Aux États-Unis, la loi qui autorise l’espionnage des Européens (FISA) est sur le point d’expirer… sans être renouvelée

Congrès américain


Cette semaine, les législateurs américains n’ont pas voté le renouvellement de la loi FISA – le texte controversé qui autorise les agences de renseignement américaines à accéder aux conversations des Européens. Ses détracteurs ont reçu un soutien inattendu : celui de Donald Trump… Un échec dont se réjouissent les défenseurs des droits numériques européens, mais qui pourrait n’être que temporaire.

C’est un épisode inattendu, dans le débat sur la loi d’espionnage FISA qui a eu lieu cette semaine aux États-Unis, et qui a mis en scène un Donald Trump appelant à « tuer la loi FISA ». Le 19 avril prochain, si rien est fait, la section 702 de la loi FISA, le texte qui permet aux agences de renseignement américaines d’accéder aux messages ou aux conversations des Européens, arrivera à expiration. Depuis des mois, les lobbys qui militent pour son extension, sa réforme ou sa suppression, n’en finissent pas d’œuvrer pour mobiliser les foules. Et cette semaine, le débat a pris, outre Atlantique, une tournure inopinée. Le projet de loi, qui visait à prolonger cette section, et à apporter davantage de garanties aux Américains – il n’est malheureusement pas question des droits des Européens – a été bloqué mercredi 10 avril à la Chambre des représentants. Il faut dire que les opposants au texte, critiqué parce qu’il permettrait aussi l’espionnage de citoyens américains, a reçu un soutien pour le moins inattendu : celui de Donald Trump en personne.

L’ancien président et actuel candidat à la Maison-Blanche est venu court-circuiter les efforts de l’administration de Joe Biden. Le gouvernement américain ne cesse de répéter, depuis des mois, que les agences de renseignement ont besoin de ce texte pour protéger la population des terroristes et des attaques informatiques. Et à peine quelques heures avant le vote du projet de loi qui avait lieu mercredi dernier, l’ancien président américain est entré en scène. Le septuagénaire a appelé à « tuer la loi FISA » sur son réseau social Truth Social. Pour ce dernier, la section 702 de la loi a été utilisée, à tort, pour espionner sa précédente campagne présidentielle. Elle doit donc être supprimée. Cette sortie aurait convaincu certains législateurs, conduisant à ce que le projet de loi soit retoqué à la chambre des représentants. On ne sait pas comment les partisans de son renouvellement ou de son extension souhaitent procéder, alors que la loi FISA expirera bien dans sept jours, le vendredi 19 avril prochain.

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Qu’est-ce que cette loi FISA ?

À l’origine, la section 702 de la loi FISA avait été mise en place en 2008 par l’administration Bush pour lutter contre le terrorisme. Concrètement, ce texte permet aux agences de renseignement américaines d’accéder aux échanges téléphoniques, aux messages, aux courriels ou aux sauvegardes dans des Cloud d’individus qui ne sont pas américains, et qui résident à l’étranger – dont les Européens. Ces données sont fournies par les « fournisseurs de communications électroniques » américains, à la demande des services secrets.

Et si les données ne concernent en théorie que des étrangers vivant en dehors du pays, des data de citoyens américains peuvent aussi être concernées, par ricochet, lorsque ces derniers échangent avec des individus à l’étranger. Mais ce n’est pas tout : dans le passé, l’utilisation de cet article est parfois sortie de son cadre limité. Ont ainsi été dénoncés les ciblages d’un membre du Congrès, de participants aux manifestations du mouvement Black Lives Matter de 2020, et à l’assaut du Capitole américain de janvier 2021.

La pomme de la discorde : exiger un mandat d’un juge

Face à ces abus, les opposants au texte sont montés au créneau, en demandant que le FBI obtienne systématiquement un mandat d’un juge, lorsque des citoyens américains sont concernés. Mais pour le directeur du FBI, Chris Wray, cela reviendrait à rendre tout le dispositif inefficace. « Exiger un mandat paralyserait notre capacité à faire face aux menaces en évolution rapide », a expliqué l’homme à la tête de l’agence de renseignement, lors d’un discours mardi dernier dont Forbes se fait l’écho.

Pour les défenseurs de la souveraineté européenne, qui regrettent que ce texte donne un droit d’espionner les Européens sans les garanties minimum prévues par le droit européen (le droit à un avocat, à un véritable appel…), le non-renouvellement, même temporaire, de ce texte controversé est une bonne nouvelle.

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« Pourquoi lancer un Schrems 3 si Trump tue la loi FISA d’un simple post ? »

« Pourquoi lancer un Schrems 3 si Trump tue la section 702 de la FISA avec un simple post sur Truth Social (du moins pour l’instant) ? », s’interroge le défenseur des droits numériques autrichien Max Schrems sur X, en référence aux actions en justice menées par son association, NOYB. Ses recours ont conduit à l’annulation, par la Cour de justice de l’Union européenne, des deux précédents accords transatlantiques des données, des textes qui autorisent le transfert de données de l’Europe vers les États-Unis. Et lorsqu’un nouvel accord a été annoncé en juillet dernier, Max Schrems nous avait expliqué qu’il allait mener une troisième action qui conduirait à une nouvelle annulation ( un « Schrems 3 ») toujours pour les mêmes raisons : des droits des Européens sur leurs données personnelles et leur vie privée qui ne sont pas respectés.

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Même son de cloche chez l’entrepreneur du numérique et fondateur du think thank Cybernetica, Tariq Krim, qui écrit, aussi sur X : « Ce changement cataclysmique aura un impact massif sur la souveraineté numérique en Europe ». Mais il n’y a pas de quoi se réjouir trop vite : si la loi FISA expire techniquement le 19 avril, l’administration Biden a déjà déclaré que l’accès à ces données par le Renseignement américain resterait opérationnel pendant encore un an. Ce en vertu d’un avis de la cour supervisant les agences de renseignement, cité par le média américain CBS News. Ce laps de temps supplémentaire, s’il est confirmé, permettra peut-être aux législateurs américains de trouver un compromis.

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Source :

CBS News





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