Dans l’écosystème de l’intelligence artificielle, Kyutai – « sphère » en japonais –se veut « différent ». C’est ainsi que Xavier Niel, fondateur d’Iliad (et actionnaire à titre personnel du Monde) a présenté vendredi 17 novembre ce « laboratoire de recherche indépendant à but non-lucratif et dédié à l’open science [la publication ouverte] » en IA. Les chercheurs de cette nouvelle entité ont pour but de développer des modèles capables de créer des contenus texte, audio et vidéo, comparables à ceux des grands acteurs comme OpenAI, Google ou Meta ou de start-up comme les français Mistral ou LightOn. Kyutai promet de partager ses recherches avec les entreprises du secteur. Il sera doté de 300 millions d’euros, avec la vocation à accueillir davantage d’investissements à l’avenir.
L’originalité de Kyutai réside aussi dans ses trois parrains : outre Iliad, le second cofondateur CMA-CGM, le troisième armateur mondial de porte-conteneurs – « une activité très conservatrice mais qui utilise l’IA pour optimiser les routes des bateaux et minimiser leur consommation de fuel », a commenté son PDG Rodolphe Saadé, lors de la présentation. Chaque groupe apporte 100 millions d’euros. Aux côtés des deux grands patrons français se trouve enfin Eric Schmidt, l’ancien PDG de Google, aujourd’hui reconverti en conseiller sur l’IA et en investisseur par l’intermédiaire de son fonds The Eric & Wendy Schmidt Fund for Strategic Innovation. « La France peut être un leader de l’IA, aux côtés des Etats-Unis et du Royaume-Uni », a estimé l’Américain.
Cet attelage inédit a d’ailleurs reçu un soutien très appuyé de l’exécutif français : disposer de modèles d’IA français et européens est « un enjeu de souveraineté technologique » et la France doit « se maintenir dans le peloton de tête », a estimé Emmanuel Macron, dans un message vidéo. Que les modèles d’intelligence artificielle « ne soient pas seulement nourris de contenus en langue anglaise » est un « défi civilisationnel », a ajouté le président de la République. « Celui qui construit les modèles a plus de pouvoir que celui qui les régule », a renchéri le ministre du numérique Jean-Noël Barrot.
« Nabuchodonosor »
L’équipe de Kyutai compte six chercheurs et des doctorants, représentatifs de la bonne place occupée par les Français dans les plus grands laboratoires mondiaux, et souvent débauchés d’entreprises américaines. Son directeur général Patrick Perez a notamment travaillé sur de la génération de contenu chez Microsoft, de la capture de mouvement en vidéo chez Technicolor et de l’assistance à la conduite chez Valeo. Neil Zeghidour a participé aux recherches sur le son et la musique chez Google Deepmind. Alexandre Défossez, Edouard Grave et Hervé Jégou sont passés par Fair, le laboratoire d’IA installé à Paris par Meta (Facebook et Instagram), etc.
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