Intel a récemment présenté la cinquième génération de son protocole Thunderbolt, qui promet notamment des débits impressionnants ainsi que la possibilité de connecter tout types de périphériques, le tout sur une prise USB-C.
La récente présentation de Thunderbolt 5 lors de l’Intel Innovation n’a pas manqué de faire sensation, éclipsant presque les traditionnelles annonces de processeurs lors de la conférence. La cinquième génération du connecteur promet en effet des avancées plutôt intéressantes dans le domaine, notamment un débit jusqu’à 120 Gb/s, la possibilité de gérer jusqu’à deux écrans 8K simultanément, ou encore de charger n’importe quel ordinateur portable en un temps record grâce à une nouvelle amélioration de la puissance délivrée, le tout en étant compatible avec l’USB. Mais avant d’en arriver là, la connectique a connu bien des versions, de sa naissance dans le giron d’Apple à son statut de protocole surpassant l’USB dans certains domaines.
Light Peak, l’ancêtre de Thunderbolt
Thunderbolt est une technologie à l’histoire particulièrement intéressante, dont les premiers prototypes développés dans les labos d’Intel ont donné naissance à une connectique introduite d’abord dans les ordinateurs d’Apple, puis adoptée de plus en plus largement par l’industrie. En 2009, Intel présente une nouvelle technologie nommée Light Peak à l’Intel Developers Forum. Il s’agit alors d’une fibre optique connectée à un Mac Pro via une carte PCI Express modifiée pour l’occasion. La fibre optique, d’une longueur de 30 mètres, était connectée via des prises USB, mais permettait selon Intel un débit maximal théorique de 10 Gb/s. Lors de cette démonstration sur scène, Intel a ainsi utilisé Light Peak pour transférer deux vidéos 1080p simultanément sur plusieurs appareils en réseau et les jouer sur le Mac Pro, le tout sur un seul câble.
La technologie développée par Intel avec Light Peak est très impressionnante en 2009, mais elle souffre d’un problème majeur : la fibre optique ne peut pas transporter d’énergie, et ne peut donc permettre l’utilisation que de câbles passifs, un inconvénient majeur face à l’USB capable d’alimenter un appareil à faible puissance. Intel envisage dans un premier temps de coupler sa fibre avec une paire de cuivre pour transporter le courant, mais réalise assez vite que les débits permis par une simple paire de cuivre s’avèrent en réalité bien suffisants pour assurer les 10 Gb/s prévus pour Light Peak. Le constructeur travaille alors sur une version entièrement en cuivre de son câble qui fournira d’excellents résultats, et qui sera présentée en 2011 comme la première version de Thunderbolt.
Ce n’est toutefois pas Intel qui présentera la première intégration commerciale de Thunderbolt, mais Apple. La marque à la Pomme s’est en effet impliquée assez tôt dans le développement de Thunderbolt, et a rapidement vu, dans sa miniaturisation, une opportunité pour ses Macbook. C’est donc le Macbook Pro qui fut la première machine à accueillir cette connectique, suivi de tous les ordinateurs Apple sortis à partir de 2011. La prise USB a été abandonné pour lui préférer le mini-DisplayPort, un choix justifié par le fait que le contrôleur Thunderbolt permet le transport de la vidéo via le standard DisplayPort, ce qui rend de fait la norme compatible avec les écrans disposant de cette prise. Cette première génération de Thunderbolt reprend la plupart des spécifications de Light Peak, notamment un débit de 10 Gb/s ainsi que la possibilité de connecter plusieurs appareils sur une seule prise : selon Apple, jusqu’à 6 appareils peuvent être branchés en série sur une seule prise Thunderbolt. Notons une particularité de Thunderbolt : le débit sur cette première génération est exprimé sur deux canaux, un canal ascendant et un canal descendant, pouvant chacun fonctionner à 10 Gb/s.
La démocratisation et le passage à l’USB
La deuxième version de Thunderbolt est annoncée en juin 2013, et se retrouve immédiatement intégrée aux ordinateurs d’Apple sortis à partir d’octobre 2013, à commencer par le Mac Pro. S’il conserve la connectique mini-DisplayPort, ce qui permet notamment une compatibilité avec la première génération, Intel annonce un débit de 20 Gb/s grâce à l’agrégation des deux canaux, qui sont désormais capables de fonctionner en bidirectionnel, doublant effectivement la capacité de transfert pour la même bande passante totale. Thunderbolt 2 est aussi l’occasion pour Intel d’ouvrir son standard, qui n’est alors plus exclusif aux ordinateurs de son partenaire Apple.
