Telegram bloqué au Brésil, nouvelle étape dans l’histoire agitée du pays avec l’application

Telegram bloqué au Brésil, nouvelle étape dans l’histoire agitée du pays avec l’application


Un an après un premier blocage temporaire, la justice brésilienne a de nouveau demandé aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) et aux magasins d’application en ligne de couper tout accès à l’application de messagerie Telegram dans le pays. Un nouvel épisode de la relation très conflictuelle entre la justice et l’entreprise au Brésil.

Mercredi 26 avril, un tribunal fédéral a ainsi ordonné le blocage de Telegram, estimant que l’application ne collaborait pas suffisamment avec une importante investigation en cours sur des groupes néonazis. Les enquêteurs avaient demandé, avec l’accord d’un juge, que Telegram leur fournisse une série d’informations sur des utilisateurs participant à un groupe de discussion violemment antisémite, soupçonné de préparer des attentats et d’avoir joué un rôle dans une attaque antisémite commise par un adolescent en novembre 2022. Le jeune homme avait tué quatre personnes par balle, dont une élève de 12 ans dans une école à Aracruz (Espirito Santo, Sud-Est).

Le tribunal a, par ailleurs, condamné l’entreprise à une astreinte d’environ 200 000 euros par jour tant qu’elle ne fournissait pas les informations demandées. Telegram n’a, pour l’heure, répondu que partiellement aux demandes des enquêteurs, ne fournissant notamment pas les numéros de téléphone des administrateurs de deux canaux de discussion.

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Problèmes majeurs de désinformation

En mars 2022, dans un contexte politique très tendu, à six mois de l’élection présidentielle brésilienne, la Cour suprême avait déjà ordonné un blocage temporaire de l’application dans le pays. A l’époque, la justice lui reprochait une série de graves manquements dans sa modération, notamment son refus de bloquer les comptes de soutien du président Jair Bolsonaro diffusant à large échelle de la désinformation et, déjà, de manquer de bonne volonté dans sa coopération avec des enquêtes en cours, notamment en matière de pédopornographie.

A l’époque, Telegram avait plaidé l’erreur de bonne foi, affirmant ne pas avoir répondu aux sollicitations de la justice dans les délais impartis après qu’un courriel s’était perdu. L’entreprise avait réagi très rapidement : Pavel Durov, le fondateur de l’application créée en Russie mais dont le siège est désormais à Dubaï, avait personnellement présenté ses excuses et dépêché au Brésil Ilya Perekopsky, l’un des principaux cadres de la société, qui avait rencontré Jair Bolsonaro en juin. Le blocage avait été rapidement levé. La société s’était par ailleurs engagée à davantage et mieux modérer sa plate-forme dans le pays, en surveillant notamment les principaux canaux de discussion brésiliens pour y détecter et supprimer la désinformation politique.

L’absence quasi-totale de modération de Telegram a valu à l’entreprise des problèmes dans de nombreux pays. En février 2022, par exemple, le réseau social a finalement supprimé soixante-quatre canaux à la demande de la justice allemande après de longs mois d’inaction, lorsque des députés allemands ont, à leur tour, évoqué la possibilité d’un blocage pur et simple de l’application.

En France, le collectif Tajmaât a révélé, au début d’avril, l’existence d’un groupe de canaux Telegram d’extrême droite, contenant de nombreux propos racistes et dans lesquels étaient également évoqués des projets d’attentats – peu avancés – contre des mosquées et des lieux fréquentés par des musulmans. Baptisés « FRdeter » (pour « Français déterminés »), ces groupes comptaient parmi leurs membres des policiers. Une enquête a été ouverte et les canaux ont été supprimés, vraisemblablement par leurs administrateurs.

Une application prisée des soutiens de Bolsonaro

Reste qu’au Brésil, Telegram occupe une place particulière. L’entreprise ne fournit pas de chiffres sur son nombre d’utilisateurs par zone géographique, mais le pays comptait, jusqu’à récemment, parmi les principaux marchés de l’application, selon les estimations d’instituts de sondage, même si des études de marché récentes semblent indiquer que la messagerie y est à présent en perte de vitesse.

Le Brésil est l’un des marchés-clés où Telegram tente de gagner des parts face à son concurrent WhatsApp, utilisé par la quasi-totalité de la population et cible régulière de critiques et d’allégations de la part de Pavel Durov.

L’application était, et reste, très utilisée en particulier par les partisans de Jair Bolsonaro : l’ex-président brésilien compte plus d’un million d’abonnés sur la plate-forme, où il est toujours très actif. Après avoir passé plusieurs semaines aux Etats-Unis après sa défaite à la dernière élection présidentielle, l’ancien chef d’Etat est de retour au Brésil : il était entendu jeudi par la police pour son rôle présumé dans les émeutes menées le 8 janvier par ses soutiens, qui estiment que l’élection lui a été volée. A l’époque, Telegram, comme d’autres messageries et réseaux sociaux, avait été utilisé par les émeutiers pour se coordonner.



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