Apple TV+, présenté en mars 2019 et lancé le 1er novembre de la même année, a été pensé dès le départ comme un service de streaming haut de gamme. Un grand nombre de bonnes fées d’Hollywood se sont penchées sur le berceau : Steven Spielberg, Jason Momoa, Chris Evans, Oprah Winfrey et bien d’autres ont signé pour produire ou apparaitre dans les séries et les films du service. Il faut dire qu’Apple a mis les petits plats dans les grands en investissant sans compter pour gonfler un catalogue de contenus exclusifs.
Petit à petit, Apple TV+ s’est fait une place au sein de la galaxie des services d’Apple, qui est franchement sorti de sa zone de confort en investissant Hollywood. Cinq ans plus tard, le pari est-il réussi ? Difficile à dire. Si la plateforme a su tirer son épingle du jeu en restant fidèle à sa stratégie originelle — le « HBO du streaming » — avec quelques réussites indéniables, on ne peut pas dire qu’Apple TV+ fasse réellement partie du zeitgeist comme peuvent l’être Netflix ou même Prime Video.
Cet anniversaire est l’occasion d’un éclairage sur plusieurs faits d’Apple TV+ qui méritent d’être davantage connus !
Qui regarde Apple TV+ ?
C’est le secret le mieux gardé d’Apple TV+ : combien sont-ils à regarder les programmes du service de streaming ? Apple ne révèle pas ces chiffres, pas même aux créateurs des contenus ! Ben Stiller, réalisateur et producteur de la série Severance, l’a confirmé : « Ils [Apple] ne le vous disent pas vraiment», expliquait-il dans une interview à Decider.
« Ils vous donnent une idée, en quelque sorte. Mais ce n’est pas comme des évaluations ou des chiffres de box-office ou quoi que ce soit d’autre », révèle l’acteur. « Ce sont des diagrammes et des graphiques qui sont relatifs ». Si même les producteurs sont laissés dans le noir complet, Apple ne risque pas de communiquer sur des chiffres précis auprès du grand public.
Le constructeur donne toutefois des indications sur le succès de tel ou tel programme. Le premier épisode de Masters of the Air a été vu par plus de spectateurs lors de son premier week-end que n’importe quelle autre série d’Apple TV+, tandis que l’audience du service dans son ensemble a grimpé de 65 % dans le monde entier par rapport aux sept jours précédents. Mais en l’absence de chiffres précis sur le nombre de spectateurs, ces informations ne disent rien de l’audience réelle de la plateforme.
Le seul chiffre concret qu’Apple a jamais révélé remonte à 2021, lorsque le constructeur négociait avec des syndicats américains du showbiz : Apple TV+ comptait alors « moins de 20 millions d’abonnés » aux États-Unis et au Canada. C’est vague : si Apple TV+ avait été un carton monumental, on peut penser que la firme à la pomme en aurait fait ses choux gras.
Malheureusement pour le service, la réalité semble tout à fait à l’opposé. Malgré les budgets pharaoniques et les jolis coups comme Ted Lasso ou Severance, « personne ne regarde Apple TV+ », affirme le site spécialisé Puck en se basant sur des chiffres de Nielsen.
En février aux États-Unis, Apple TV+ a réalisé une audience de 0,29 %, loin derrière Pluto TV (0,8 %) et Paramount+ (1,1 %), qui ne sont pas à proprement parler des poids lourds du streaming. Apple TV+ fait à peine mieux que Discovery+ (0,24 %), un service absorbé par Max et qui ne bénéficie d’aucune publicité. Aligner les millions de dollars ne suffit pas à rameuter les spectateurs…
Tout au fond d’Apple TV+, un fond de catalogue
Apple TV+ veut bâtir sa réputation sur du contenu exclusif, ce qui n’a rien d’original : tous les services de streaming misent sur des exclusivités pour attirer les spectateurs. Et une fois que la nouvelle série à la mode a été consommée, les plateformes peuvent compter sur des fonds de catalogue pour conserver les abonnés au chaud.
Apple TV+ se distingue par l’absence d’un fond de catalogue, ce qui explique aussi, peut-être, son audience faible. Les spectateurs qui ne veulent pas se lancer à la découverte d’un nouvel univers n’ont aucun programme déjà connu sur lequel se replier. Pas de Friends, pas de Star Trek, pas de Suits, aucune série populaire à regarder d’un œil distrait. Le mois gratuit qu’Apple offert assez généreusement suffit souvent à regarder tout le contenu d’Apple TV+ qui nous intéresse.
La réalité est en fait un tout petit peu plus nuancée. Apple TV+ cache en effet un tout petit fond de catalogue ! On y retrouve ainsi toutes les saisons de la série Fraggle Rock, rachetée par Apple en 2020 (et qui produit depuis de nouveaux épisodes). Et de temps en temps, le service propose à ses abonnés — uniquement américains, hélas — une sélection de films un peu anciens.
À l’occasion de la mise en ligne de la production maison The Greatest Beer Run Ever en 2022, la plateforme a proposé plusieurs films de guerre ; la même année, on avait eu droit à des films mettant en vedette Will Ferrel et Ryan Reynolds pour la sortie de Spirited. Et tout récemment, ce sont plusieurs longs métrages en 3D qui ont été proposés dans la foulée du lancement du Vision Pro.
Ces sélections n’ont malheureusement rien de permanent et restent de toute manière cantonnées aux États-Unis. Apple semble tester la possibilité d’un fond de catalogue pérenne, ce qui ne serait pas une mauvaise idée pour donner du lustre à Apple TV+.
