Cent milliards de dollars suffiront-ils à repousser les limites de la miniaturisation des puces ?

Cent milliards de dollars suffiront-ils à repousser les limites de la miniaturisation des puces ?


Avec un peu plus de 99 milliards de dollars d’investissement dans des usines et autres équipements en 2022, l’industrie des semi-conducteurs atteint des sommets. De quoi augmenter les capacités de production et améliorer encore les procédés de fabrication… Avant d’affronter un grand mur ?

C’est un record ! D’ici à la fin de l’année 2022, l’industrie des semi-conducteurs aura investi quasiment 100 milliards de dollars dans les usines (les fabs) – 99 milliards et des brouettes pour être plus précis. Un chiffre en hausse de 9% par rapport à l’année précédente, qui était déjà un record historique.

Une fois ce chiffre impressionnant passé au tamis, on se rend compte du profond déséquilibre régional des investissements. Sans surprise, c’est en Asie que la majorité de ces milliards de dollars pleuvent. Taïwan, la Corée du Sud et la Chine sont les champions du domaine. Avec respectivement 30 milliards, 22,2 milliards et 20 milliards de dollars investis dans les outils de fabrication de puces, ces trois pays représentent approximativement les trois quarts du total ! À titre de comparaison, les investissements européens (avec le Moyen-Orient inclus dans la région), pourtant en hausse de 114 % sur un an paraissent bien dérisoires avec un total de seulement 6,6 milliards de dollars !

Répartis entre les fabs de processeurs, de mémoire, etc. ces dizaines de milliards sont là pour absorber la demande en forte hausse. Une demande accrue par la pénurie de semi-conducteurs (COVID, télétravail, etc.) autant que par l’accélération de la diffusion des puces dans de nombreuses industries comme l’automobile ou les villes connectées par exemple. Ce sont ces investissements massifs qui ont permis l’amélioration continue des process de fabrication et la réduction de la taille des transistors. Mais en dépit de ces sommes folles, il est possible que l’industrie se heurte assez rapidement (en temps industriel) à un mur technologique.

La loi de Moore est-elle morte ?

L’industrie des semi-conducteurs est en pleine bataille de mots autour du concept de la « loi de Moore ». Un postulat émit par l’un des fondateurs d’Intel, Gordon Moore, qui met en parallèle l’augmentation de la performance des puces et la baisse de leur coût. En une semaine, cette « loi » est morte et a ressuscité dans la foulée ! La mort a d’abord été décrétée au milieu de la semaine dernière par le PDG et fondateur de Nvidia. Expliquant que les prix des tranches de silicium et des technologies de gravure est en pleine explosion, Jensen Huang a profité de la présentation des GeForce RTX 4000 pour affirmer que la loi de Moore était morte.

En bon défenseur des mots du fondateur de son entreprise, le nouveau PDG d’Intel, Pat Gelsinger, a ressuscité la loi hier lors du lancement officiel de sa carte graphique ARC A770 en affirmant « Non, la loi de Moore n’est pas morte ». Un conflit de vision « logique » : l’un doit payer les autres pour faire fabriquer ses cartes, l’autre doit prouver que ses usines sont en route pour le futur. La vrai réponse est comme le fameux statut de relation de Facebook : « It’s complicated ». Mais si les feuilles de route d’IBM, TSMC, AMSL ou Intel semblent solides pour quelques années, il se pourrait qu’un mur nous attendent à moyen/long terme.

Des murs physiques et financiers surmontables ?

Dans une longue interview donnée à nos confrères néerlandais Bits-chips.nl, le directeur technique d’ASML partage ses doutes sur le futur de la lithographie. L’importance de la voix de Martin van den Brink est capitale. Œuvrant dans la seule entreprise au monde à produire les précieuses machines de lithogravure utilisant des ultraviolets extrêmes, ASML est sans aucun doute la mieux placée pour parler des défis qui nous attendent. Et Martin Van Den Brink a supervisé son développement.

Théorisée il y a trois décennies, la gravure EUV est une révolution technologique qui est passée sous les radars médiatiques. Mais c’est ce passage d’un laser de 193 nm de longueur d’onde à un rayon de seulement 13,5 nm qui permet de produire les puces de dernière génération de vos smartphones, consoles et PC. Et ce sont les futures machines EUV High-NA qui seront livrées à partir de 2025 qui vont permettre de s’attaquer à la gravure au-delà du 1 nm.

Cependant, quand les commentateurs parlent du présent, voire à une ou deux générations de puces à venir, les  industriels voient (fort logiquement) plus loin. Dans le cas d’ASML, le futur tient en des machines qui succéderont au High-NA et qui sont appelées Hyper-NA (NA veut numerical aperture, en référence aux éléments optiques qui dirigent les rayons qui gravent les circuits). Mais cet avenir ne semble pas établi : « Nous travaillons dessus, mais cela ne veut pas dire que cela va atteindre le stade de la production. Pendant des années, j’ai suspecté que la (technologie) High-NA sera la dernière de ce type, et je n’ai pas changé d’avis », a confié Martin Van Den Brink à nos confrères de Bits-chips.nl. Face au développement d’une version au-dessus de ces machines à grande ouverture, se dressent les murs de la science. Et de l’argent.

La recherche se heurte ainsi aux seuils de tolérance qui commencent à être au-delà des limites physiques des outils de mesure : la surface des lentilles qui guident les rayons EUV ne tolèrent pas de différence de plus de 20 picomètres ! S’ajoute à cela que pour aller au-delà des valeurs d’ouverture actuelles des éléments optiques, les machines déjà énormes devraient encore grossir. Un futur qui n’est peut-être tout simplement pas possible. « Pour (les machines) Hyper-NA, nous reconnaissons que les contraintes de coût sont peut-être insurmontables », a expliqué à nos confrères Marti Van Den Brink. Achevant son entretien en posant la situation. « Au point où on en est, la question devient prégnante :  à partir de quelle taille minimale les puces cesseront d’être viables économiquement ? ».



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