Vient-on d’assister à la pire édition du CES en matière d’annonces TV. La question mérite d’être posée tant les différents acteurs du marché ont manqué d’inspiration ou tout simplement de présence. Après une année noire en matière de ventes pour le marché de la télé, on attendait de ce CES qu’il donne un second souffle à un secteur qui peine à se remettre après avoir pleinement profité de la crise du Covid-19 et des divers confinements.
Traditionnellement, même si ce ne sont pas les téléviseurs que l’on retrouve dans la plupart des maisons et des appartements, les modèles annoncés au CES ont deux atouts indéniables : ils permettent de mettre en lumière les différentes avancées technologiques des derniers mois et, surtout, ils font rêver, pour ne pas dire baver devant leur qualité d’image ou leur immense diagonale.
À l’heure de dresser le bilan de cette édition 2023, un constat cinglant s’impose : il n’y a aucun modèle et encore moins une technologie qui se détache du lot. Si les précédentes éditions du CES n’ont pas toujours mis en lumière un téléviseur en particulier, elles ont presque tout été un signe d’innovation plus ou moins marquée pour le marché des téléviseurs. Une innovation qui était le plus souvent incarnée par un modèle ou une techno, à l’image du QD OLED l’an dernier, du mini-LED l’année précédente ou des annonces telles que The Wall lors des très grands crus. Mais alors que s’est-il passé lors de ce CES 2023 ?
L’année des grands absents
Difficile de marquer une édition lorsqu’on décide de faire l’impasse dessus. Cette année, Sony a fait du Philips. Certes, le constructeur japonais, acteur incontournable du salon de Vegas, était bien présent, mais surtout pour y présenter son projet de voiture électrique, Afeela et sa nouvelle manette de PS5. La division TV ? Sony a préféré garder ce pan de ses activités en retrait. Il se murmure que le Japonais organisera son propre événement TV à la fin du mois de février.
Cette absence s’ajoute à celle, plus classique, de Philips. La marque propriété de TP vision préfère traditionnellement miser sur l’IFA pour lancer sa nouvelle gamme. Il n’y a donc pas de surprise à ne pas la voir à Las Vegas. Pour autant, avec ces deux là, ce sont deux des acteurs les plus importants du segment qui n’auront pas pris la parole lors d’un des moments incontournables de l’année TV.
Samsung, LG et Panasonic : la même recette avec un peu de beurre en plus
Soyons réalistes. Cette édition TV du CES aurait sans doute pu être « sauvée » malgré l’absence de Sony ou la petite forme de l’un des autres acteurs. Ce qui rend ce bilan aussi pâle, c’est qu’aucun fabricant n’a su tirer son épingle du jeu.
Si l’on devait réduire grossièrement les annonces majeures de l’essentiel des acteurs à une phrase, on pourrait la résumer ainsi : « les mêmes modèles que l’an dernier, à une lettre et quelques nits près ».
En effet, ce sont les annonces sur l’OLED qui traduisent le mieux ce manque d’inspiration. Pour LG et Panasonic qui profitent des mêmes dalles de LG Display, elles se résument effectivement à un gain de luminosité, certes conséquent, mais qui ne parlera qu’aux observateurs les plus pointus. En effet, le fait d’approcher ou de dépasser les 2 000 cd/m2 sur un écran OLED constitue en soi un incroyable défi technique considérant les limites de la technologie OLED en matière de luminosité. La seule innovation notable cette année porte le nom de MLA et consiste en l’utilisation de micro lentilles capables de rediriger la lumière de manière plus efficace.
Bien évidemment que l’impact sur la qualité d’image, notamment pour les contenus en HDR sera notable. Mais l’affolement de la sonde, au moment de mesurer la luminosité du prochain G3 ou du MZ2000, ne ravira sans doute qu’au sein du 01Lab. Pour le grand public, ces quelques nits en plus n’auront pas la même valeur.
Quant au QD OLED, la technologie concurrente de Samsung, malgré sa relative nouveauté, elle se contente du même objectif : dépasser les 2 000 nits. Le fabricant coréen qui domine outrageusement le marché semble être revenu sur l’OLED uniquement pour mettre des bâtons dans les roues de son principal concurrent… en attendant de pouvoir miser sur sa prochaine technologie d’écran, le micro-LED.
Micro-LED : près des yeux, loin du porte-monnaie
Voilà quelques années maintenant que le micro-LED est annoncé comme la prochaine évolution majeure en matière d’image. The Wall était certes une démonstration de puissance, mais l’annonce de modèles commerciaux lors du CES 2022 devait marquer le début de la grande histoire du micro-LED.
Un an plus tard, Samsung est toujours aussi sûr de sa technologie. Les quelques modèles vendus l’an dernier (uniquement à des fins professionnelles) seront accompagnées de nouvelles diagonales, dont une de 50 pouces. Bonne nouvelle ? Pas nécessairement, car en un an le prix du micro-LED n’a pas vraiment diminué. Il faut toujours compter environ 1 000 euros du pouce. Pour le petit modèle de 50 pouces, cela reviendrait tout simplement à plus de 50 000 euros. Bref, la démocratisation, il faudra repasser.
TCL et Hisense réduisent l’écart
Quand les grands ne donnent pas satisfaction, il faut souvent en chercher chez les plus « petits ». De ce côté-là, les deux suiveurs attentifs que sont TCL et Hisense ont eu un bilan quelque peu différent. TCL a choisi de s’adresser avant tout au marché américain, annulant même à quelques heures de sa conférence l’annonce d’un modèle QD OLED particulièrement attendu.
