron.
Autonomie et recharge : là où Audi a porté ses efforts
L’autonomie était le talon d’Achile du premier e-tron. Malgré des valeurs WLTP honnêtes, le grand SUV d’Audi était coupable de consommations beaucoup trop élevées pour être qualifié d’efficient. Ses défenseurs ne manqueront pas de rappeler qu’il s’agissait d’une « autre époque », celle des débuts de la voiture électrique grand public, et qu’il avait également le tort d’inaugurer cette technologie pour la marque aux quatre anneaux. Son successeur, bien que bâti sur la même plateforme, ne pouvait afficher les mêmes limites. C’est la raison pour laquelle les ingénieurs d’Audi ont autant travaillé sur le Cx du véhicule et c’est aussi pour cette raison que tout a été fait pour lui permettre d’accueillir un énorme bloc batterie de 106 kWh de charge utile. Pour rappel, la première version plafonnait à 86 kWh.
En conséquence, dans sa version la plus optimisée pour l’autonomie, celle de notre test, le Q8 e-tron 55 Sportback doté de rétroviseurs caméra, affiche une autonomie théorique de 552 km, en progression de 32 % par rapport à ce que faisait son prédécesseur. Il en va de même pour les autres versions du Q8 et même pour la finition S qui arrivera un peu plus tard dans l’année avec des autonomies en hausse de 32 % à 44 % selon les versions.
Enfin, les progrès annoncés en autonomie ne sont pas uniquement imputables à un meilleur aérodynamisme et à une batterie plus volumineuse. Audi aurait également passé un cap d’un point de vue logiciel, sur la gestion de la batterie. D’autres options, telles que la navigation prédictive (qui prend en compte des données telles que le dénivelé ou le trafic), permettraient également de grappiller quelques kilomètres.
Malheureusement, les conditions de notre essai et notre parcours assez singulier ne nous ont pas permis d’avoir un aperçu suffisamment précis de la consommation du Q8. Assurément, ce premier essai devra être complété d’une seconde prise en main davantage axée sur les performances en matière de batterie. Nous ne manquerons évidemment pas de mettre notre article à jour lorsque cela sera possible.
En revanche, Audi est parvenu à améliorer les capacités de recharge de son SUV, malgré les limitations liées à sa plateforme. Le Q8 peut recharger jusqu’à 170 kW en DC (il était auparavant limité à 150 kW) ce qui lui permet de récupérer entre 10 et 80 % de sa batterie en 31 minutes.
Le Q8 e-tron sur la route, ça donne quoi ?
Le premier constat en matière de conduite est que l’e-tron, devenu Q8, n’a rien perdu de son agrément de conduite. L’isolation extérieure de très bonne qualité permet de profiter pleinement des bienfaits de la conduite électrique, douceur et silence. La direction bien calibrée et les suspensions pneumatiques se chargent d’apporter du confort, notamment en ville ou à bas régime.
Lorsqu’on accélère et qu’on s’adonne à une conduite plus sportive, le Q8 e-tron étonne par sa capacité à faire oublier son poids (2,6 tonnes s’il vous plaît). L’accélération n’est pas aussi fulgurante que sur certains modèles plus légers, mais les 408 ch et les 664 Nm de couple se ressentent dès que l’on enfonce la pédale. Nous avons pu également tester le grand SUV d’Audi dans une session de « offroad » et même s’il n’est pas véritablement taillé pour le franchissement, il s’avère très efficace hors du bitume et même dans le sable.
Mention spéciale sur la partie freinage, l’une des franches réussites de ce modèle. En voiture électrique, le comportement de la pédale de frein n’est pas toujours idéal, une partie du freinage (la plus grande en réalité) étant le plus souvent le fruit du moteur. Il est donc très difficile d’obtenir des sensations de freinage similaires entre thermique et électrique. Dans le cas de l’e-tron, les ingénieurs d’Audi sont parvenus à calibrer la pédale de manière efficace et cela mérite d’être salué.
Finalement, le Q8 e-tron s’en sort assez bien sur la partie conduite. Confortable dans toutes les situations, il affiche des performances intéressantes, même si on ne peut décemment pas le qualifier de sportif.
Verdict de l’essai
Le nouveau Q8 e-tron est la preuve par l’exemple que faire plus n’équivaut pas nécessairement à faire mieux. S’il parvient à proposer une autonomie plus intéressante, ce n’est pas en améliorant son efficience, mais en augmentant la capacité de sa batterie… et son prix. On regrette par ailleurs que le constructeur n’ait pas fait évoluer son habitacle et n’ait pas amélioré ses rétroviseurs caméra. Cela n’enlève rien aux nombreuses qualités dont fait preuve le SUV premium d’Audi, mais celles-ci étaient déjà présentes lors de sa conception et n’ont que peu évolué lors de son restylage. Le Q8 exploite au maximum les capacités de la plateforme MEB, qui commence à dater. Or, pour un véhicule censé incarner le savoir-faire technologique de la marque, un passage à la plateforme PPE s’impose.