TikTok, ces deux syllabes qui sonnent comme une partie de jeu de go sont au cœur du conflit sino-américain. Les mésaventures de ce réseau social chinois aux Etats-Unis touchent au noyau dur de l’opposition entre Pékin et Washington. Elles disent beaucoup d’un affrontement qui est, très largement, une affaire de confiance.
Entre 2020 et 2022, TikTok, filiale du groupe chinois ByteDance, a été l’application la plus téléchargée au monde sur téléphone mobile. Application de partage de vidéos courtes, elle a quelque 170 millions de fidèles aux Etats-Unis, chez les jeunes principalement, mais elle est aussi devenue essentielle pour des millions de petits entrepreneurs. Son algorithme est des plus performants pour dresser le profil – goûts et habitudes – de ses utilisateurs et les servir « à la carte ».
En un mot, un immense succès qui confirme que la Silicon Valley n’a pas ou plus le monopole de l’innovation technologique (voir l’article d’Harold Thibault et Simon Leplâtre dans Le Monde du 14 mars). Les sondages se recoupent. Un tiers des adultes aux Etats-Unis se servent de TikTok. Un tiers des jeunes adultes – moins de 30 ans – l’utilisent pour suivre l’actualité, politique, économique et internationale. Le problème est dans les chiffres : TikTok rayonne de toute sa puissance de diffusion – images et données –, de séduction et d’effet d’addiction.
Le 13 mars, la Chambre des représentants a adopté une proposition de loi destinée à changer la propriété de la plate-forme sur le marché américain. Voté à une large majorité bipartisane – 352 contre 65 voix –, le texte donne six mois à ByteDance pour vendre TikTok à un opérateur non chinois (comprendre : américain), faute de quoi l’application sera interdite de téléchargement sur l’App Store d’Apple et sur Google Play. Autant dire bannie, de part et d’autre des montagnes Rocheuses et du Rio Grande à la frontière canadienne.
Venant d’un pays qui vante haut et fort les vertus de la concurrence, de la libre entreprise et du libre-échange, le coup est sévère. Il est porté au nom de la sécurité des Etats-Unis. Et si TikTok, à des fins de chantage, collectait les data de millions d’Américains ? Et si TikTok disséminait discrètement désinformation et propagande au service de Pékin ?
Le sort de Huawei
Il faut encore un vote au Sénat, sans doute à une majorité qualifiée, ce qui n’est pas acquis, mais Joe Biden a déjà dit quelle serait sa position : si le texte – Protecting American from Foreign Adversary Controlled Applications – reçoit l’imprimatur de la chambre haute du Congrès, il le signera sans hésiter. Ce ne sera pas la fin de l’histoire. ByteDance s’opposera à la vente de sa filiale et ira jusqu’à la Cour suprême pour défendre ses droits.
Il vous reste 52.62% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.