Pas beaucoup de contenus, mais de la qualité
Sans fond de catalogue, Apple TV+ est le service de streaming qui propose logiquement le moins de contenus. Selon une étude de Self Financial basée sur les données d’IMDb, la plateforme d’Apple compte 271 programmes visibles aux États-Unis, contre 13 827 pour Prime Video et 6 471 pour Netflix. Il s’agit du nombre de programmes évalués sur IMDb, ce qui veut dire qu’il peut y en avoir plus, mais cela donne une bonne idée des volumes.
Mais peu importe la quantité pourvu qu’on ait la qualité ! Et dans ce domaine, Apple TV+ renverse la table avec une moyenne de 7,01 sur 10, la plus élevée de la sélection, comme ça avait été le cas en 2021 et en 2022. Évidemment, on ne partage pas tous les mêmes goûts (et heureusement !), telle série ou tel film très populaire peut vous laisser de marbre. Néanmoins, le consensus général est que les contenus d’Apple TV+ sont plutôt appréciés.
En revanche, sur une métrique plus spécifique, Apple TV+ est loin du compte. Self a analysé le rapport qualité-prix des services de streaming en calculant combien de films et séries de haute qualité l’abonné peut profiter pour chaque dollar dépensé. Cette analyse se base sur le coût mensuel le plus bas pour accéder à ces services, en prenant en compte le fait que certaines plateformes incluent des publicités dans leurs abonnements les moins chers.
À ce petit jeu, c’est Prime Video qui remporte la palme au classement du dollar dépensé avec 42 films jugés « excellents » (entre 8 et 10 sur 10) par IMDb et 557 films « bons » (entre 6 et 7,99 sur 10). Et pour les séries TV, c’est Netflix qui mène la danse avec 60 séries « excellentes » et 241 séries « bonnes ».
Apple TV+ est bon dernier à chaque fois avec 1 seul film « excellent » et 6 « bons » pour chaque dollar dépensé ; c’est un peu mieux pour les séries avec 5 « excellentes » et 13 « bonnes ». En termes de rapport qualité/prix, mieux vaut donc investir dans n’importe quelle autre plateforme…
Guerre des chiffres
Apple TV+ est plus ouvert que d’autres plateformes à la sortie au cinéma de ses productions. Les salles obscures confèrent aux films une patine de respectabilité, en particulier pour les longs métrages de prestige achetés à prix d’or. Et dans ce domaine, Apple n’a aucun problème à dégainer le carnet de chèques.
Les trois dernières grosses productions d’Apple TV+, à savoir Killers of the Flower Moon (de Martin Scorcese), Napoleon (Ridley Scott) et Argylle (Matthew Vaughn) auraient coûté la bagatelle de 700 millions de dollars pour la production et le marketing, selon Variety. Leur sortie au cinéma a engrangé un box office mondial combiné de 466 millions de dollars, dont 221 millions pour Napoleon, 157 millions pour Killers et 88 millions seulement pour le désastre industriel Argylle.
Apple ne récupère pas l’intégralité des recettes du box office, une bonne partie allant dans les poches des exploitants (en particulier en dehors des États-Unis). Le service n’a donc pas réussi à compenser son investissement dans le cinéma, mais tout n’est pas perdu pour autant. La sortie en salles a permis de jouer la carte du buzz, qui profitera in fine à Apple TV+ : les spectateurs qui ont entendu parler de ces films pourront les voir tranquillement chez eux en s’abonnant au service.
Et même si ces films ne gagnent pas d’argent, Apple renforce sa position au sein d’Hollywood en multipliant les nominations et les récompenses, comme cela a été le cas des métrages de Scorcese et Scott. Rappelons aussi que CODA a été le premier film d’un « streamer » à remporter l’Oscar du meilleur film. L’objectif est de faire passer l’idée qu’Apple TV+ est le refuge des productions très haut de gamme.
Du streaming en Blu-ray
De prime abord cela ressemble à un non sens : pourquoi donc vouloir s’embarrasser des versions physiques des séries Apple TV+ ? Après tout, ce contenu est disponible en tout temps, sur tous les écrans ou presque ! Il suffit pourtant de s’y pencher un peu pour trouver des raisons justifiant l’existence des bonnes vieilles galettes.
Chez les collectionneurs évidemment, mais aussi tous ceux qui veulent continuer à profiter d’un programme même après la fin de leur abonnement. Sans compter qu’il est parfois plus simple de glisser un DVD dans un lecteur plutôt que de gérer les aléas d’une connexion internet capricieuse.
Plusieurs séries d’Apple TV+ ont ainsi eu droit à un traitement Blu-ray. C’est le cas de See, For All Mankind, The Morning Show, Truth Be Told ou encore Défendre Jacob. Toutes les saisons ne sont pas au rendez-vous (les 4 saisons de For All Mankind sont au rendez-vous, mais une seule pour The Morning Show). Quelques films sont aussi disponibles, comme On The Rocks, CODA ou encore Greyhound.
Bon courage pour mettre la main sur ces galettes distribuées par Dazzler Media ! Avec un peu de chance on pourra en dénicher sur Amazon, voire eBay… La liste est visible ici. Par ailleurs, il semble qu’Apple TV+ a fermé assez rapidement le robinet aux Blu-ray : le catalogue se limite aux premières productions du service. Pas de Ted Lasso au menu !
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