C’est à partir de la version 3, sortie en 2015, que Thunderbolt change de connectique pour passer à l’USB-C, qu’il utilise toujours aujourd’hui. Cela lui permet d’être compatible avec la norme USB 3.1 Gen2, et le protocole évolue pour doubler la bande passante, passant ainsi à 40 Gb/s. Malgré le changement de prise, la norme est toujours compatible avec DisplayPort, ce qui signifie qu’il est toujours possible de l’utiliser pour connecter un ou plusieurs écrans. La compatibilité avec l’USB lui donne également un avantage de taille : la possibilité de délivrer jusqu’à 100 W de puissance. Cela rend cette prise particulièrement intéressante pour les ordinateurs portables, Apple en faisant la prise unique de ses différents MacBook sortis à partir de 2016. Intel annonce la quatrième génération de Thunderbolt lors du CES 2020, pour une sortie de la norme auprès du public plus tard dans l’année. À première vue, peu de changements sont présents par rapport à la précédente norme : le débit de 40 Gb/s reste le même, de même que la prise USB-C, mais ce sont dans les détails que les différences se font remarquer. La norme est désormais compatible DisplayPort 1.4, mais aussi avec certains hubs USB et ne nécessite plus que les composants soient branchés en série (une limitation notoire de Thunderbolt jusqu’alors), et le prérequis d’une bande passante minimum de 32 Gb/s permet de garantir l’usage de deux écrans 4K simultanément sur une prise, par exemple. Enfin, elle est compatible avec la toute récente norme USB4, elle même basée sur les spécifications de Thunderbolt 3.
Thunderbolt 5, la prise futureproof
C’est donc en septembre dernier qu’Intel a présenté Thunderbolt 5, qui améliore à nouveau la norme à partir des spécifications de la quatrième génération. Nous restons donc sur une connectique USB-C, ce qui lui permet au passage d’assurer une compatibilité avec les périphériques USB 4 2.0. La norme gagne une bande passante doublée à 80 Gb/s, le support du DisplayPort 2.1 (et la gestion des écrans 8K), et comme toujours une compatibilité avec toutes les anciennes normes.
Une des principales nouveautés mises en avant par Intel concerne justement le débit permis par cette nouvelle norme. Sous le nom commercial de Bandwidth Boost, le constructeur a présenté des optimisations dans la gestion de la bande passante permettant d’augmenter celle-ci de 50%, pour la faire passer à 120 Gb/s. Pour atteindre une telle vitesse, Intel n’a pas eu besoin d’apporter de modification physiques aux câbles Thunderbolt 5, mais profite en réalité du système de lignes montantes et ascendantes du protocole. Par défaut, le système utilise deux lignes montantes à 40 Gb/s et deux lignes descendantes à la même vitesse, permettant d’obtenir 80 Gb/s en émission et en réception. Le mode Bandwidth Boost permet de convertir une de ces lignes pour une ligne d’émission ou de réception au besoin, permettant ainsi de monter à 120 Gb/S en émission, mais limitant de fait la réception à 40 Gb/s. Ce mode devrait cependant être réservé à des usages bien spécifiques, notamment à l’utilisation des écrans. Cela permettrait en effet à la norme de gérer jusqu’à deux écrans 8K sur une seule prise tout en soutenant l’énorme bande passante demandée par un tel usage, ou trois écrans 4K 144Hz pour une demande similaire.
Pour soutenir une telle vitesse de transfert, Intel est également passé à un nouveau système de codage pour Thunderbolt 5 nommé PAM-3 (« Pulse Amplitude Modulation » à trois niveaux). Concrètement, cette méthode de codage des signaux électriques implique une plus grande redondance des signaux afin de réduire la sensibilité du câble aux interférences électriques. Cela signifie moins d’erreurs en bout de chaîne, et donc moins de baisses de bande passante dues à des paquets erronés.
Enfin, la puissance délivrée par des câbles Thunderbolt 5 devrait atteindre des niveaux beaucoup plus intéressants, notamment pour les ordinateurs portables. Intel annonce en effet que les câbles Thunderbolt 5 seront capables de délivrer jusqu’à 240 W, tout en restant compatibles avec les spécifications classiques de l’USB, là où Thunderbolt 4 ne montait pas au-delà de 140 W. Cette nouvelle spécification devrait en faire une technologie plus adaptée aux PC portables plus puissants, notamment certains PC de jeu.
À l’issue de toutes ces promesses, Intel a annoncé que les premiers périphériques et ordinateurs compatibles Thunderbolt 5 devraient arriver d’ici le début de l’année 2024. Apple devrait notamment faire partie des constructeurs particulièrement intéressés par cette technologie, n’ayant jamais cessé de l’utiliser depuis sa première version. Cependant, de plus en plus de concurrents (Sony ou Dell pour les PC, LG ou Philips pour les écrans, entre autres) ont eux aussi adopté le Thunderbolt avec le temps, et la norme devrait continuer à se démocratiser, Intel ayant décidé depuis 2018 de ne plus demander de royalties aux fabricants décidant d’intégrer cette prise sur leurs appareils.