L’usage de l’IA générative «fortement déconseillé» pour Wikipédia en français
Après un débat de deux semaines au sein de Wikipédia sur une recommandation, clos par 89,5 % pour et 10,5 % contre parmi les avis exprimés (119 et 14 voix, plus 5 neutres), la communauté de la version en français de l’encyclopédie libre a adopté cette recommandation:
«L’utilisation de l’intelligence artificielle générative (IAg), fondée sur les grands modèles de langage (LLM), est vivement déconseillée. Si une utilisation raisonnée reste possible, sous conditions exposées ci-dessous, elle présente des risques de mésusage. Le mésusage conduit généralement à bafouer les principes fondateurs ainsi que les règles et recommandations, pouvant entraîner le blocage en écriture du compte concerné.»
La recommandation souligne que «concrètement, l’utilisation d’une IAg, sans compréhension fine de son fonctionnement, conduit parfois à l’insertion d’informations hallucinées, à des travaux inédits, à l’emploi d’un style non encyclopédique, voire à du plagiat. Ces dérives ne sont pas acceptables et entament la confiance accordée à vos contributions par les autres bénévoles ainsi que celle des lecteurs envers l’encyclopédie elle-même.»
Parmi les usages tolérés, « résumer une source que vous avez déjà lue (tout en veillant à réaliser une synthèse avec d’autres lectures), ce qui implique un sourçage précis pour témoigner du fait que vous l’avez lue », ou encore « corrections orthographiques, typographiques et syntaxiques »
Par ailleurs, rapporte L’Usine digitale, «une expérimentation de résumés générés par intelligence artificielle [a été] suspendue sur Wikipédia. Ces condensés d’informations avaient été pensés pour faciliter la lecture de certains articles longs ou complexes. Mais la Fondation Wikimedia, qui héberge l’encyclopédie en ligne, a reçu de nombreux retours négatifs de ses contributeurs bénévoles quant au recours à l’IA générative.»
Le projet abandonné est présenté là (en anglais), et sa page de discussion donne un aperçu des critiques qu’il a suscitées, comme «l’IA générative porte sérieusement préjudice à l’intégrité de tout Wiki» (au sens ici de Wikipédia et des projets associés, Wikimedia Commons, Wikisource etc.). Voir également cette page de (longues) discussions de début juin.
Le 30 avril, la fondation avait publié un texte de Chris Albon et Leila Zia, directeur du Machine Learning et cheffe de recherche à la Wikimedia Foundation, affirmant la volonté de toujours maintenir les humains en première place et de ne pas remplacer leurs contributions par celles d’IA.
Un rapport du Parlement européen soutient le Libre
C’est un début, mais… «Souveraineté numérique: l’UE prend (timidement) le chemin du logiciel libre», observe Goodtech.info, qui rapporte la réaction de la FSFE (Free Software Foundation Europe): «Le Parlement européen reconnaît que l’indépendance technologique de l’Union passe par le logiciel libre. Le vote du 3 juin 2025 en commission de l’industrie (ITRE) souligne l’intérêt d’une stratégie « open source first », mais le rapport final manque encore de mesures concrètes pour passer des mots aux actes, selon la FSF Europe.»
Les eurodéputés «reconnaissent que l’open source joue un rôle clé pour réduire les dépendances, éviter les situations de verrouillage fournisseur (vendor lock-in), encourager l’interopérabilité, renforcer la compétitivité européenne et stimuler l’innovation», mais cela manque d’engagements concrets, regrette l’association libriste.
Le rapport n’est pas (pas encore?) en ligne; le site du Parlement européen présente juste ce communiqué succinct sur le vote du 3 juin, qui mentionne «l’importance des marchés publics pour soutenir des solutions numériques ouvertes et interopérables». Ce texte indique aussi que «le rapport définit la souveraineté technologique comme la capacité de l’Union européenne à concevoir, développer et déployer des technologies numériques nécessaires à la compétitivité économique, au bien-être public et à l’autonomie stratégique ouverte. Il note que l’UE dépend des pays tiers pour plus de 80 % de ses produits, services, infrastructures et propriété intellectuelle numériques.»
