Définir les contours du masculinisme en ligne n’est pas chose aisée. C’est pourtant la tâche à laquelle s’est attelée Pauline Ferrari. Dans Formés à la haine des femmes (JC Lattès, 300 pages, 20 euros), la journaliste spécialisée démêle les fils qui tissent cette idéologie avançant tantôt masquée, tantôt en pleine lumière, et dont l’influence, en ligne et hors ligne, va croissant.
En définissant le masculinisme comme « le passage à l’acte de l’antiféminisme » et un mouvement aussi disparate que violent de défense des hommes prétendument discriminés, l’autrice se risque à une délimitation qui fera peut-être tiquer les sociologues. Son ouvrage est toutefois moins un travail de recherche qu’une nécessaire exploration journalistique.
Il passe en revue les mécanismes et les référentiels communs à ce mouvement et dépeint notamment les lieux et les communautés où il se déploie. L’autrice décrypte aussi les mots qu’emploient les masculinistes (« cucks », « chads »…), les codes qu’ils partagent et les concepts qu’ils affectionnent (« misandrie », « misère sexuelle »).
Nombre croissant d’influenceurs
L’apport le plus décisif de Formés à la haine des femmes est son décryptage de la tactique adoptée par les masculinistes pour contaminer le débat public. Leur « stratégie de massification » repose d’abord sur un nombre croissant d’influenceurs qui font leur beurre sur la haine des femmes. « En propageant des stéréotypes sexistes et de la désinformation misogyne, les mouvements masculinistes recrutent en silence », alerte Pauline Ferrari. L’autrice décortique aussi les mécaniques virales des réseaux sociaux. « Les masculinistes seraient peu de chose sans les algorithmes », résume celle dont les faux profils de jeunes hommes créés sur Tiktok sont rapidement bombardés de vidéos masculinistes.
L’ouvrage s’attelle à démontrer que le masculinisme est un complotisme dont il épouse les ressorts et les mécanismes de propagation : il propose « des solutions », offre une communauté et donc du réconfort, mais aussi une vérité cachée expliquant la marche du monde, à savoir la domination des femmes désignées comme « ennemis communs ». Du « grand remplacement » à l’antisémitisme, Pauline Ferrari expose habilement comment le masculinisme s’entremêle avec d’autres complotismes.
Au-delà de sa description de « la force de diffusion » des idées qui « dépasse tout entendement », elle montre les similitudes, voire parfois la continuité, entre les mots et les actes les plus violents. En effet, entre ceux qui prennent les armes pour tuer des femmes et les mots qui circulent en boucle sur TikTok, le nombre de points communs est inquiétant.
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