« Attendre que les plates-formes deviennent rentables, c’est entériner un système dysfonctionnel »

« Attendre que les plates-formes deviennent rentables, c’est entériner un système dysfonctionnel »


Le 23 janvier, le géant suédois de la musique en ligne, Spotify, a annoncé des déconvenues concernant sa rentabilité et le licenciement de 6 % de ses effectifs. L’effondrement de l’action de Deezer montre également la frilosité des marchés (manions l’euphémisme) face au modèle économique du streaming musical. Les plates-formes payantes de streaming musical ne s’en cachent pas : le système n’est pas rentable pour elles.

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Pour l’immense majorité des artistes, et celle des labels indépendants, le système est tout aussi peu rentable, voire désastreux selon les secteurs. Dans la musique de création et de patrimoine (ce que l’on appelle couramment « la musique classique » et le jazz), les artistes sont devenus leurs propres mécènes ; les ensembles et les orchestres, leurs propres producteurs. Il s’agit des seuls truchements possibles pour exister encore dans la production phonographique. Les labels et éditeurs survivent notamment grâce à des jeux de rachats et de conglomérats, parfois peu propices à l’expression de la diversité musicale.

La chaîne actuelle de production et distribution ne fonctionne donc pas – sauf pour les trois majors, Universal, Sony et Warner, et un très petit nombre d’artistes mainstream. De plus, le phénomène récemment révélé des « faux streams » vient montrer qu’en plus d’être dysfonctionnel, le système est vicié : plusieurs milliards de streams sont fabriqués industriellement. Le tableau n’a rien d’idyllique.

Coût déplacé sur les créateurs

Entendons-nous bien : il ne fait aucun doute que le streaming s’inscrit dans le sens de l’histoire numérique, et que son succès public, à défaut d’être économique, montre à quel point il bénéficie d’abord aux utilisateurs : la mise à disposition d’un catalogue quasi illimité pour un abonnement modique, inespérée il y a encore vingt-cinq ans (quand la constitution d’une discothèque supposait un effort financier conséquent et des choix cornéliens) tient de la magie. C’est l’illusion du numérique : les contenus sont (presque) gratuits. En réalité, leur coût a été quasi intégralement déplacé sur les créateurs.

Ainsi, en France, seules les aides publiques et solidaires (Crédit d’impôt, Fonds national pour l’emploi dans le spectacle et Centre national de la musique) ont permis d’éviter la disparition pure et simple de la production discographique non mainstream. Aujourd’hui, ces aides se contractent de manière dramatique. Le système doit être repensé, car il s’effondre de toutes parts : depuis quelques semaines s’allonge inéluctablement la liste des projets annulés, reportés sine die dans le meilleur des cas, pour la création contemporaine, le classique, la musique ancienne, le jazz mais aussi la chanson française.

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