Au Royaume Uni, les messageries chiffrées redoutent le futur contrôle des contenus en ligne

Au Royaume Uni, les messageries chiffrées redoutent le futur contrôle des contenus en ligne


Proposé pour la première fois en mai 2021, le texte de loi britannique visant à encadrer les obligations des plates-formes approche de la fin de sa phase d’élaboration : approuvé par la Chambre des communes, le texte doit maintenant être validé par la Chambre des lords avant d’être promulgué. Ce texte prévoit plusieurs dispositions visant à mieux encadrer les obligations des services en ligne et des réseaux sociaux à l’égard du contrôle d’accès des mineurs à la pornographie mais surtout de nouvelles obligations sur le retrait des contenus illicites.

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Le texte souhaite notamment forcer les opérateurs de ces services à détecter automatiquement les contenus illicites mis en ligne sur leurs plates-formes. S’il entrait en vigueur en l’état, il contraindrait les messageries WhatsApp et Signal à revoir leur technologie ou à quitter le Royaume-Uni. WhatsApp comme Signal s’appuient en effet sur la technique du chiffrement dit « de bout en bout », grâce à laquelle un message n’est accessible que par son expéditeur et son destinataire, et totalement indéchiffrable pour qui que ce soit d’autre, y compris les plates-formes elles-mêmes.

Craintes sur le chiffrement

Dans un post de blog publié jeudi 9 mars, Meredith Whittaker, présidente de Signal, a résumé les principales craintes de l’application de messagerie. « Telles qu’elles sont écrites, les dispositions du projet de loi sur la sécurité en ligne sont sur le point d’éviscérer la vie privée tout en ouvrant de nouveaux vecteurs d’exploitation qui menacent la sécurité de tous au Royaume-Uni. (…) Nous nous opposons au projet de loi dans sa forme actuelle et estimons que les principales dispositions doivent être fondamentalement réexaminées. »

La présidente de Signal compare la situation, si la loi britannique était promulguée, à celle de l’Iran où l’application de messagerie chiffrée est interdite : Signal continue d’y être proposé mais de façon clandestine, en passant par un ensemble de mesures techniques visant à échapper aux outils de censure déployés par le gouvernement.

WhatsApp s’est joint aux critiques par la voix de son directeur Will Cathcart. Dans la presse britannique, le dirigeant s’est inquiété du conflit entre le projet de loi et la volonté de WhatsApp de proposer la même application et les mêmes garanties de chiffrement sur tous les marchés où elle est présente. M. Cathcart n’exclue ainsi pas que l’application soit retirée du marché britannique si le gouvernement britannique exigeait de WhatsApp qu’il affaiblisse son outil de chiffrement pour se conformer au texte de loi. Lui aussi rappelle qu’en Iran, où WhatsApp est officiellement bloqué, la messagerie reste accessible par des moyens détournés.

L’offensive britannique contre les outils de chiffrement fait écho à d’autres initiatives similaires prises dans l’Union européenne. Au mois de mai 2022, la Commission européenne a présenté une proposition de loi visant à mieux lutter contre les contenus illicites, notamment pédocriminels, en introduisant la possibilité d’obliger les plates-formes en ligne à déployer des outils de détection sur leurs services. Cette proposition, qui doit encore être approuvée par le Parlement et le Conseil de l’Union européenne, est déjà vivement critiquée par des associations de défenses de la vie privée comme European Digital Rights. Ces associations dénoncent un texte dangereux pour les libertés individuelles et dont les dispositions pourraient remettre en cause la confidentialité offerte par les fournisseurs de messageries chiffrées.

Le Monde



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