Finalement, compte tenu de son rang et de ses moyens, c’est sans doute Hisense qui présente le bilan le plus équilibré. Sa gamme 2023 sans renverser la table en matière de technologie, risque d’être solide. Et si le fabricant chinois continue à maîtriser ses coûts et donc ses prix, certains de ces modèles risquent de sortir du lot. En effet, la gamme Ultra HD QLED à venir s’annonce très performante au regard de son prix estimé. Idem pour le QLED, avec l’incontournable série U7, qui va encore réduire l’écart techniquement avec les modèles de Samsung et de LG.
Faire disparaître les fils, bonne idée ou cache-misère ?
A défaut de technologie révolutionnaire, nous en sommes réduits à chercher des tendances. Lors de ce CES 2023, celle qui semble se détacher c’est la volonté des constructeurs de se passer de fils pour la partie connectique. À ce titre, deux fabricants ont particulièrement fait parler d’eux. LG avec une nouvelle famille de TV, une série M, dont la particularité première est de déporter la connectique sur un boîtier séparé. Ce procédé existe déjà chez Samsung, il s’agit du One Connect, qui nécessite tout de même un câble entre TV et boîtier. Chez LG, on va certes un peu plus loin, cette liaison n’étant plus vraiment nécessaire, mais cela se fait au prix d’un boîtier plus imposant et sans doute de quelques limitations techniques (sur ce dernier point, seuls les tests en labo permettront de comparer les capacités wireless de la série M). Bien entendu, chez LG comme chez Samsung, le téléviseur nécessite toujours un autre câble, celui de l’alimentation.
C’est la disparition de ce dernier artifice qui a donné lieu à la présentation la plus étonnante du CES en matière de TV : un téléviseur OLED de 55 pouces sur batterie et donc sans aucun fil. C’est la société Displace qui est à l’origine de cette curiosité. La dalle Ultra HD fournie par LG Display est ici dissociée de sa connectique qui est concentrée dans un boîtier assez volumineux. La transmission du signal se fait via une technologie propriétaire qui ne devrait pas être trop éloignée de celle utilisée par la série M de LG. Mais ce qui étonne sur ce modèle, c’est évidemment l’absence de câble d’alimentation. La dalle fonctionne grâce à quatre batteries, à recharger sur une base, et qui autoriseraient 180 heures de visionnage. L’autre particularité de ce téléviseur, c’est qu’il peut être fixé au mur grâce à un système de succion. Celui-ci repose également sur la batterie puisqu’il actionne un petit moteur qui aspire l’air afin d’améliorer l’accroche. Plutôt intéressante dans son approche, la démarche de Displace pose néanmoins deux soucis : le premier, c’est son impact environnemental. L’autre, c’est qu’une fois vidé de sa batterie, si vous ne prenez pas la peine de le décrocher, le TV peut bêtement s’écraser sur le sol…
Il reste désormais à savoir si ces modèles complètement dépourvus de fils pourront être commercialisés. L’idée n’est pas complètement nouvelle, au début des années 2000 Panasonic s’y était même essayé avant de voir son innovation interdite. La raison ? La fréquence de transmission entre TV et boîtier était trop proche de celle utilisée dans les communications militaires dans plusieurs pays. Si l’arrivée du modèle de LG ne pose guère de doutes, nous sommes nettement plus sceptiques sur la possibilité de voir un jour le Displace en magasin.
Nanoleaf et Ambilight : l’autre source de lumière
Enfin, s’il fallait relever une autre tendance, pas si nouvelle encore une fois, ce serait celle de la luminosité accessoire. Lorsqu’on ne peut pas intervenir directement sur la luminosité du téléviseur, pourquoi ne pas tenter de jouer avec. Philips connaît particulièrement ce principe incarné par sa technologie Ambilight. Celle-ci ne lui sera plus réservée dans la mesure où Sygnify, la société derrière Philips Hue a décidé de déployer l’Ambilight sur les TV Samsung. Bien entendu, il faudra investir dans des luminaires compatibles et dans une application à 130 euros (vous avez bien lu) pour en profiter, mais c’est une possibilité supplémentaire qui s’offre aux propriétaires de téléviseurs Samsung.
Dans un style légèrement différent, l’amélioration constante des panneaux lumineux de Nanoleaf constituent une alternative très intéressante pour tous ceux qui veulent jouer avec la lumière de leur téléviseur.
On fait le bilan, calmement
Un bilan du CES a priori bien terne est-il synonyme d’une cuvée TV (2023) à éviter ? Non, bien au contraire. Dans le cas de l’OLED pour ne citer que lui, le niveau atteint par les différents modèles que nous avons testés en 2022 est très satisfaisant. Les successeurs des LG G2, du Sony A95K, du Philips OLED936 ou même du Samsung S95B, seront non seulement aussi bons, mais ils disposeront sans doute d’un surplus de ce qui leur permet le plus de sublimer l’image : la lumière. Ainsi, si en matière d’annonces et de clinquant le gain en luminosité est difficilement perceptible, il devrait avoir un impact réel sur le rendu des contenus.
Ce constat nous amène nécessairement à nous interroger sur notre perception du progrès technologique en TV et sur nos attentes lors des grands événements tels que le CES. Est-il raisonnable d’espérer tous les ans un bond considérable dans la qualité des dalles ? Est-ce possible de développer tous les 12 mois une fonctionnalité pouvant changer notre manière d’utiliser ou de percevoir notre téléviseur ? Par-dessus tout, n’est-ce pas cette demande constante d’innovation qui a conduit les fabricants à pousser inutilement des technologies inconsistantes ou incohérentes (coucou la 3D et la 8K) ?
En 2023, les acteurs du marché TV font peut-être moins rêver, ils semblent devenus plus raisonnables, mais ce n’est sans doute pas plus mal.