Thales Alenia Space, société conjointe du français Thales (67 %) et de l’italien Leonardo (33 %), et Hispasat, opérateur espagnol de services satellitaires, annoncent, ce mardi 21 janvier, le lancement de la phase de développement de leur prototype de QKD-GEO.
Soit la génération quantique de clés, ou QKD (Quantum Key Distribution), mais depuis des satellites géostationnaires (GEO).
Dotée d’un budget de 103,5 millions d’euros, ce projet est initié par le Secrétariat d’état espagnol aux Télécommunications et aux Infrastructures numériques et financé sur fonds européen dans le cadre du Plan national de Relance, de Transformation et de Résilience (PERTE Aeroespacial). Selon le communiqué conjoint, il « vise à produire des clés de communication sol-orbite sécurisées que même les ordinateurs quantiques les plus performants ne pourront pirater. »
Remise en cause des principes de cryptographie
En s’appuyant sur des « qubits » qui existent simultanément dans plusieurs états, l’avènement de l’informatique quantique apportera une puissance de calcul telle qu’elle reléguera alors au passé les supercalculateurs d’aujourd’hui.
Cette puissance sera mise à profit pour concevoir de nouveaux médicaments ou affiner les prévisions météorologiques.
Mais, placée entre de mauvaises mains, cette informatique quantique remettra en cause les principes de la cryptographie tels que nous les connaissons, en cassant ou en affaiblissant les clés de chiffrement.
« Un premier pas vers l’internet quantique du futur »
Cet avènement quantique, ou « Q Day ,» entraînera « un changement de paradigme dans les communications sécurisées, car les pirates munis de ce type d’ordinateurs pourront déchiffrer les données codées en quelques secondes. »
Le projet QKD-GEO se présente comme « un premier pas vers l’internet quantique du futur » afin de sécuriser les communications gouvernementales, civiles et militaires, les infrastructures sensibles mais aussi « l’ensemble des services économiques, environnementaux et technologiques connexes, ainsi que les grandes entreprises. »
Avec la distribution quantique de clés par le biais d’un système de communication optique, il est possible de confirmer avec certitude si les clés ont été interceptées, « sachant que l’intégrité des liaisons est vérifiée continuellement grâce aux propriétés quantiques des photons ».
Des liaisons continues entre deux continents via un seul satellite
Avec la déperdition du signal, cette technologie exclut, en revanche, toute possibilité de connexions basées sur la fibre optique pour les communications quantiques réalisées sur des distances de plusieurs centaines de kilomètres.
En revanche, le recours aux satellites pour la distribution quantique de clés permet de couvrir de grandes distances, compte tenu que l’affaiblissement du signal est moins important dans l’espace libre.
« En particulier, la couverture géostationnaire à 36 786 km d’altitude permet, contrairement aux autres orbites, d’établir des liaisons continues entre deux continents via un seul satellite et sans la nécessité de systèmes complexes de poursuite du signal. »
Un projet unique en son genre
« Ce projet est résolument d’avant-garde et unique en son genre puisqu’il n’existe actuellement aucun système de distribution quantique de clés au monde fonctionnant depuis cette orbite », avancent les deux partenaires. D’une durée totale de 24 mois, il débutera par le développement d’une charge utile quantique qui sera hébergée à bord d’un satellite géostationnaire, ainsi que du segment sol.
La charge utile comprend un télescope de haute précision doté d’un mécanisme de pointage, un générateur de nombres aléatoires, une source de photons polarisés, un pointeur laser, et un processeur pour la génération de clés et l’implémentation du protocole de communication.
Le segment sol comprend, lui, des stations optiques équipées de télescopes de réception des photons émis depuis l’espace et de récupération des clés, ainsi qu’un centre d’exploitation chargé d’organiser et contrôler toutes les activités du système. Pour tester la bonne coordination entre le segment sol et de la charge utile, une campagne d’essais est prévue avec une liaison atmosphérique de 140 km aux îles Canaries, entre La Palma et Tenerife.
La contribution espagnole au programme spatial européen
Depuis l’Espagne, Thales Alenia Space dirigera un vaste consortium d’entreprises espagnoles et européennes et plusieurs partenaires spécialisés dans les communications quantiques, parmi lesquels l’Institut d’Astrophysique des Canaries (IAC), l’Université polytechnique de Madrid (UPM) et l’Université de Vigo.
De son côté, Hispasat est chargé de concevoir la mission géostationnaire et de définir le business plan, avec le soutien d’entreprises comme l’opérateur Telefónica, le TowerCo Cellnex et des banques espagnoles Banco Santander et BBVA, « pour analyser des cas d’utilisation réels avec le secteur bancaire et des opérateurs terrestres. »
Le projet QKD-GEO s’inscrit dans le cadre du programme de la Commission européenne, EuroQCI. Initié en juin 2019, il vise à éployer des nœuds de communications quantiques dans plusieurs pays de l’UE. « Ces nœuds, qui couvriront les zones métropolitaines, seront connectés les uns aux autres par satellite pour assurer leur résilience. » Iris², la future constellation européenne de satellites, inclura les connexions satellitaires EuroQCI à ses missions.