« A Quantico, je m’efforçais de survivre, minute après minute »

« A Quantico, je m’efforçais de survivre, minute après minute »


[Longtemps, Chelsea Manning n’a pas eu voix au chapitre. Lorsque, en mai 2010, le grand public découvre le visage de cette ex-analyste de l’armée américaine qui fut un temps en poste dans le désert irakien, elle a déjà perdu la liberté, arrêtée peu de temps auparavant par les autorités de son pays. Après un procès où elle n’a quasiment pas eu la parole, elle sera condamnée à trente-cinq ans de prison. Son tort ? Avoir fourni au site spécialisé dans les fuites de documents WikiLeaks de nombreux documents secrets : des milliers de comptes rendus d’opérations militaires en Irak et en Afghanistan, une vidéo où l’on voit cette même armée américaine tuer par erreur des journalistes de l’agence Reuters ou encore des milliers de télégrammes envoyés par les diplomates américains dans le monde entier. Ces éléments serviront de base à des scoops d’une ampleur inédite, révélés par des médias du monde entier, du New York Times au Guardian en passant par Le Monde.

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En 2017, sa peine a été écourtée par le président américain Barack Obama et elle a pu recouvrer la liberté la même année. Depuis, ses prises de parole ont été rares. D’où l’intérêt de README.txt, le livre qu’elle publie mercredi 19 octobre chez Fayard. Chelsea Manning, aujourd’hui âgée de 34 ans, y retrace son parcours, de l’enfance dans l’Oklahoma rural à son entrée dans l’armée, puis à son combat pour informer l’opinion.

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Cet ouvrage, où s’entremêlent deux histoires – celle d’une personne trans aux prises avec une société transphobe et celle d’une lanceuse d’alerte confrontée aux horreurs de la guerre – comble les vides et les zones d’ombre du parcours de Chelsea Manning. L’une d’elles concerne ses conditions de détention, sur des bases américaines au Moyen-Orient et aux Etats-Unis entre 2010 et 2016, qualifiées de « cruelles, inhumaines et dégradantes » par le rapporteur spécial de l’ONU sur la torture en 2012. Dans les extraits retenus par Le Monde, Chelsea Manning en dévoile pour la première fois le détail. Nous sommes alors en 2010 : après son arrestation sur la base irakienne où elle était stationnée, elle a été transférée sur la base d’Arifjan au Koweït, où elle a été emprisonnée dans une cage en métal.]

« README.txt », de Chelsea Manning (Fayard, 320 pages, 22 euros).

Bonnes feuilles. Dans les quatre jours qui ont suivi l’apparition des SIGACT [« Significant activity », les rapports d’incidents des soldats américains qu’elle fait fuiter à WikiLeaks] afghans dans les médias (…) on m’a sortie de ma tente. Vers l’heure du dîner, sans avertissement ni explication, une demi-douzaine de maîtres d’armes se sont présentés devant ma cage. Ils avaient mon sac en toile, dont ils ont inspecté le contenu en silence devant moi. J’ai ensuite subi un examen médical approfondi. Après tant de temps sans interaction humaine digne de ce nom, cette soudaine activité m’a plongée dans une confusion paniquée. (…)

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