« Il est temps de mettre fin à l’impunité de Telegram »

« Il est temps de mettre fin à l’impunité de Telegram »


L’Allemagne vient d’infliger une amende de 5 millions d’euros à la messagerie Telegram pour son inaction face aux messages de haine qui y sont diffusés. Prononcée au titre de la « NetzDG » – la loi allemande chargée de sanctionner les contenus haineux sur les réseaux sociaux –, cette sanction pourrait paraître anodine, voire mineure, mais elle est en réalité d’une forte charge symbolique, car elle ne vise pas les grandes plates-formes habituelles – Meta [Facebook, Instagram], Twitter, TikTok et consorts – mais la messagerie cryptée Telegram, sur laquelle il est temps de mettre fin à l’impunité.

Telegram, messagerie auparavant connue comme « l’application des djihadistes », aujourd’hui largement utilisée par les politiques de tout bord, est aussi un véritable nid à contenus haineux, terroristes et pédopornographiques.

Avec plus de 500 millions d’utilisateurs dans le monde, l’application attire des publics très différents, séduits par sa réputation de messagerie hautement sécurisée, protégeant les données de ses utilisateurs. Le terrain de jeu parfait pour les cyberdélinquants bannis des grandes plates-formes sous le feu des projecteurs.

Tout peut être dit et fait sur Telegram, sans modération.

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C’est ainsi qu’au printemps 2020, dans la France confinée, se multipliaient les comptes « fisha », des canaux de communication rassemblant jusqu’à 200 000 personnes dans lesquels sont diffusées des photos et vidéos intimes de jeunes femmes, sans leur consentement. Plus récemment, la guerre en Ukraine a montré à quel point cette application pouvait être un outil de diffusion massive de désinformation – au point même d’inquiéter son fondateur, le Russe libertarien Pavel Dourov, qui confirmait, dans un post sur Telegram le 27 février, ne pas avoir la possibilité de vérifier l’exactitude des informations publiées. Au fil de ces canaux et boucles de communication défilent des échanges entre propagandistes du Kremlin, réseaux de néonazis, de pédophiles, ou de complotistes. L’Unesco révélait récemment que près de la moitié des contenus liés à la Shoah sur Telegram sont négationnistes.

Dénoncée dès 2016

Aucun représentant en France ou en Europe, aucun rapport de transparence, aucune information sur son chiffre d’affaires, son nombre de salariés, son actionnariat ou la localisation des serveurs où sont stockées les données. Un nomadisme international avec un siège social tantôt à Dubaï, tantôt dans le Delaware, tantôt dans les îles Vierges britanniques, tout est fait pour ne rendre de comptes à personne et se mettre à l’abri des Etats, que ce soit en matière de fiscalité ou de régulation. Quant aux réquisitions judiciaires, elles restent évidemment lettre morte – ce que Telegram va jusqu’à revendiquer sur son site Internet et que François Molins et Bernard Cazeneuve avaient dénoncé, dès 2016, alors qu’ils étaient respectivement procureur de Paris et ministre de l’intérieur.

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