Alors que le nombre de marques de voitures chinoises vendues en Europe augmente, les constructeurs européens s’interrogent sur la nécessité d’instaurer un protectionnisme aux frontières.
Le bonus écologique va-t-il être conditionné à une obligation de fabriquer sa voiture sur le sol européen ? Au cours d’un débat organisé par la très sérieuse Plateforme Automobile (PLA) et le gouvernement français, dans le cadre de la préparation du contrat stratégique de filière 2023-2027, la question a été largement discutée et commentée. Selon la majorité des acteurs présents, la meilleure solution pour permettre aux constructeurs européens d’être aussi compétitifs que leurs homologues chinois serait d’instaurer un protectionnisme économique. Celui-ci passerait par l’interdiction de prétendre au bonus CO2 dès lors que le véhicule n’est pas fabriqué sur le Vieux Continent. En réflexion depuis plusieurs mois, y compris à Bercy, cette mesure aurait des conséquences immenses sur le marché automobile. Si l’on regarde le classement des voitures les plus vendues en France depuis le début de l’année, ce seraient trois des quatre véhicules les plus populaires qui n’auraient plus droit au bonus écologique.
En effet, que ce soit la Dacia Spring, la Tesla Model 3 ou encore la MG4, tous ces modèles sont fabriqués en Chine avant d’être expédiés et vendus en Europe. Cette mesure ne concernerait pas uniquement les constructeurs chinois ou faisant fabriquer en Chine, elle aurait également une incidence sur des marques telles que Hyundai et Kia dont les très populaires Ioniq 5 et EV6 sont fabriquées en Corée, ou encore Ford qui fait venir sa Mustang Mach-e depuis les Etats-Unis.
Le bonus CO2 réservé aux voitures fabriquées en Europe ?
Cette idée de taxer les véhicules fabriqués en dehors du territoire européen trouve sa justification dans l’écart de compétitivité auquel doivent faire face les constructeurs du Vieux continent, dont une bonne partie fabrique d’ailleurs des voitures en Chine. En effet, avec un accès aux métaux rendu plus simple par des réserves naturelles plus élevées, des capacités de raffinage du lithium bien plus élevées qu’ailleurs dans le monde et des réserves en terres rares conséquentes, la Chine est devenue la plaque tournante du marché des batteries dans le monde et a presque confisqué leur production. Si l’on ajoute à ça un coût du travail plus faible et des grandes capacités de production, on mesure l’écart qui sépare les deux modèles industriels.
La conséquence, c’est qu’une Dacia Spring, deuxième voiture électrique la plus vendue en France et propriété de Renault, doit son prix contenu au fait d’être fabriquée en Chine. Idem pour la Model 3 et la MG4. Paradoxalement, la Model Y de Tesla, voiture électrique la plus en vogue depuis le début de l’année et une baisse conséquente de son tarif, est fabriquée en Allemagne dans la Gigafactory de Berlin. Son prix ne serait donc pas modifié si une telle mesure venait à être appliquée. Idem pour le Kona de Hyundai, fabriqué en partie en République tchèque.
Par ailleurs, il convient de préciser que l’Europe ne serait pas le seul marché sur lequel des mesures protectionnistes sont mises en place pour protéger l’industrie locale. Aux États-Unis, par exemple, à l’initiative de Joe Biden, les aides à l’achat sont nettement plus importantes pour les véhicules « made in USA ». Le crédit d’impôt fédéral de 7 500 dollars, équivalent de notre bonus écologique, est conditionné à l’obligation de produire véhicule, batterie ou les deux sur le sol américain.
Le marché de l’électrique chamboulé ?
Voilà des mois que le gouvernement français réfléchit à réguler davantage le marché de l’électrique. Plutôt qu’une taxe sur les importations chinoises, qui pourrait d’ailleurs être mal perçue depuis Pékin, la suppression du bonus écologique semble non seulement faire son chemin, mais elle est également vivement encouragée par la filière.
Que ce soit pour les marques nationales (Peugeot, Citroën, Renault) ou européennes (Volkswagen, Seat, Mercedes, etc.), cette décision aurait un impact immédiat sur leur compétitivité. En revanche, il n’est pas certain que les consommateurs soient aussi sensibles au sujet de la souveraineté industrielle lorsque l’offre de voitures électriques « accessibles » se sera considérablement réduite.
Source :
PLA