Les Etats-Unis ont déployé un arsenal de mesures pour maintenir la Chine en état de faiblesse dans le secteur des semi-conducteurs. Blocage de l’accès aux composants et aux techniques de gravure les plus avancées, surveillance accrue des acquisitions et des activités commerciales, placement de certaines entreprises chinoises sur liste noire pour leurs liens avec les services de renseignement et l’armée chinoise…les restrictions se sont multipliées ces dernières années.
La Chine n’a pas encore la capacité de produire elle-même des puces en gravure très fine. On estime qu’elle est en capacité de fabriquer des composants en 14 nm, voire en 7 nm en poussant les techniques à leurs limites (avec des conséquences sur les rendements) quand les fondeurs internationaux descendent désormas jusqu’au 3 nm et préparent les transitions suivantes vers le 2 nm et même en-dessous.
Mais à force de vouloir absolument freiner la Chine, les Etats-Unis risquent bien de se tirer une balle dans le pied et de mettre à mal leur propre industrie des semi-conducteurs.
La tech américaine en danger
C’est l’avertissement lancé par Jensen Huang, le dirigeant de la firme Nvidia spécialisée dans les GPU, les composants pour conduite automobile autonome et les accélérateurs graphiques pour IA et supercalculateurs.
Autant de secteurs porteurs de croissance pour lesquels Nvidia propose des solutions…qui ne peuvent être déployées en Chine, l’un des plus gros marchés concernés.
Or, en réponse aux mesures américaines, la Chine investit massivement pour développer sa propre industrie des puces, refaire son retard…et se passer des entreprises occidentales.
Au Financial Times, il fait valoir dans un entretien que si la Chine ne peut pas acheter les composants issus des USA, elle finira par les fabriquer elle-même. Le patron de Nvidia invite donc les décideurs américains à bien réfléchir aux actions de restrictions menées actuellement car « la Chine est un marché très important pour l’industrie high-tech« .
Pas d’autre alternative que la Chine
Or il n’y a pas de plan B s’il n’était plus possible de vendre des composants Nvidia à la Chine car il n’existe pas d’autre marché de cette ampleur dans le monde. En bloquer complètement l’accès créerait d’immenses dommages pour les entreprises américaines, insiste-t-il.
Et cela rendrait inutile le Chips Act, programme à 52 milliards de dollars de relocalisation des capacités de production de puces aux Etats-Unis puisque les puces seraient certes produites hors de portée de la Chine (Taiwan pouvant être éventuellement envahie) mais elle ne trouveraient pas preneur pour autant.
Nvidia profite fortement de l’engouement pour les intelligences artificielles et plus encore depuis l’émergence de ChatGPT et des IA génératives mais le blocage des ventes de ses accélérateurs IA Nvidia A100 et H100 en Chine a sonné comme un coup de semonce pour son activité.
A terme, c’est presque la moitié des revenus annuels de Nvidia qui sont sous la dépendance des prochaines décisions politiques et des incertitudes géostratégiques en Asie, relève le Financial Times.