Inria: formation continue
Inria Academy est le dispositif de formation continue de l’Inria (Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique). Son responsable David Simplot explique à Nice Matin que ce dispositif «accompagne la montée en gamme et l’accélération dans l’appropriation du numérique des entreprises françaises et européennes», en s’appuyant sur les logiciels diffusés en open source par l’Inria et ses partenaires.
«Avec plus de 1.500 références, les logiciels développés par les équipes d’Inria apportent une solution aux besoins des entreprises en Internet des Objets, intelligence artificielle, cybersécurité, santé numérique, 5G, quantique…» et les formations sur mesure s’adressent à toutes les organisations « qui ont une stratégie d’innovation dans le numérique et qui ont besoin de passer un cap par rapport aux compétences de leurs équipes ».
Inria Academy propose trois gammes de formations. Deeptech s’adresse aux ingénieurs R&D et développeurs. « Le best-seller plébiscité par tous? « Scikit-Learn, reprend David Simplot, qui, en répondant à 80% des besoins, est le logiciel open source d’apprentissage automatique (machine learning) le plus utilisé au monde». » Sont aussi proposées «une gamme État de l’Art dédiée aux ingénieurs R&D et chercheurs qui nécessitent une mise à jour dans un domaine précis», et Executive Education, «destinée aux dirigeants et managers».
L’an dernier, Inria Academy a formé plus de 3.000 personnes.
Le Schleswig-Holstein va se passer de Microsoft
Le Land allemand du Schleswig-Holstein, région frontalière du Danemark, s’apprête à abandonner les logiciels de Microsoft pour passer au Libre, rapporte l’AFP (ici sur France 24). «Cet Etat du nord de l’Allemagne mise sur des logiciels libres pour « reprendre le contrôle » sur ses systèmes informatiques et pouvoir décider « où les données sont stockées », explique le ministre régional de la numérisation, Dirk Schrödter. (…) A ce stade, la moitié des 60.000 fonctionnaires de cette région frontalière du Danemark ont entamé ce basculement technique qui doit s’achever fin septembre. Le reste, soit 30.000 enseignants, devrait suivre dans les prochaines années.
Au cours de cette première phase, enclenchée en 2024, les fonctionnaires sont en train d’abandonner Word et Excel, remplacés par LibreOffice, puis la messagerie Outlook, substituée par Open-Xchange et Thunderbird. Sharepoint doit également être remplacé par la solution nextcloud. La prochaine étape d’ici quelques années: le basculement vers le système d’exploitation Linux, pour tourner définitivement la page Windows. (…)
«La guerre en Ukraine avait révélé la dépendance énergétique de l’Europe; désormais, on voit qu’il existe également des dépendances numériques», ajoute le ministre régional. «Le Land de près de trois millions d’habitants anticipe aussi la future migration de ses données vers un cloud, et souhaiterait privilégier une infrastructure publique allemande plutôt que les services d’une entreprise américaine, explique M. Schrödter, économiste de formation et passionné du numérique.»
A moyen terme, le Land compte économiser plusieurs dizaines de millions d’euros.
Fedora a vingt ans: quid de la traduction?
Pour les 20 ans de Fedora-fr et du projet de la distribution Linux Fedora, Linuxfr publie un entretien avec Jean-Baptiste Holcroft, un des mainteneurs de la traduction française de Fedora. Extrait:
«Gêné par des traductions partielles de logiciels que je trouve super, j’ai aidé d’abord en signalant des problèmes, puis en traduisant, et ne voyant pas les traductions arriver, à fluidifier le processus de traduction. Ayant compris le fonctionnement, grâce à la communauté, j’ai voulu aider cette communauté à être plus efficace, en migrant sur la très bonne plateforme de traduction Weblate, en permettant la traduction de la totalité de la documentation de Fedora (on parle ici de 3,5 millions de mots, de milliers de pages).
Transifex, la plateforme précédente, ne permettait pas un travail collectif efficace (entre les traducteurices et entre traducteurices-projets de développement). Avec l’expérience, j’ai constaté que la communauté du logiciel libre propose une expérience désastreuse pour les traducteurs, le coût de traduction vs l’effort nécessaire pour traduire tout un système d’exploitation est monstrueux, j’ai maintenant voulu rendre cela perceptible et accessible à tous
(ce site est moche, sa valeur est la mesure de traduction transverse).»
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